Finances
Avant d’être débattu et voté en séance publique, chaque projet ou proposition de loi est examiné par l’une des sept commissions permanentes du Sénat : lois, finances, affaires économiques, affaires étrangères et Défense, affaires culturelles, affaires sociales, aménagement du territoire et du développement durable. Classées par commissions, retrouvez ici les interventions générales et les explications de vote des sénateurs CRC.
Nous n’échangeons plus que sur des décisions déjà arrêtées
Débat sur l’orientation des finances publiques et règlement du budget 2020 -
Par Pascal Savoldelli / 15 juillet 2021Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, je souhaiterais formuler une première question : quelle est la valeur démocratique et politique de ce débat ?
En vérité, il s’agit d’un double débat, et nous n’avons, pour ce qui concerne mon groupe, que cinq minutes pour nous exprimer sur l’exécution budgétaire de l’année 2020 et sur les projections pour l’année 2022, le tout en enjambant l’année 2021. On peut aller jusqu’à questionner la valeur démocratique de cette discussion…
Que dire, en outre, des annonces politiques des membres du Gouvernement, qui sont votées, mais non exécutées ? Vous affaiblissez le rôle et l’utilité de la politique, monsieur le ministre !
Comme lors de l’examen des lois de finances rectificatives qui ont précédé, vous affirmez, sans sourciller, que « notre responsabilité est d’assurer le financement [des] dispositifs de soutien aux entreprises et aux Français, et de tenir compte de la reprise épidémique à laquelle nous faisons face ».
Vous n’aviez pas besoin de cet argent, puisque 31,6 milliards d’euros n’ont pas été dépensés ! La Cour des comptes évoque un « manque de réalisme des prévisions budgétaires ». La ficelle est grosse ! Vous avez reporté un montant de crédits inégalé, qui représente onze fois plus que le maximum observé lors de ces dix dernières années. Il fallait vous croire sur parole, alors même que les faits vous trahissent depuis 2017 !
Vous prétendez avoir protégé le pouvoir d’achat des Français pendant la pandémie. Mais, sur le plan financier, la crise sanitaire a fait des gagnants et des perdants. Selon l’Institut national de la statistique et des études économiques l’Insee, quelque 22 % des ménages déclarent que leur revenu mensuel a diminué d’au moins 50 euros.
Ce taux passe à 32 % chez les jeunes, et la situation est pire pour les indépendants. Les pauvres sont encore plus pauvres. Le maintien des recettes de l’impôt sur le revenu pour l’année n’y change rien – la moitié des Français ne le paie pas –, et, pour les autres, l’actualisation de leur taux entraînera des remboursements d’impôts causés par leur appauvrissement.
Parlons du décret d’avance de 7,2 milliards d’euros. Nous sommes loin du temps où le candidat Macron se prévalait du « sérieux budgétaire pour ne pas léguer une dette insoutenable à nos enfants ». Le candidat, devenu Président de la République, fait voter par son gouvernement un budget déficitaire de 84,9 milliards d’euros, et cela, j’y insiste, avant même la crise sanitaire.
Alors, oui, le déficit a presque doublé, mais la catastrophe budgétaire était prévisible et annoncée.
Alors que la centaine de milliardaires français voit sa fortune augmenter de 300 milliards d’euros pendant la crise, le Gouvernement, tout comme la majorité sénatoriale, se refuse à trouver de nouvelles recettes. Mais l’impôt n’est pas un tabou ! Il n’y a pas de démocratie sans impôt.
Ainsi donc, nous le savons depuis lundi dernier, il n’y aura pas de ressources nouvelles. Un scénario politique est tout prêt : le Président de la République a parlé, le Gouvernement acquiescera et le Parlement validera. Et voilà ! Le budget serait déjà arrêté sur un plateau de télévision lors d’une allocution présidentielle.
Il s’agit d’ailleurs d’une intervention culpabilisante pour la majorité des Français, qui organise ce que j’appelle le désordre dans les institutions publiques, dans le secteur privé comme dans le secteur public, dans le quotidien des Français.
Le choix est clair : orchestrer la concurrence violente entre les individus et octroyer toujours plus de dispenses au capital.
La réforme de l’assurance chômage sera appliquée dès octobre prochain, une marque d’obstination contradictoire avec la prétendue mobilisation pour les salariés des entreprises n’ayant pas résisté à la crise.
Cette même réforme a été lourdement critiquée par le Conseil d’État, pour qui « ces nouvelles règles de calcul des allocations chômage pénaliseront de manière significative les salariés de ce secteur [recourant largement aux contrats courts], qui subissent plus qu’ils ne choisissent l’alternance entre périodes de travail et périodes d’inactivité ».
Le Conseil d’orientation des retraites, le COR, a lui aussi contredit les velléités du président-candidat de détruire le système de retraite, quitte à inventer des problèmes qui n’existent pas.
Ainsi, d’après le COR, « malgré le contexte de la crise sanitaire et le vieillissement progressif de la population française, les évolutions de la part des dépenses de retraite dans le PIB resteraient sur une trajectoire maîtrisée à l’horizon de la projection, c’est-à-dire 2070 ». (M. Éric Bocquet acquiesce.)
Le Président de la République prône un choix de société, mais, mes chers collègues, qu’a choisi la société ? Sa pratique, je vous le dis, est agressive. Le Parlement, le Conseil d’État, les syndicats, le peuple… Ce sont des détails !
Le désordre organisé frappe le déroulement de nos débats. Nous n’échangeons plus que sur des décisions déjà arrêtées. Donnons-nous rendez-vous pour l’examen du budget, mais les orientations ont été fixées par le Président, pas par le Parlement !
À bientôt, donc, mes chers collègues. Nous nous retrouvons en novembre prochain, et bon congé à tout le monde, y compris à vous, monsieur le ministre !