Finances
Avant d’être débattu et voté en séance publique, chaque projet ou proposition de loi est examiné par l’une des sept commissions permanentes du Sénat : lois, finances, affaires économiques, affaires étrangères et Défense, affaires culturelles, affaires sociales, aménagement du territoire et du développement durable. Classées par commissions, retrouvez ici les interventions générales et les explications de vote des sénateurs CRC.
Un quinquennat marqué par une défiance inégalée entre le Président de la République et les élus locaux
Projet de loi de finances pour 2022 -
Par Céline Brulin / 18 novembre 2021Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, le Gouvernement se félicite d’avoir « stabilisé » les dotations des collectivités territoriales depuis 2017, après des années de réduction. Mais, monsieur le ministre, ce contentement de vous-même ne résiste pas à l’analyse de ce PLF, le dernier d’un quinquennat marqué par une défiance inégalée entre le Président de la République et les élus locaux.
Les conclusions du Congrès des maires, cet après-midi, ne suffiront sans doute pas à renouer avec des élus qui se sentent méprisés, isolés, abandonnés.
Les communes ont perdu un impôt historique – la taxe d’habitation –, dont la dernière tranche disparaît avec ce PLF. Elles ont également perdu la moitié des impôts de production. Les départements, après les régions, doivent renoncer à leur dernier pouvoir de taux.
Les compensations sont incomplètes et illisibles – ainsi du coefficient correcteur. Le paysage des finances locales n’a plus rien de cohérent et plus personne n’y comprend rien !
Le lien, décisif pour la cohésion sociale, entre les citoyens et leurs communes, départements et régions, entre les activités économiques et les collectivités territoriales, se distend.
L’autonomie financière des collectivités, indispensable au respect du principe constitutionnel de libre administration, se réduit encore ; et cette recentralisation ne se traduit aucunement par un renforcement de la présence de l’État dans nos territoires, au contraire. En témoigne la disparition de plus de 500 trésoreries depuis 2013.
Or, moins l’État est présent, plus il se fait tatillon, exigeant et technocrate, à l’égard des communes notamment.
Le recul des services publics se répercute sur les collectivités. Celles-ci doivent par exemple contribuer au financement des maisons France Service pour garantir une présence minimale de la puissance publique, ou encore prendre des initiatives face à la désertification médicale.
L’efficacité économique n’est pas non plus au rendez-vous. Ce sont d’abord les plus grandes entreprises, celles qui en ont finalement le moins besoin, qui bénéficient de la diminution des impôts de production. Pour elles, le gain moyen est de plus de 9 millions d’euros, contre 940 euros seulement pour les très petites entreprises (TPE).
Monsieur le ministre, votre gouvernement poursuit le mouvement de regroupement et de fusion des collectivités, malgré le mécontentement que suscitent les intercommunalités et les régions XXL.
Les communes qui fusionnent sont davantage subventionnées, au détriment de celles qui veulent continuer à assurer la proximité et à faire vivre l’institution préférée des Français.
Vous poursuivez la mise en concurrence entre collectivités. À enveloppes constantes, quand les dotations augmentent pour certaines, elles diminuent pour d’autres, à l’image de la DGF, qui a baissé pour plus de la moitié des communes en 2021. Nous défendrons d’ailleurs des amendements tendant à revaloriser la DGF en prenant pour base l’année 2013 et en tenant compte de l’inflation actuelle.
Nous proposons aussi que l’augmentation de la dotation de solidarité urbaine (DSU) et de la dotation de solidarité rurale (DSR) ne se fasse pas au détriment des communes qui n’en bénéficient pas.
La logique de contractualisation et d’appels à projets est tout aussi critiquable. Le fléchage de ces derniers vers des objectifs prédéfinis par l’exécutif pénalise les plus petites communes, qui ne disposent ni de l’ingénierie nécessaire ni du soutien de l’État pour concourir.
Enfin, le soutien accordé aux collectivités territoriales face aux dépenses et aux pertes de recettes subies durant la crise sanitaire est sans commune mesure avec l’aide apportée à la sphère privée. Les collectivités ont pourtant été et restent en première ligne face à l’épidémie.
La clause de sauvegarde devait apporter 750 millions d’euros à environ 12 000 communes. Or seules un peu plus de 3 600 d’entre elles seront concernées, pour 177 millions d’euros mobilisés.
Nous proposons de redonner des moyens d’action aux collectivités, par exemple en compensant les mesures salariales concernant les agents de catégorie C, qui représentent l’essentiel de leur masse salariale.
En investissant, en prenant soin de nos concitoyens, les collectivités prennent part à la relance. Elles doivent être soutenues en ce sens !