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Finances

Avant d’être débattu et voté en séance publique, chaque projet ou proposition de loi est examiné par l’une des sept commissions permanentes du Sénat : lois, finances, affaires économiques, affaires étrangères et Défense, affaires culturelles, affaires sociales, aménagement du territoire et du développement durable. Classées par commissions, retrouvez ici les interventions générales et les explications de vote des sénateurs CRC.

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La morne continuité de la réduction de la dépense publique

Projet de loi de finances pour 2016 -

Par / 19 novembre 2015

Monsieur le ministre des finances, le 30 septembre dernier, en présentant à la presse le texte qui nous est soumis aujourd’hui, vous avez eu ces mots : « La surprise de ce projet de loi de finances, c’est qu’il n’y a pas de surprise. » (M. Philippe Dallier rit.)

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Ça, c’est sûr !

M. Michel Sapin, ministre. La continuité, c’est plus important que les effets de surprise !

M. Éric Bocquet. Certes, nous ne pourrons pas vous reprocher une quelconque inconstance dans vos choix budgétaires et économiques…

Avec le Gouvernement tout entier, vous vous inscrivez dans la morne continuité de la réduction de la dépense publique, dans la stricte application de la loi de programmation des finances publiques, dans la droite ligne du dernier traité européen enfanté par Mme Merkel et l’ancien président de la République, texte auquel aucune inflexion n’a été apportée, dont on n’a pas déplacé la moindre virgule. Vous répondez aux recommandations de la Cour des comptes et suivez docilement les avis du Haut Conseil des finances publiques.

Dès lors, que reste-t-il à faire au Parlement pour infléchir ce projet de loi de finances, dont nous aurions pu attendre un léger coup de barre à gauche au titre de la dernière année pleine du quinquennat de François Hollande, très éphémère adversaire du monde de la finance ?

Pourtant, n’y avait-il pas lieu de ménager quelques bonnes surprises à nos concitoyens pour 2016 ? N’y avait-il pas lieu, au regard de l’évaluation du bilan, de procéder à des inflexions sérieuses de vos choix politiques ?

Vous avez opté, nous a-t-on dit, pour la politique de l’offre. Voyons ce qu’en dit l’INSEE.

D’après les enquêtes de conjoncture menées par cet institut, 40 % des entreprises se disent aujourd’hui confrontées à des problèmes de demande, contre 11 % à des problèmes d’offre, 11 % d’entre elles se disant par ailleurs confrontées aux deux phénomènes. À nos yeux, la demande a été par trop négligée ; ces chiffres, d’ailleurs, sont éloquents !

Il aurait été judicieux de procéder, dans l’élaboration de ce projet de budget, à une évaluation sérieuse des mesures décidées dans le but d’alléger les cotisations des entreprises. J’évite délibérément le mot « charges » : pourquoi parlerait-on de « cotisations » pour les salariés et de « charges » pour les entreprises ?

Examinons donc les données relatives à ces allégements.

Selon une étude sérieuse menée par l’Observatoire français des conjonctures économiques, l’OFCE, entre 2010 et 2015, les ménages ont payé le prix fort des politiques de réduction des déficits. Mis en œuvre parallèlement, le pacte de responsabilité et de solidarité n’a pas modifié cette tendance de fond.

Les prélèvements obligatoires sur les ménages ont augmenté de 66 milliards d’euros, soit 3,1 % du PIB, alors que ceux qui sont appliqués aux entreprises croissaient de 8 milliards d’euros.

Les prélèvements obligatoires sur les ménages atteindront en 2016 un record historique, représentant 28,2 % du PIB. Pour les entreprises, ce taux s’établira à 16,4 %, un niveau inférieur à ce qu’il était en 2008.

Mes chers collègues, à ce stade, comment ne pas pointer l’écart croissant, dans le projet de budget pour 2016, entre les ressources issues de l’impôt sur le revenu, 72 milliards d’euros, 24 % du total, et celles de l’impôt sur les sociétés, qui va plafonner à 33 milliards d’euros, soit à peine 11 % des recettes du budget de la République ? Ce constat doit tous nous interpeller.

On nous explique régulièrement que les premiers signes de la reprise sont là, qu’ils sont perceptibles. Nous scrutons l’horizon, mais ne voyons pas grand-chose. « Anne, ma sœur Anne, ne vois-tu rien venir ? » Et Anne de répondre : « Je ne vois que dividendes qui prospèrent et fortunes qui grossissent. » (Sourires.)

Mme Nathalie Goulet. Joli !

M. Éric Bocquet. Si encore il était certain que ces mesures dégagent de la croissance, de l’investissement, de l’embauche, et enfin un début d’inversion de la courbe du chômage – formule dont je note au passage qu’elle semble avoir désormais disparu des écrans radars…

Le projet de loi de finances pour 2016 budgétise la montée en puissance des aides aux entreprises décidées dans le cadre du CICE et du pacte de responsabilité, ce qui explique largement le fait que le déficit de l’État recule très peu, de 73 milliards d’euros en 2015 à 72 milliards d’euros en 2016, et que les recettes de l’impôt sur les sociétés s’effondrent.

Ces aides bénéficient à des entreprises de plus en plus grandes et prospères. La suppression de la surtaxe de l’impôt sur les sociétés revient, à elle seule, à 2,5 milliards d’euros en 2016 ; elle doit atteindre 4,5 milliards d’euros en 2017 !

Aujourd’hui, on peut dresser ce constat : les marges des entreprises se rétablissent, mais l’effet de ce mouvement sur l’emploi tarde à se faire jour.

M. Didier Guillaume. Il va venir !

M. Éric Bocquet. Monsieur le ministre, du côté des recettes, nous aurions souhaité vous voir afficher beaucoup plus d’ambitions dans la lutte contre l’évasion fiscale et l’optimisation fiscale des grands groupes, comme nous y invite désormais l’Organisation de coopération et de développement économique, l’OCDE.

Certains amendements tendant à aller dans ce sens ont certes été adoptés lors du débat à l’Assemblée nationale.

Mme Nathalie Goulet. Voilà une bonne chose !

M. Éric Bocquet. Espérons cette fois que ces dispositions ne seront pas invalidées par le Conseil constitutionnel à la veille des fêtes de fin d’année, comme ce fut le cas il y a deux ans.

M. Didier Guillaume. Ce serait bien regrettable !

M. Éric Bocquet. Vous choisissez de maintenir le cap d’une politique qui anémie l’économie. La dette est devenue la clef de voûte de toutes les actions menées au sein de l’Union européenne. Ce sujet mériterait sans doute d’être travaillé par le Parlement, afin que soient analysées son origine et sa structure.

Pourtant, nos dépenses sont désormais contenues. Elles ne croissent quasiment plus en volume, alors qu’elles augmentaient de 2,4 % par an entre 2002 et 2010. Le plan de 50 milliards d’euros d’économies, même si certains, sur ces travées, préconisent de faire deux ou trois fois plus d’économies, pérennise davantage encore cette tendance.

En 2016, l’effort atteindra 16 milliards d’euros, soit encore plus que prévu dans la loi de programmation des finances publiques. Il concernera tant l’État que la sécurité sociale et les collectivités territoriales, au sujet desquelles ma collègue Marie-France Beaufils s’exprimera plus spécifiquement dans la suite de notre débat.

Au sein du budget de l’État, par exemple, l’emploi, le logement, l’agriculture et l’écologie verront leurs moyens diminuer au mépris des besoins qui se font jour.

La politique de rigueur a constamment pesé sur la demande et la croissance de l’activité, à hauteur de 1 % tous les ans d’après l’OFCE.

Il faut suspendre le programme d’économies de 50 milliards d’euros, mettre fin au gel du point d’indice de la fonction publique, engager un plan de transition écologique et donner aux collectivités territoriales les moyens d’investir. Seule la croissance est une garantie de solvabilité, comme vient de le rappeler l’agence Moody’s en dégradant la note de la France.

Cette dernière année pleine du quinquennat aurait également dû être l’occasion de lancer la grande réforme fiscale, promise un temps par le chef de l’État, amorcée, remisée et finalement enterrée.

Cette réforme fiscale, si nécessaire à la justice sociale et au pouvoir d’achat des couches populaires, serait de surcroît un atout pour la relance économique.

Manipuler les tranches d’imposition et la décote année après année ne suffira jamais à faire une vraie réforme fiscale. Comme si la vocation de la gauche était de baisser l’impôt sur le revenu dans le bas du barème et celle des libéraux de supprimer la tranche d’imposition la plus élevée !

Le chantier à ouvrir, c’est celui d’une plus grande progressivité, d’une plus grande équité. Surtout, il faut veiller à ce que nul ne s’affranchisse de l’impôt sous prétexte de « matraquage fiscal ». Sans ces trois conditions, il ne peut y avoir de consentement à l’impôt, et sans consentement à l’impôt, il ne saurait y avoir d’édifice républicain stable.

Dans la période tragique que nous traversons, l’impôt citoyen prend un sens tout particulier.

La tendance historique à la diminution du nombre de tranches d’imposition, passant en deux décennies de quatorze à cinq, va à l’encontre de la progressivité de l’impôt sur le revenu. Nous avons besoin d’un impôt universel et progressif, formant la colonne vertébrale de notre système fiscal, chacun acquittant l’impôt en fonction de ses facultés contributives.

Monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, c’est aux lois de finances que l’on juge les choix politiques d’un gouvernement. Or ce budget n’est pas un budget de changement. À travers nos amendements, nous vous aiderons à infléchir vos choix. Surprenez-nous ! Cela aidera également à éviter le pire dans les urnes au mois de décembre prochain.

M. Philippe Dallier. Ah !

M. Thierry Foucaud. Tout à fait !

M. Éric Bocquet. Faites la preuve que des choix politiques peuvent améliorer la vie des gens. Il est urgent de redonner de l’espoir à nos concitoyens, qui, hélas !, vont parfois jusqu’à désespérer de la République et des modestes représentants que nous sommes.

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