Finances
Avant d’être débattu et voté en séance publique, chaque projet ou proposition de loi est examiné par l’une des sept commissions permanentes du Sénat : lois, finances, affaires économiques, affaires étrangères et Défense, affaires culturelles, affaires sociales, aménagement du territoire et du développement durable. Classées par commissions, retrouvez ici les interventions générales et les explications de vote des sénateurs CRC.
Qui a peur d’un projet de loi de finances rectificative ?
Débat sur le programme de stabilité et l’orientation des finances publiques -
Par Eric Bocquet / 2 mai 2024Un gouvernement qui décide seul devrait assumer seul.
Vous avez multiplié les 49.3 sur les lois de finances et la loi de programmation des finances publiques, mais les oppositions avaient raison : cette dernière était caduque dès avant son adoption, et toutes les projections et trajectoires qu’elle comportait ont volé en éclats.
Vous refusez de reconnaître que la politique de l’offre est une impasse : alors que les entreprises sont abreuvées d’argent public - les dépenses de l’État ont progressé de 100 milliards d’euros depuis 2019 -, la croissance est atone.
Les chiffres de l’emploi sont gonflés par le million d’apprentis subventionnés. La réindustrialisation serait à l’oeuvre, mais la balance commerciale dévisse. Les entreprises se gavent de crédit d’impôt recherche, pour un coût de 94,2 milliards d’euros pour les finances publiques, mais Sanofi a supprimé 10 000 postes depuis 2018, dont 330 dans la recherche. Vous créez un crédit d’impôt pour l’industrie verte, mais si Systovi menace de mettre la clé sous la porte, ce n’est pas à cause de la fiscalité.
La fin de la concurrence mondiale, des barrières douanières européennes, des clauses de réciprocité, bref, de la protection et la fin du libre-échange débridé : voilà ce qu’attendent les entreprises. Serons-nous un jour compétitifs, pour reprendre votre langage, face à la Chine ? Cela ne nous empêche pas d’être plus intelligents.
Pas moins de 100 000 emplois devraient disparaître cette année et 68 000 défaillances d’entreprise sont attendues alors que la marée des prêts garantis par l’État (PGE) se retire. Résultat : le taux de chômage devrait s’établir à 8,4 % en fin d’année, contre 6 % dans l’Union européenne. La politique de l’offre n’ouvre décidément aucune perspective !
Décider seul, c’est aussi croire que les finances publiques pourront se redresser sans amélioration des recettes. Vous avez repoussé toutes nos propositions sur les niches des plus riches et pour plus d’équité.
Adoptée dans le projet de loi de finances, la taxation des superdividendes s’est heurtée à une fin de non-recevoir du ministre Le Maire, au motif qu’elle nuirait aux salariés actionnaires. Mais les 2,6 millions de salariés actionnaires qui perçoivent en moyenne 1 000 euros de dividendes par an ne seront pas concernés - au contraire des 0,78 % qui raflent 94 % des dividendes versés.
Notre groupe a fait adopter, avec le groupe centriste, un amendement en projet de loi de finances pour taxer les rachats d’actions - mesure que vous avez également balayée. Et voici que le Premier ministre annonce qu’il est envisageable de taxer ces opérations...
Vous voulez décider seul, en feignant d’organiser des dialogues de Bercy et autres comités de concertation. Mais c’est au Parlement que le débat doit avoir lieu, à visage découvert. Examinons un projet de loi de finances rectificative, et nous verrons qui propose et qui vote quoi. Vous voulez éviter le débat avec les parlementaires : vous avez si peur d’avoir raison avec nous que vous préférez avoir tort tout seuls !
Les économies que vous prévoyez dans le programme de stabilité - 27 milliards d’euros l’an prochain - ne sont pas étayées et d’une brutalité inouïe ; personne n’en veut, car la confiance est rompue. Pendant ce temps, le ministre des finances et le Président de la République débattent dans la presse, l’un considérant les dépenses, l’autre les recettes...
En septembre dernier, monsieur Le Maire, vous vouliez réduire la dépense publique de 16 milliards d’euros. En même temps, vous décidiez d’emprunter 285 milliards d’euros aux marchés financiers, auxquels nous paierons cette année 52 milliards d’euros d’intérêts. L’urgence est de rétablir la souveraineté fiscale et budgétaire de notre République !