Finances
Avant d’être débattu et voté en séance publique, chaque projet ou proposition de loi est examiné par l’une des sept commissions permanentes du Sénat : lois, finances, affaires économiques, affaires étrangères et Défense, affaires culturelles, affaires sociales, aménagement du territoire et du développement durable. Classées par commissions, retrouvez ici les interventions générales et les explications de vote des sénateurs CRC.
Un autre budget pour la France est possible
Question préalable -
Par Pierre Barros / 29 novembre 2024Le PLF 2025 est annoncé comme celui du partage de l’effort pour redresser les finances publiques, à la suite de la gestion calamiteuse des gouvernements précédents.
Face à un budget de récession sociale, les députés ont légitimement adopté 472 amendements à l’issue de trois semaines de débat. La gauche a démontré qu’un autre budget pour la France est possible : un budget pour le partage des richesses, un budget qui montre que l’austérité pour tous est un choix politique, non une fatalité. La taxe Zucman a été adoptée, l’exit tax renforcée, la soumission à cotisation sociale des dividendes inscrite dans le marbre.
Le travail de nos collègues à l’Assemblée nationale a été riche d’enseignements politiques, à l’image des alliances opportunistes entre le Gouvernement, la droite républicaine et l’extrême droite pour faire barrage à plus de justice fiscale - voyez le résultat des votes...
Le Premier ministre, inquiet de voir son PLF transformé, agite le spectre du 49.3, ce qui aggraverait encore davantage la crise démocratique.
Pourquoi refuser de prendre à bras-le-corps le sujet de la justice fiscale ? Pourquoi ne pas reconnaître l’échec absolu de la politique de l’offre et ses conséquences désastreuses : chômage en hausse, licenciements à venir, fermetures d’usine, charge de la dette qui s’envole ?
Nous refusons d’être réduits à un rôle de figurants, face à un budget écrit d’avance, nous refusons de participer à cette comédie politique, qui renforce le ressentiment de la population à l’égard de tous les élus.
Rassurez-vous, si cette motion n’est pas validée, nous démontrerons, article après article, que votre projet est injuste. Et nous serons force de proposition.
Mais parlons de ce PLF pour 2025. En sept ans, nous sommes passés du « quoi qu’il en coûte » au « quoi qu’il advienne ». Bruno Le Maire s’était targué d’avoir réalisé 55 milliards d’euros de baisses d’impôts. Mais selon la Cour des comptes, « les baisses d’impôts et de cotisations depuis six ans ont contribué à la dégradation des déficits publics et modifié la structure des recettes des administrations publiques », et ce pour 62 milliards d’euros en 2023.
Pas de changement de cap : vous vous attaquez désormais aux services publics portés par les collectivités territoriales, partant du postulat mensonger selon lequel elles seraient responsables du déficit.
Dans cette situation politique lunaire, je salue votre habileté sémantique : vous utilisez des mots qui ont un sens, mais pas forcément celui qu’on attend...
Dans votre présentation du texte à l’Assemblée nationale, nous avons été choqués de la façon dont vous traitiez les collectivités. Vous avez décidé de créer un fonds de résilience des finances locales - en réalité un mécanisme de prélèvement, parfois nommé « fonds de précaution », « fonds d’autoassurance » ou « fonds de réserve », en ponctionnant les collectivités de 3 milliards d’euros. Il faudra nous préciser de quoi il retourne. Résilience... mais face à quoi ?
Le discours du Premier ministre devant l’Assemblée des départements de France était, là aussi, des plus habiles : renonciation prétendue aux efforts demandés aux collectivités, mais par le biais d’un lissage des mesures, sans réelles perspectives. C’est aussi le ressenti de nombreux élus locaux à l’issue du Congrès des maires de France.
Que vous envisagiez de telles coupes budgétaires pour le service public local montre votre déconnexion à l’égard des réalités quotidiennes de nos villes et villages. Tandis que le PLFSS culpabilise malades et retraités, le PLF, avec 10 milliards d’euros de recettes en moins pour nos territoires, culpabilise agents et élus. Baisses de recettes, dépenses qui augmentent : l’effet ciseau est une réalité. S’y ajoutent les émeutes et les catastrophes climatiques, qui laissent les élus démunis.
Depuis quatre ans, être élu local, c’est de la gestion de crise en continu. C’est se demander, au 31 décembre, si un assureur répondra à nos demandes. C’est accompagner des familles dans la recherche d’un médecin pour constater un décès. C’est être face à des habitants auxquels ne reste que la colère. C’est être incapable de donner des moyens aux écoles, pour les routes, les pompiers, la police municipale, les travailleurs sociaux... Et vous souhaitez encore en rajouter ?
La contribution des collectivités est fixée à 5 milliards d’euros. Monsieur le ministre, à part les dépenses de masse salariale, que réduire ? Quels postes toucher : les agents territoriaux spécialisés des écoles maternelles (Atsem) dans les écoles, les policiers municipaux ? En frappant les collectivités, vous vous trompez de cible. Les 500 plus grandes fortunes ont gagné 1 200 milliards d’euros, soit 5 % de plus qu’en 2023.
Les collectivités territoriales et les services publics ne peuvent être la variable d’ajustement de libéraux qui profitent de la crise. De cet effort budgétaire résulteront un recul de l’investissement local et des services publics, non-sens à tous les niveaux.
Derrière un habillage faussement technique, le PLF distille l’idée que les Français ne travaillent pas assez et génèrent trop de dépenses sociales. Mais avez-vous mesuré l’impact de vos décisions sur leur vie : perte d’accès aux soins, de pouvoir d’achat, dégradation des conditions de travail ?
La gauche sénatoriale propose un budget au service de la solidarité nationale, non au profit de quelques-uns. Nous refusons de renoncer à la justice sociale et à la justice fiscale !