Finances
Avant d’être débattu et voté en séance publique, chaque projet ou proposition de loi est examiné par l’une des sept commissions permanentes du Sénat : lois, finances, affaires économiques, affaires étrangères et Défense, affaires culturelles, affaires sociales, aménagement du territoire et du développement durable. Classées par commissions, retrouvez ici les interventions générales et les explications de vote des sénateurs CRC.
Il manque des mesures de soutien massif aux publics les plus fragiles
Loi de finances pour 2021 : solidarités, insertion et égalité des chances -
Par Eric Bocquet / 30 novembre 2020Rapporteur spécial de la commission des finances.
Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je partage l’essentiel de ce qui a été dit à l’instant par mon collègue Arnaud Bazin. Le principal problème ne réside pas dans les actions financées par la mission, qui sont utiles, voire indispensables, mais plutôt dans ce qu’il y manque, à savoir des mesures de soutien massif aux publics les plus fragiles, qui subissent de plein fouet les conséquences sociales de la crise sanitaire.
Les actions du plan de relance, en particulier celles en direction des jeunes, ne ciblent que ceux qui parviendront à s’inscrire dans un parcours d’insertion. Avec un taux d’emploi des jeunes qui a déjà progressé de 3,1 points au deuxième trimestre 2020, il ne fait aucun doute que nombre d’entre eux seront laissés sur le bord du chemin.
Nous évoquons sans cesse le plan « 1 jeune 1 solution », bien mal nommé, car au jeune précaire qui ne trouve pas d’emploi nous ne proposons pas de meilleure solution que 200 euros pour l’été, puis 150 euros pour l’automne.
Dans l’ensemble, comme l’a justement dit mon collègue Arnaud Bazin, c’est le budget de l’an passé qui est reconduit.
Pour l’essentiel, les crédits de la mission évoluent comme les deux principaux dispositifs que la mission finance : la prime d’activité et l’allocation aux adultes handicapés (AAH), qui représentent à elles seules 80 % des crédits de la mission.
L’AAH tend à se stabiliser en 2020, après deux années marquées par des revalorisations, qui doivent être saluées, même si elles se sont accompagnées – nous avions déjà eu l’occasion de l’expliquer – de discrets coups de rabot, avec la suppression du complément de ressources et la réforme des règles de prise en compte du revenu des couples.
Quant aux dépenses de la prime d’activité, celles-ci devraient même diminuer. Cette diminution, qui tient au contexte de forte montée du chômage et donc de diminution du nombre de personnes éligibles, atteste du caractère procyclique du dispositif. Celui-ci est manifeste en cas de perte d’emploi, puisque la prime n’est pas prise en compte pour le calcul de l’indemnisation du chômage, et a donc pour effet d’accentuer la chute du revenu des personnes perdant leur emploi. Nous nous souvenons de la promesse présidentielle : grâce à la prime d’activité, « le salaire d’un travailleur au SMIC augmentera de 100 euros par mois ». La crise est venue rappeler que, en ce qu’elle n’ouvre aucun droit social, la prime d’activité n’est pas un salaire.
J’aimerais également dire un mot de la politique de lutte contre les violences faites aux femmes, à laquelle nous avons consacré cette année un rapport de contrôle.
Nous ne pouvons que saluer la hausse significative des crédits du programme 137, « Égalité entre les femmes et les hommes ». Ceux-ci progressent en effet de 11,4 millions d’euros en crédits de paiement, soit une hausse de 37,5 %.
D’importants efforts restent encore à mener, qu’il s’agisse du nécessaire renforcement des structures d’accueil et d’écoute des femmes victimes de violences, ou encore de l’accompagnement des victimes de prostitution.
La lisibilité budgétaire de cette politique reste également à améliorer, sujet sur lequel notre rapport de contrôle formule plusieurs propositions qui, nous l’espérons, seront suivies d’effet.
Je tiens également à souligner que la période de crise sanitaire, à fort risque du point de vue des violences conjugales, a donné lieu, de l’aveu même des associations concernées, à une réelle mobilisation des pouvoirs publics et des forces de l’ordre sur la question, ainsi qu’au déblocage de crédits supplémentaires pour financer des actions urgentes. Nous considérons que cette mobilisation doit devenir la norme.
Ainsi, malgré certains points positifs que j’ai pu souligner, ce budget ne cesse d’étonner par son déni de la crise sociale que nous traversons. Une véritable lame de fond nous menace dans les semaines et les mois à venir. Pour cette raison, et bien que pour l’essentiel nos constats convergent avec Arnaud Bazin, j’avais émis à titre personnel un avis de rejet des crédits, qui n’a pas été suivi par la commission des finances, même si ce fut sans un grand enthousiasme.