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Finances

Avant d’être débattu et voté en séance publique, chaque projet ou proposition de loi est examiné par l’une des sept commissions permanentes du Sénat : lois, finances, affaires économiques, affaires étrangères et Défense, affaires culturelles, affaires sociales, aménagement du territoire et du développement durable. Classées par commissions, retrouvez ici les interventions générales et les explications de vote des sénateurs CRC.

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Une grande déception

Projet de loi de finances pour 2016 : aide publique au développement -

Par / 27 novembre 2015

Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mesdames, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, cette année encore, les crédits de la mission « Aide publique au développement » sont malheureusement l’illustration d’une politique dans laquelle le décalage entre les paroles et les actes est trop flagrant.

Les choses s’annonçaient pourtant bien lorsque le 28 septembre, à la tribune de l’ONU à New York, le Président de la République s’était engagé, selon ses propres mots, à ce que la France « montre l’exemple » en matière d’aide publique au développement.

Il avait ainsi déclaré que le concours de la France se traduirait par 4 milliards d’euros supplémentaires d’ici à 2020.

La déception a été grande lorsque, avec le projet de budget pour 2016, la réalité est apparue aux parlementaires et aux organisations non gouvernementales.

En effet, vos crédits, madame la secrétaire d’État, accusaient une perte de 170 millions d’euros par rapport à l’année précédente, passant de 2,77 milliards d’euros pour 2015 à 2,6 milliards d’euros pour 2016, soit une baisse de plus de 6 % des crédits de la mission.

Si nous avions accepté une telle coupe en 2016, deux fois plus importante que celle de l’année précédente, cela aurait correspondu à la cinquième année de baisse consécutive du budget de l’aide au développement.

Il faut bien mesurer les enjeux et avoir conscience que dans ce contexte d’instabilité planétaire il y va de la cohérence de nos politiques publiques pour lutter contre les facteurs qui contribuent à la pauvreté des populations et aux conflits entre les pays.

On ne se demanderait pas comment accueillir des réfugiés si l’on luttait réellement contre ce qui fait fuir les populations, qu’il s’agisse de guerre, de pauvreté ou de catastrophe liée au climat !

Tel est le contexte général dans lequel nous discutons ce soir.

Ce projet de budget a connu diverses péripéties lors de son examen à l’Assemblée nationale où l’initiative des députés avait permis une augmentation à laquelle le Gouvernement s’était malheureusement opposé.

Je rappelle qu’il s’agissait notamment d’élargir la taxe sur les transactions financières, la TTF, et d’augmenter les capacités d’intervention de l’Agence française pour le développement, l’AFD, en affectant une fraction supplémentaire du produit de la TTF à son budget, soit un peu plus de 260 millions d’euros. Cette mesure paraît nécessaire pour tenir nos engagements internationaux.

Je concentrerai donc mon propos sur ces deux aspects, la TTF et la politique de l’AFD.

Ce budget pourrait connaître une légère augmentation.

Si elle était ainsi alimentée par la taxe sur les transactions financières et la taxe sur les billets d’avion, la somme des crédits consacrés de la mission « Développement » et de ceux du Fonds de solidarité et de développement, le FSD, serait, selon l’estimation de M. le rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, Henri de Raincourt, supérieure de 99 millions d’euros en 2016 à ce qu’elle était en 2015.

Je partage cependant ses réserves sur le fait que cette augmentation provient exclusivement de la TTF, dont 368 millions d’euros de produits supplémentaires seront consacrés au développement, alors que les crédits budgétaires diminuent au total de 10,4 % compte tenu du vote de l’amendement très regrettable de deuxième délibération du Gouvernement.

Avec cette montée en puissance de la TTF, cela pose évidemment la question du risque que cette substitution de crédits budgétaires par des financements innovants ne se pérennise et ne dédouane ainsi les gouvernements qui se succéderont de leur devoir et de leurs nécessaires efforts en faveur du développement.

Notre rapporteur relève aussi avec pertinence la perte de transparence et de possibilités de contrôle qu’induit ce dispositif puisque la TTF transite non par le budget de l’État, mais par le FSD.

Je note également que les crédits attribués au Fonds de solidarité, chargé de financer des actions pour promouvoir la justice et les droits de l’homme, ont été divisés par deux entre 2012 et 2016.

De ce point de vue, ce budget pour 2016 n’est pas non plus à la hauteur des ambitions qui devraient être celles de la France pour lutter contre l’injustice de la mondialisation financière.

D’une façon générale, je suis obligé de réitérer mes critiques sur la répartition de l’aide effectuée par notre pays.

En effet, la majeure partie de l’aide publique au développement est toujours composée de prêts, qui servent pour une bonne part à financer des projets d’infrastructures dans les pays émergents. Notre pays, en faisant bénéficier les entreprises françaises de nouveaux marchés à l’étranger, fait d’abord fructifier ses intérêts économiques. Ce n’est pas en soi condamnable, mais la logique qui anime ce type d’aide est trop soumise aux intérêts privés.

Faut-il vraiment comptabiliser ces prêts au titre de l’aide publique au développement ? Je préférerais que nous nous concentrions en priorité sur des projets permettant aux populations locales des pays les moins avancés de subvenir à leurs besoins élémentaires : se nourrir, se soigner, s’éduquer.

Selon l’ONG Oxfam, seulement 7 % de l’aide française est constituée de dons.

Ainsi, l’Agence française de développement ne dispose que d’une enveloppe de 200 millions d’euros. À titre de comparaison, son homologue allemande consacre 2 milliards d’euros aux dons dans les pays en développement.

Par ailleurs, les associations s’accordent à constater que l’engagement de la France dans des domaines comme l’éducation primaire ou l’accès à l’eau et à l’assainissement est insuffisant et se situe bien en deçà de celui des autres pays développés.

C’est pourquoi je suis inquiet des conditions dans lesquelles pourrait s’effectuer le rapprochement de l’Agence française de développement et de la Caisse des dépôts et consignations, si elle en devenait une filiale.

Si cela n’aboutissait qu’à augmenter le volume de prêts de l’Agence, ce pourrait être positif. Le risque existe toutefois que l’AFD ne perde son identité et sa spécificité pour se transformer en une banque se consacrant essentiellement au financement de l’économie des pays émergents.

Enfin, je dirai un mot sur les crédits de la francophonie, qui sont un atout essentiel pour le rayonnement de la France. Je regrette qu’ils baissent de près de 2 millions d’euros. Dans ce domaine encore, ce n’est vraiment pas à la hauteur des enjeux si l’on mesure que cela regroupe quatre-vingts pays et représentera
750 millions de locuteurs en 2050.

Madame la secrétaire d’État, vous l’aurez compris, le groupe communiste républicain et citoyen est déçu par le montant insuffisant des crédits consacrés par notre pays à l’aide au développement.

Par éthique, par respect des valeurs qui animent notre pays, nous ne pouvons pas continuer à ignorer que les exigences de sécurité des populations des pays de notre continent passent aussi – et peut-être avant tout – par le développement économique et social des pays pauvres.

Trois amendements ont été déposés. Nous les soutiendrons, car leur adoption permettrait de donner un signe positif en faveur d’une réelle augmentation des crédits d’aide au développement et d’un rééquilibrage nécessaire entre les dons et les prêts.

À défaut, ne pouvant voter les crédits de la mission, le groupe communiste républicain et citoyen s’abstiendra.

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