Finances
Avant d’être débattu et voté en séance publique, chaque projet ou proposition de loi est examiné par l’une des sept commissions permanentes du Sénat : lois, finances, affaires économiques, affaires étrangères et Défense, affaires culturelles, affaires sociales, aménagement du territoire et du développement durable. Classées par commissions, retrouvez ici les interventions générales et les explications de vote des sénateurs CRC.
Nous ne vous demandons pas plus de technocratie, mais simplement de ne pas faire d’économies sur la démocratie locale
Procédure d’octroi de la dotation d’équipement des territoires ruraux -
Par Pascal Savoldelli / 22 octobre 2020Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, l’examen de cette proposition de loi nous permet d’aborder le sujet des dotations de l’État en faveur des collectivités, alors que le projet de loi de finances pour 2021 sera bientôt discuté dans cette enceinte. Il donnera lieu, sans doute, à un débat plus animé et plus vivant…
En l’occurrence, la DETR peut être abordée, comme l’ont fait certains collègues, sous l’angle de son montant, soit 1 milliard d’euros pour 2021, et de sa procédure d’attribution. Cela reflète souvent l’état des relations entre l’exécutif et les élus locaux avec un gouvernement qui a tendance à faire des économies sur le dos des collectivités, notamment à l’occasion de sa gestion actuelle de la crise.
La DETR est intéressante puisqu’elle est liée à une commission instituée dans chaque département, composée d’élus locaux et de parlementaires. Comme les associations d’élus, mon groupe regrette que seule la dotation de soutien à l’investissement local (DSIL) ait été augmentée dans la troisième loi de finances rectificative, et non pas la DETR. Pourtant, l’existence de cette commission suppose que les élus aient leur mot à dire sur la répartition de cette dotation, ce qui n’est pas le cas pour la DSIL, laquelle – disons-le avec diplomatie – est plus ou moins « confisquée » par les préfets de région.
Mme Cécile Cukierman. Absolument !
M. Pascal Savoldelli. Nous saluons le travail effectué dans le cadre de cette proposition de loi pour renforcer la transparence et la proximité de cette commission.
Les priorités fixées par la commission demeurent évidemment dans un cadre législatif national, afin qu’il y ait une égalité des collectivités devant la loi en termes de répartition des dotations. Par ailleurs, du fait de l’importance de cette commission, il conviendrait que le pluralisme politique y soit ardemment respecté.
L’information de cette instance doit également être améliorée, afin qu’elle juge mieux des orientations à donner à la DETR et qu’elle rende ses avis après avoir pris connaissance de l’ensemble de demandes.
Vous avez évoqué, monsieur le secrétaire d’État, l’abaissement du seuil de saisine à 80 000 euros, arguant du fait que cela conduirait les commissions à examiner 1 000 dossiers supplémentaires par an, dans 80 départements. On vous demande non pas de produire de la technocratie, mais de ne pas faire d’économies sur la démocratie locale !
Cette réduction du seuil de saisine permettra à la commission de se prononcer sur les projets représentant près de deux tiers des crédits octroyés. Une meilleure communication et une plus grande transparence de la part du préfet sur les motivations à l’origine de dossiers acceptés ou refusés, avec un détail des critères utilisés, complèteront ces avancées.
Tous ces éléments amélioreront la procédure d’attribution de la DETR et, in fine, les relations entre les collectivités locales et l’État. Nous avons été habitués à trop de verticalité dans l’organisation des finances locales de la part des gouvernements successifs. En prenant davantage en compte l’éclairage des élus locaux pour soutenir les investissements des communes et EPCI ruraux en matière économique, sociale, environnementale, le Gouvernement rendrait l’attribution de cette dotation plus pertinente.
Au-delà de ces propositions, l’examen d’un texte relatif à la DETR permet de nous rendre compte que la notion de ruralité est à géométrie variable. En raison du manque de clarté du périmètre de la ruralité, la DETR est attribuée en partie à des collectivités non rurales, c’est-à-dire de plus de 2 000 habitants, car 67 % des communes de plus de 3 500 habitants perçoivent cette subvention.
Alors que l’Insee a récemment mis en place un groupe de travail chargé de proposer une définition statistique des espaces ruraux, nous estimons que le Parlement devrait être mieux informé de la répartition de la DETR en fonction du type de collectivité, mais également de sa capacité financière.
Une mission d’information a été créée à l’Assemblée nationale, mais ses travaux ont été perturbés par la crise – n’y voyez pas un élément de polémique, c’est une réalité factuelle, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues… Mon groupe espère que ceux-ci pourront reprendre rapidement, afin de nourrir la réflexion sur le seuil d’habitants, le type de collectivité et les choix d’investissements soutenus. Il est nécessaire de cibler davantage les communes rurales, puisque cette dotation est censée leur être dédiée.
Pour ce qui concerne tant la proposition de loi que les amendements, nous avons été vigilants à une éventuelle fragilité liée aux conflits d’intérêts ou au clientélisme. Comme nous n’en avons pas trouvé, le groupe CRCE votera en faveur de ce texte.