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Lois

Avant d’être débattu et voté en séance publique, chaque projet ou proposition de loi est examiné par l’une des sept commissions permanentes du Sénat : lois, finances, affaires économiques, affaires étrangères et Défense, affaires culturelles, affaires sociales, aménagement du territoire et du développement durable. Classées par commissions, retrouvez ici les interventions générales et les explications de vote des sénateurs CRC.

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Adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité

Par / 8 octobre 2003

Explication de vote final de Robert Bret

Nous arrivons au terme de nos débats sur le projet de loi portant adaptation des moyens de la justice aux évolutions de la criminalité.

S’il faut bien noter le travail intéressant et conséquent réalisé sur ce texte par notre rapporteur, il n’en demeure pas moins, toutefois, que les objectifs premiers n’ont pas été infléchis sur le fond.

D’inspiration sécuritaire, ce texte a encore beaucoup trop de défauts à nos yeux à savoir notamment : définition trop floue de la notion de criminalité organisée ; liste trop longue des crimes et délits entrant dans son champ d’application, etc.... En outre, nous estimons qu’il n’était nul besoin de légiférer en l’espèce. D’autant plus que notre code de procédure pénale a déjà connu, ces vingt dernières années, trop de modifications législatives.

Cette avalanche de textes législatifs est symptomatique d’une certaine dérive en la matière, une sorte de fuite en avant. Cette dérive s’est notablement accélérée avec le gouvernement Raffarin qui, depuis son installation, aura fait passer pas moins de 4 lois en un an : votre loi d’orientation et de programmation pour la justice ; les deux lois de M. Sarkozy et la présente visant à lutter contre la grande criminalité.

Or, avant de modifier le code pénal et le code de procédure pénale, il eut été utile de faire un bilan, une évaluation des lois précédemment votées.. Les réformes successives continuent donc de se superposer et deviennent en conséquence difficilement applicables. Notre procédure pénale manque, en conséquence, cruellement de lisibilité et de cohérence. Je pense que les professionnels de la justice tout comme ses usagers peuvent en témoigner.

Alors qu’il n’y a aucune remise à plat complète de notre système pénal ni de réflexion globale, on continue quand même d’introduire par petites touches des éléments du système accusatoire dans la procédure inquisitoire. Le risque est grand de voir disparaître l’équilibre déjà si fragile de notre système pénal et de n’avoir in fine que les inconvénients de chacun des systèmes accusatoire/inquisitoire. En tout état de cause, au gré des réformes, notre système a d’ores et déjà peu à peu basculé vers une procédure de type accusatoire à l’américaine. Un exemple : le juge d’instruction ne connaît plus aujourd’hui qu’environ 7% des affaires pénales soumises au jugement.

Le contournement des juges d’instruction va être renforcé avec l’allongement de 8 à 15 jours de l’enquête de flagrance et l’augmentation du pouvoir des procureurs. Or, le choix entre procédure accusatoire et procédure inquisitoire n’est pas anodin. Il ne relève pas non plus uniquement d’un débat technique de juristes. Il recouvre en réalité des enjeux fondamentaux qui concernent l’évolution de notre dispositif judiciaire dans sa globalité, tant les règles de procédure pénale influencent tout le système. Le système accusatoire à l’anglo-saxonne, bien que présenté comme moderne, marquerait pour notre pays un recul en ce qu’il ne ferait que renforcer le caractère déjà inégalitaire de l’accès au droit. On aurait pourtant pu penser que la loi du 15 juin 2000, adoptée à l’unanimité sous l’ancienne législature avait mis, en quelque sorte, un terme à la « guerre » entre ces deux systèmes pénaux.

Son article préliminaire ne réaffirmait-il pas en effet clairement le caractère inquisitoire de notre système de procédure pénale afin de préserver les principes essentiels tels que notamment : le respect de la présomption d’innocence et de la dignité de la personne durant le procès pénal (droits de la défense) ? J’ajoute que notre système de procédure pénale, connaît déjà - à côté des règles de droit commun - une voie parallèle c’est-à-dire une procédure d’exception qui s’applique en matière de terrorisme, de trafic de stupéfiants et de « criminalité organisée », concept déjà flou s’il en est.

Ces règles dérogatoires au droit commun concernent la garde à vue, les perquisitions, le droit de la preuve,… Votre projet de loi, Monsieur le Ministre, vient enrichir encore cette procédure pénale parallèle au moyen de nouveaux instruments dérogatoires au droit commun : développement de juridictions spécialisées, légitimation des procédures policières occultes, délais de garde à vue démesurés....

Cette multiplication d’exceptions - lesquelles font peu de cas des droits et libertés fondamentales - risque d’entraîner un certain déplacement : on risque, en effet, de glisser doucement mais sûrement d’un Etat de droit vers un Etat d’exception, bien éloigné de l’idée qu’on peut avoir d’une démocratie. On note par ailleurs en matière de procédure pénale, un glissement en faveur de l’enquête policière au détriment du judiciaire.

Ce processus entamé par la votre première loi, Monsieur le Ministre, avec le transfert de compétences et de charges du siège vers le parquet se trouve accentué encore avec le présent texte sur la grande criminalité. En faisant de l’accusation le moteur du procès dans la phase de jugement par le biais du recours plus élargi à la composition pénale et le plaider-coupable, ce texte modifie en profondeur notre procédure pénale.

Ce sont en effet les fondements mêmes de la procédure pénale qui sont ainsi remis en cause : renforcement de l’enquête policière au détriment de l’instruction préparatoire, pouvoirs encore plus importants donnés au parquet dans la direction de l’enquête, augmentation des limites de la flagrance de 8 à 15 jours pour qu’y soient appliquées les dispositions dérogatoires des libertés individuelles (perquisitions de nuit, écoutes téléphoniques…).

Votre texte est également marqué par la philosophie de la négociation bâtie sur l’idée qu’un prévenu peut prétendre à une peine réduite s’il accepte de coopérer avec la justice - c’est le statut du repenti - et/ou s’il plaide coupable. Le « plaider-coupable » confère des pouvoirs considérables au parquet et risque fort de déboucher sur une justice à deux vitesses. On le voit notre procédure pénale est le reflet des questions de société.

Elle est ballottée non seulement au gré des changements de majorité politique mais également au gré des faits divers. Dès lors, on peut s’interroger sur la stabilité même de notre procédure pénale. Je considère, pour ma part, qu’avant de procéder à telle ou telle refonte chaque fois qu’un problème survient, il conviendrait de soulever la question - ô combien plus pertinente - des moyens financiers, humains et matériels de notre institution judiciaire.

A la lumière de ces observations, vous comprendrez, Mes Chers Collègues, que nous ne puissions accepter un tel projet qui reflète un choix de société que nous sommes loin de partager.

Nous émettons donc un vote négatif sur l’ensemble de ce texte.

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