Groupe Communiste, Républicain, Citoyen, Écologiste - Kanaky

Finances

Avant d’être débattu et voté en séance publique, chaque projet ou proposition de loi est examiné par l’une des sept commissions permanentes du Sénat : lois, finances, affaires économiques, affaires étrangères et Défense, affaires culturelles, affaires sociales, aménagement du territoire et du développement durable. Classées par commissions, retrouvez ici les interventions générales et les explications de vote des sénateurs CRC.

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Un budget dans l’impasse

Par / 29 novembre 2024

C’est avec sincérité et gravité que je m’exprime devant vous.
Sincérité et gravité parce que mes mots s’adressent d’abord à toutes celles et ceux qui subissent dans leur vie les conséquences d’une doctrine qui considère le capitalisme indispensable, une fin de l’histoire.

C’est aux côtés des victimes de ce système que les sénateurs et sénatrices Communistes et Kanaky étaient mobilisés ces dernières semaines.

Nous pensons bien sûr aux 7500 ouvriers qui sont aujourd’hui sur la sellette. Ceux de Michelin, de Sanofi, les Vencorex, les Arcelor-Mittal. Le nombre de fermetures d’usine atteint un seuil inédit depuis la crise de 2008. A nos yeux, 7500 ouvriers valent mieux que 70 milliards de dividendes.

Nous pensons aux conducteurs de bus de la RATP, aux cheminots et aux travailleurs du Fret à qui on impose une privatisation à marche forcée au nom de la concurrence ; illibérale et faussée.

Nous pensons aux ultra-marins, à la dignité de leur combat face à l’invivable vie chère.

Nous pensons aux petits exploitants, éleveurs et agriculteurs qui ont compris la trahison des traités de libres échanges, du Ceta à l’accord avec le Mercosur.

Partout dans le pays, et jusqu’à la Kanaky, cette multitude de travailleurs, d’agents publics, de familles touchées par la crise du logement, a en partage ce rejet du libéralisme autoritaire et un intérêt commun au progrès social et écologique.

C’est au cœur de cette froide avalanche de plans sociaux et de ces fermetures annoncées de services publics locaux que nous débattons d’une situation budgétaire totalement inédite.

En réponse à cet état de désharmonie sociale, l’Assemblée Nationale a permis le vote de 471 amendement. Dans leur globalité, ils participaient de la justice fiscale et de la réduction des inégalités sociales. 34 milliards de recettes fiscales pour l’action publique : responsable et acceptable.

Seulement, comme l’a expliqué justement mon collègue et camarade Pierre Barros, choix a été fait d’annihiler ces avancées. A 192 voix pour et 362 voix contre.

Nous discutons donc directement du Projet de loi du gouvernement.

Mais nous ne sommes pas dupes. Et les citoyens qui nous écoutent doivent avoir conscience de la stratégie de ce gouvernement. Laisser le Sénat débattre. Arbitrer ensuite les décisions par le 49.3 et par la Commission Mixte Paritaire. Cette dernière se substituera alors au débat de l’Assemblée.
Avec cet artefact institutionnel, le gouvernement minoritaire rendra son budget majoritaire.
Un scénario déjà utilisé avec la réforme des retraites et la loi immigration. Soit les projets les plus anti-sociaux et réactionnaires que notre pays ait connu de longue date.

Le Gouvernement porte la responsabilité de ce coup de force institutionnel.

Ce projet de budget s’en prendra aux services publics, aux travailleurs et aux plus vulnérables. Il sous-tend de futures réformes structurelles. Malgré des évolutions côté recettes, le cap reste le même. C’est celui du piège de la dette. Il nous enferme dans une politique fortement récessive. Cela pèsera sur la consommation populaire et sur les entreprises.

J’en viens donc à la partie recettes :

Devant le trouble, le désarroi et la colère sociale, vous mettez à contribution les plus riches, les hauts revenus et les grandes entreprises. Timidement et de manière temporaire.

Citons notamment la contribution différentielle sur les hauts revenus, dont les recettes escomptées seraient de 2 milliards en 2025, 2026 et 2027.
Également la contribution exceptionnelle des grandes entreprises. Soit une surtaxe à l’imposition sur les bénéfices. Elle ne concerne que les entreprises dont le chiffres d’affaires est supérieur à 1 milliard d’euros.

Pour rappel, et du fait de l’abaissement du taux de 8 points, nos recettes ont perdu 11 milliards d’impôts sur les bénéfices : c’est, au passage, la somme que vous demandez aux collectivités.
Les bénéfices demeureront ainsi moins imposés qu’en 2017, même temporairement ! Ces bénéfices qui ont pourtant atteint le record de 153 milliards d’euros !

Notons enfin la contribution sur les entreprises du secteur maritime dont le chiffre d’affaires est supérieur à 1 Md€, et qui sont assujetties à la taxe au tonnage.

Ou enfin la taxe sur les rachats d’action. Ce sont au total 30 milliards d’euros d’actions rachetées pour un rendement prévu de cette taxe estimée à… 200 millions €. C’est 0,6% du montant des rachats d’action ! C’est insolent !

Pour le reste, le capital est préservé.

J’en veux pour preuve :

La Mission dégrèvement et remboursement reste la plus importante du budget et augmente même de 7 milliards d’euros, portée donc à 147 milliards d’euros !

J’en viens aux dépenses :
Là où on cherche des économies, c’est au travers d’un nouvel affaiblissement de la puissance publique à hauteur de 40 milliards d’euros.

Une super austérité symbolisée par la suppression de 4 000 postes de professeurs, 500 postes en moins pour la politique de l’emploi ou enfin la fin du chèque énergie automatique.

Et que dire des coups portés à l’investissement public local, pourtant premier levier de développement des PME/TPE ?
Les ponctions demandées aux collectivités seront intenables. Nous assistons à une décentralisation de la dette de l’État.

Pourtant, entre 2019 et 2023, les collectivités ont dégagé un solde cumulé positif de +1,9 milliard d’euros, tandis que l’État affichait un solde négatif de -690,7 milliards d’euros.

Et lorsque les collectivités sont endettées, il s’agit d’une dette saine, puisque celle-ci repose uniquement sur de l’investissement.

Bien sûr, la majorité sénatoriale, face à l’incompréhension de la démocratie locale, a d’ores et déjà annoncé quelques modifications substantielles. Une réduction de l’effort demandé.

Mais au-delà des exercices comptables, il est faux d’affirmer qu’assécher les moyens des collectivités permettra de réduire la dette de l’Etat puisqu’elles ne participent en rien à cet endettement !

Il y a un loup !

La réalité est bien plus profonde : l’effacement de l’action publique nationale et locale, qui reste une ligne de partage bicéphale entre la majorité sénatoriale bicéphale et le gouvernement minoritaire, entraînera mécaniquement un transfert des moyens de l’action publique vers le privé. C’est dans cette logique que l’on privatise les crèches municipales, les bus et TER régionaux ou que l’on s’en prend aux agences, non ?

L’objectif n’est donc pas de rétablir les comptes. Parce que derrière les discours alarmistes, le capital est non seulement préservé comme je l’ai affirmé, mais il a besoin de la dette !

C’est bien pour cela que vous validez le programme d’emprunt de la France sur les marchés financiers. Il atteindra ainsi près de 300 milliards d’euros de titres et obligations !

Je l’affirme : avec Emmanuel Macron, ce sont bien les créanciers de la dette qui ont pris le pouvoir depuis 2017. Cela continuera avec ce budget. Le Ministre Armand a parlé de « transparence » et « d’exactitude ». Mais le Haut Conseil estime une nouvelle fois que les prévisions du gouvernement sont trop optimistes. La dette augmentera encore !

Et que dire de la dette privée, un tabou. Elle frôle les 162% du PIB !

Mais la majorité sénatoriale partage la philosophie de ce budget parce qu’elle partage l’adage classique : socialisation des pertes, privatisation des profits.

Il y a donc une divergence profonde entre la majorité sénatoriale devenue gouvernementale est notre groupe en particulier. Une divergence sur la dette, sur la conception des collectivités territoriales sur la place du salariat, mais aussi sur l’impôt : les Français, citoyens ou clients-consommateurs ?

Et enfin sur la question du capital et du travail. Un débat qui est bien d’actualité puisque vous avez eu l’indécence lors du PLFSS de demander 7 heures de travail gratuit aux salariés !
Maximisation des profits grâce à la mondialisation, marché mondial du travail, dogme de la concurrence libre et non faussée, individualisme libéralisme sont si profondément ancrés dans les choix politiques que changer de paradigme reviendrait à une véritable révolution fiscale.

C’est bien ce que les sénateurs communistes et Kanaky proposent :

D’abord rétablir un impôt sur les sociétés à 33% puis y instaurer une progressivité. Abroger le Pacte Dutreil. Fixer 10 tranches au barème de l’Impôt sur le revenu.

Ensuite, rétablir un service public capable de protéger les Français face aux crises : un plan majeur en soutien aux services publics, au pouvoir d’achat, au logement pour tous, à une énergie décarbonée et accessible à tous. Enfin, nous proposerons au vote le rétablissement d’un pouvoir de taux pour les communes. Votons cette nouvelle décentralisation !

Voilà ce que nous proposons, projet contre projet.

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