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La discussion et le vote de la loi

Avant d’être débattu et voté en séance publique, chaque projet ou proposition de loi est examiné par l’une des sept commissions permanentes du Sénat : lois, finances, affaires économiques, affaires étrangères et Défense, affaires culturelles, affaires sociales, aménagement du territoire et du développement durable. Classées par commissions, retrouvez ici les interventions générales et les explications de vote des sénateurs CRC.

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L’avenir énergétique passe-t-il par l’exploitation des huiles et des gaz de schiste ?

Exploration et exploitation des mines d’hydrocarbures -

Par / 22 juin 2011

Exploration et exploitation des mines d’hydrocarbures

-  Intervention en séance publique le 1er juin 2011 –

M. le président. La parole est à Mme Évelyne Didier.

Mme Évelyne Didier. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, l’avenir énergétique passe-t-il par l’exploitation des huiles et des gaz de schiste ? Telle est la question qui nous est aujourd’hui posée.

M. Roland Courteau. C’est vrai !

Mme Évelyne Didier. Vifs et passionnés, les débats à l’Assemblée nationale ont été à la hauteur de l’indignation et de l’exaspération des élus et des populations sur l’octroi, dans une opacité totale, de permis exclusifs de recherches de gaz et huiles de schiste couvrant une superficie non négligeable du territoire. Au moins vingt-trois départements sont concernés.
En effet, loin des discours consensuels entendus lors de l’adoption de la Charte de l’environnement ou à l’occasion des débats du Grenelle de l’environnement, au moment même où ces permis étaient octroyés, nous voyons bien que le Gouvernement est pris dans des contradictions qu’il n’arrive pas à résoudre. On pourrait même parler de « double langage » !
Alors que le principe de précaution, principe à valeur constitutionnelle qui figure à l’article 5 de la Charte de l’environnement, devrait prévaloir sur tout autre intérêt, le précédent ministre de l’environnement, sans doute saisi par une faiblesse coupable, n’a pas pu ou n’a pas su résister aux sirènes des industriels voyant dans l’exploitation des huiles et gaz de schiste un nouvel « Eldorado » énergétique, une nouvelle source de profit.

M. Roland Courteau. Exactement !

Mme Évelyne Didier. C’est regrettable !
Pourtant, nous savons tous que cette activité a des conséquences particulièrement néfastes sur l’environnement, notamment du fait de la pratique spécifique de la fracturation hydraulique, seule technique existante aujourd’hui – faut-il le rappeler ? – permettant l’exploitation de ces hydrocarbures.
Celle-ci, en effet, met gravement en péril la préservation de la ressource aquatique, et ce alors même que la loi sur l’eau a fait de cette question une priorité de l’action publique. Elle conduit également à la pollution de l’air, sans parler de l’impact sur les paysages ou du bilan carbone, qui, selon l’étude de l’université Cornell de New York, serait équivalent à celui de l’exploitation du charbon. Ce point a été souligné par notre collègue rapporteur, M. Houel, dans l’exposé des motifs, preuve que nous étions tous d’accord au départ.
Cependant, n’oublions pas que le premier obstacle à l’exploitation de ces hydrocarbures est la nature même de la ressource. Est-il, en effet, opportun d’ouvrir un nouvel âge de l’énergie fossile au nom de la sécurité d’approvisionnement, alors même que ces ressources sont, par définition, en voie d’épuisement et génératrices de gaz à effet de serre, autre gros problème à l’échelle planétaire ?
Conformément aux engagements pris, l’heure est plutôt au développement de la recherche, non sur la fracturation de la roche, mais prioritairement dans le domaine des énergies renouvelables. Dans ce cadre, notons que le groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat, le GIEC, a rendu un rapport le 9 mai dernier indiquant qu’en 2050 la part des énergies renouvelables pourrait, sous réserve d’une politique volontariste, atteindre 80 % dans la composition du bouquet énergétique. Voilà quelle devrait être notre ambition !
La politique énergétique demande une vision de long terme incompatible avec l’instauration d’un marché totalement libéral soutenu par des sociétés d’investissement souvent américaines faisant prévaloir les critères de rentabilité immédiate sur ceux de durabilité. Nous en avons là un nouvel exemple !
Les événements dramatiques de Fukushima ont également démontré, s’il en était besoin, que la transparence et l’information exhaustive étaient absolument nécessaires dans le nucléaire comme dans les autres domaines.
Il aura pourtant fallu attendre la diffusion du film Gasland et la popularisation des recherches sur les inconvénients de ces hydrocarbures pour que nos concitoyens et les élus locaux soient correctement informés. Il s’agit d’une violation manifeste de l’article 7 de la Charte de l’environnement, charte à valeur constitutionnelle, qui prévoit que « toute personne a le droit, dans les conditions et les limites définies par la loi, d’accéder aux informations relatives à l’environnement détenues par les autorités publiques et de participer à l’élaboration des décisions publiques ayant une incidence sur l’environnement ». Une telle attitude gouvernementale a conforté la crise de confiance avec les élus, qui ne supportent plus d’être traités comme quantité négligeable, pire d’être traînés, comme c’est le cas aujourd’hui, devant les tribunaux par des compagnies américaines.

M. Alain Fauconnier. Quelle honte !

Mme Évelyne Didier. Vous nous dites que ces dysfonctionnements sont liés à l’obsolescence du code minier et que vous prévoyez très prochainement une refonte de celui-ci afin de permettre une meilleure transparence et une meilleure information. Soit, mais dois-je rappeler que c’est cette majorité parlementaire qui a fait voter en 1994 l’abrogation de l’enquête publique minière et que vous avez coutume de renvoyer à d’autres textes certaines décisions, ce qui ne nous donne aucune visibilité globale ni aucune garantie concrète sur les futures décisions ? Autrement dit, les choses sont faites à moitié.
Nous aurions pu saisir l’occasion offerte par l’examen de ces propositions de loi, d’autant qu’elles étaient consensuelles, pour répondre aux problèmes posés, mais nous sommes malheureusement passés à côté de cette opportunité.
Ainsi, les propositions de loi initiales ont été édulcorées par les travaux des commissions, d’abord à l’Assemblée nationale puis au Sénat, perdant de leur force. Nous sommes passés d’une interdiction d’exploration et d’exploitation des gaz et huiles de schiste à une formulation ambiguë. Nous voyons bien qu’il s’agit avant tout de gagner du temps en espérant que les esprits s’apaisent et préserver la possibilité de revenir sur le sujet. Les manifestants qui sont aujourd’hui devant nos portes ne sont pas dupes de la manœuvre et sont décidés à ne pas vous laisser faire.
Nous sommes opposés à la réécriture par la commission de l’économie du Sénat de l’article 1er. Si nous reconnaissons tous que la fracturation hydraulique est dangereuse pour l’environnement, chacun l’a dit ici, pourquoi l’autoriser à des fins de recherche ? Cela fait trente ans qu’on fait de la recherche sur le sujet et cela fait trente ans qu’on utilise en réalité cette technique. Cette réécriture traduit parfaitement la contradiction qui existe entre le discours et les dispositions concrètes de la loi. Admettez-le, sous couvert de recherche, votre intention est de légaliser une pratique, que nous souhaitons interdire, en jouant la montre !
L’article 2 pose également problème. Il reste, en effet, difficile de croire qu’il est impossible d’abroger l’ensemble des permis de recherche au motif que ceux-ci sont muets pour l’administration, et ce alors même que le bureau qui s’occupe de cette question a été capable de désigner, selon le rapport rédigé à l’Assemblée nationale, les seize permis qui posent problème. Dans son intervention, Nicole Bricq a très précisément indiqué ce que contiennent ces documents.
On a essayé de nous faire croire que cette réécriture répondait au principe à valeur constitutionnelle d’intelligibilité et d’accessibilité de la loi. Force est de constater que l’objectif n’est pas atteint puisque la nouvelle rédaction est beaucoup moins claire et laisse la porte ouverte au maintien de permis de recherche d’exploitation d’huiles et de gaz de schiste, contrairement aux ambitions affichées. Il faut admettre que, en l’état, la présente proposition de loi ne réglera pas la question de manière satisfaisante et pérenne, surtout lorsque l’on sait que les entreprises titulaires des permis n’imaginent pas un seul instant abandonner cette activité. Il est même déjà question de nouvelles techniques. Je pense aux fracturations par azote, par air comprimé ou par propane, qui ont été évoquées en commission ce matin.
De plus, cette nouvelle écriture inverse la charge de la preuve : nous passons d’une abrogation de l’ensemble des permis de recherche pour les hydrocarbures liquides ou gazeux non conventionnels à un principe d’autorisation de ces permis, sauf si les industriels déclarent utiliser la fracturation hydraulique. Notons que rien n’est prévu pour évaluer l’impact environnemental du florilège de techniques et sous-techniques envisagées par les industriels depuis que le sujet a été porté au grand jour.
Nous regrettons, par ailleurs, la suppression de l’article 3, qui prévoyait, avant l’octroi du permis, non une simple consultation sur internet, comme l’autorise l’ordonnance du mois de janvier, mais bien une enquête publique, un débat public et une étude d’impact.
Nous ne pouvons accepter que l’enquête publique soit simplement demandée dans le cas de projets réalisés à des fins scientifiques, ainsi que le prévoit l’article 1er. Au vu de la situation actuelle, il est clairement urgent de réaffirmer la nécessité de transparence en ce qui concerne l’utilisation du sous-sol, patrimoine de la nation au sens de l’article L. 110-1 du code de l’environnement.
Enfin, l’article 4, avec la fourniture d’un rapport annuel aux parlementaires, notamment sur l’évolution des techniques, confirme que le Gouvernement ne souhaite pas se priver dans le futur de la possibilité d’explorer et d’exploiter ces hydrocarbures.
Tout cela s’inscrit dans le droit fil du pré-rapport présenté par la mission d’information interministérielle installée le 4 février dernier, qui affirme la nécessaire compatibilité entre environnement et exploitation des huiles et gaz de schiste afin de contribuer à l’émergence et à la formation d’opérateurs et de sous-traitants capables de se positionner sur le marché mondial. Total n’a-t-il pas annoncé le 13 mai dernier avoir pris des participations dans des concessions de gaz de schiste en Pologne ?
Pour une question de méthode, il aurait peut-être été intéressant d’attendre la fin de toutes les missions et le rendu des rapports avant de débattre puisque ces travaux sont censés nous éclairer…
Au final, cette loi ne constitue aucunement une interdiction de l’exploitation du gaz et des huiles de schiste, comme cela était prévu initialement. Le texte qui nous est présenté laisse la porte ouverte à tous les excès, à toutes les pratiques, au plus grand bénéfice des sociétés pétrolières.
Contrairement à ce que l’on aurait pu espérer initialement, aucun consensus n’a pu émerger dans notre assemblée sur cette question importante, ce que nous regrettons. À défaut, bien entendu, de l’adoption des amendements que nous vous présenterons, mes chers collègues, nous voterons contre ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

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