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Lois

Avant d’être débattu et voté en séance publique, chaque projet ou proposition de loi est examiné par l’une des sept commissions permanentes du Sénat : lois, finances, affaires économiques, affaires étrangères et Défense, affaires culturelles, affaires sociales, aménagement du territoire et du développement durable. Classées par commissions, retrouvez ici les interventions générales et les explications de vote des sénateurs CRC.

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Assurance de protection juridique

Par / 23 janvier 2007

Madame la présidente, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, nous sommes réunis aujourd’hui pour examiner les conclusions de la commission des lois sur les propositions de loi de nos collègues François Zocchetto et Pierre Jarlier relatives, l’une et l’autre, à l’assurance de protection juridique.

L’objet de ces textes est de clarifier les relations entre l’assuré, l’avocat et l’assureur en cas de litige, car, si des principes sont effectivement inscrits dans le code des assurances, les assureurs n’hésitent pas à introduire dans leurs contrats des clauses abusives.

Les dispositions relatives à l’assurance de protection juridique sont prévues aux articles L. 127-1 et suivants du code des assurances et sont issues de la transposition de la directive 87/344/CEE du 22 juin 1987 portant coordination des dispositions législatives, réglementaires et administratives concernant l’assurance de protection juridique.

L’article L. 127-1 définit la protection juridique comme une « opération consistant, moyennant le paiement d’une prime ou d’une cotisation préalablement convenue, à prendre en charge des frais de procédure ou à fournir des services découlant de la couverture d’assurance, en cas de différend ou de litige opposant l’assuré à un tiers [...] ».

En pratique, la protection juridique se traduit par deux types de prestation : d’une part, un service de renseignements juridiques par téléphone ouvert aux assurés souhaitant être informés de leurs droits et des démarches à accomplir, et, d’autre part, un service de défense des intérêts de l’assuré en conflit avec une autre partie.

Dans ce second cas, qui est celui qui nous intéresse plus particulièrement aujourd’hui, les services juridiques de l’assurance, l’avocat de la compagnie ou bien celui qui est désigné par l’assuré prendront en charge la défense des intérêts de l’assuré. Or, si le champ d’action de la protection juridique est vaste - il concerne les litiges liés à la consommation, au droit du travail, ou encore avec l’administration -, en revanche, la prise en charge, notamment pour ce qui est des frais et des honoraires d’avocats, est fort limitée. Suivant les contrats, le plafond des prestations prises en charge varie de 80 000 à 300 000 euros.

Dans le strict respect des droits de la personne et de sa défense, l’assurance de protection juridique est donc un moyen d’accès au droit.

Environ un foyer sur cinq est couvert par une assurance de ce type. Les sinistres déclarés restent cependant encore peu nombreux eu égard au nombre de contrats souscrits : en 2002, les treize sociétés membres du Groupement des sociétés de protection juridique annonçaient gérer 450 000 dossiers, pour un peu plus de 9 millions de clients. En pratique donc, peu d’assurés y ont recours.

Les assureurs cherchent bien évidemment à satisfaire leurs clients et à donner une bonne image de cette garantie, dans un marché en plein essor. Néanmoins, ils ne perdent évidemment pas de vue les questions de rentabilité économique, ce qui les conduit parfois à introduire dans leurs contrats des règles limitant leurs engagements, voire des clauses purement et simplement abusives.

C’est ce qu’a pu constater la Commission des clauses abusives : elle a relevé, dans sa recommandation n° 02-03 du 21 février 2002, un certain nombre de pratiques contestables et abusives des sociétés d’assurance.

Il a notamment été constaté que certaines clauses restreignent la liberté de choix de l’avocat, prévoient de déchoir de la garantie l’assuré qui a saisi un avocat sans avoir préalablement déclaré le sinistre, c’est-à-dire consulté le spécialiste de l’assureur, sans que l’assureur ait à justifier d’un préjudice, ou encore refusent au consommateur le choix de son avocat si les honoraires de celui-ci ne sont pas préalablement acceptés par l’assureur.

Les auteurs des deux propositions de loi citent à juste titre, dans leur exposé des motifs, cette recommandation de la Commission des clauses abusives. Ils reprennent donc en partie les quelques remarques que je viens de formuler afin de modifier le code des assurances.

Les propositions de loi visent essentiellement à clarifier les relations entre les assurés, les assureurs et leurs avocats. Cette clarification est nécessaire : nous ne pouvons en effet admettre que des clauses restreignant les droits des assurés et limitant leur possibilité de se défendre correctement soient inscrites dans les contrats d’assurance de protection juridique.

Plusieurs principes sont ainsi énoncés dans les propositions de loi initiales : la généralisation du recours à l’avocat, et ce à toutes les phases de la procédure, lorsque la partie adverse est elle-même défendue par un avocat ; l’encadrement de la pratique des assureurs tendant à suggérer aux assurés le nom d’un avocat ; enfin, la prohibition de tout accord entre l’assureur et l’avocat sur les honoraires de celui-ci.

Hormis quelques modifications rédactionnelles bienvenues, le rapporteur a repris dans ses conclusions les termes des deux propositions de loi initiales. Il nous propose également de les compléter et de coordonner le code de la mutualité avec le code des assurances, ce qui est effectivement une bonne chose ; d’affirmer le caractère subsidiaire de l’aide juridictionnelle - c’est là, monsieur le rapporteur, que le bât blesse - ; enfin, de prévoir que le remboursement par la partie perdante des frais et honoraires exposés par l’assuré reviendra prioritairement à ce dernier.

Néanmoins, le champ d’application du texte reste restreint par rapport aux nombreuses observations de la Commission des clauses abusives : il vise quasi exclusivement les relations entre l’assuré, son avocat et l’assureur. Pourtant, de nombreuses pratiques contestables auraient mérité d’être empêchées par la loi, pratiques que ladite commission considère soit comme abusives, soit comme créant un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties.

La Commission des clauses abusives recommande donc que soient éliminées des contrats d’assurance de protection juridique, outre les dispositions concernant le choix de l’avocat, les clauses ayant pour objet ou pour effet « de laisser croire au consommateur qu’il doit, à peine de déchéance, déclarer son sinistre dans un délai inférieur à celui de cinq jours prévu par la loi » ; « d’imposer, sous peine de déchéance automatique de la garantie, ?l’origine du sinistre ? comme point de départ du délai pour la déclaration de sinistre par l’assuré » ; « de laisser croire au consommateur que la déchéance de la garantie peut être automatique, sans que l’assureur ait à justifier d’un préjudice ». Mais je ne vais pas énumérer toutes les recommandations, elles sont trop nombreuses.

Les pratiques fort abusives ainsi relevées par la Commission des clauses abusives semblent tout aussi fréquentes lorsqu’il s’agit des relations entre l’assuré et la société d’assurance de protection juridique elle-même.

Nous regrettons donc que les deux propositions de loi initiales se limitent à encadrer plus strictement, bien que ce soit nécessaire, les pratiques des assureurs à l’encontre de leurs assurés en ce qui concerne la seule liberté de choix de leur avocat.

Vous avez manifestement tenté, monsieur le rapporteur, de combler cette lacune et de compléter les protections accordées aux assurés en inscrivant à l’article 4 que « le contrat d’assurance de protection juridique stipule que toute somme obtenue en remboursement des frais et des honoraires exposés pour le règlement du litige bénéficie par priorité à l’assuré pour les dépenses restées à sa charge et, subsidiairement, à l’assureur dans la limite des sommes qu’il a engagées ». Cet ajout constitue un progrès ; mais, compte tenu du nombre important d’abus constatés, il nous semble bien insuffisant.

Par ailleurs, je m’interroge sur le risque que, à terme, l’assurance de protection juridique ne vienne se substituer à l’aide juridictionnelle. Vous avez clairement évoqué cette possibilité, monsieur le rapporteur, en indiquant que l’assurance de protection juridique pouvait constituer un utile « relais » par rapport à l’aide juridictionnelle « d’un poids croissant dans le budget de l’État ».

Encore une fois, et pour des raisons liées à la réduction du déficit budgétaire, ce sont donc les droits des citoyens les plus modestes qui pourraient être remis en cause. Est-il nécessaire, pourtant, de rappeler que les contrats d’assurance juridique ne sont pas gratuits ? Même si les contrats de base coûtent en moyenne entre 55 et 60 euros par an, cette dépense est souvent non prioritaire pour un foyer modeste. Doit-il pour autant renoncer à défendre correctement ses droits dans un litige ? L’aide juridictionnelle est justement réservée à ces cas !

En la voyant ainsi inscrire le principe selon lequel « l’aide juridictionnelle n’est pas accordée lorsque les frais couverts par cette aide sont pris en charge au titre d’un contrat d’assurance de protection juridique ou d’un système de protection » à l’article 2, et non plus à l’article 3-1 de la loi du 10 juillet 1991, et préciser dans la loi que les contrats d’assurance de protection juridique pourraient se substituer à l’aide juridictionnelle, je suspecte la majorité de vouloir remettre en cause, à l’avenir, l’aide juridictionnelle. (Protestations sur les travées de l’UMP.) Et il semble que je n’aie pas tort de la suspecter !

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale. Oh !

Mme Josiane Mathon-Poinat. Ma conclusion sera donc brève : bien qu’il apporte des clarifications nécessaires, le texte retenu par la commission ne répond pas suffisamment aux nombreuses critiques émises tant par les associations de consommateurs que par la Commission des clauses abusives et qui sont liées au manque de transparence et de lisibilité des contrats d’assurance juridique, défaut qui risque d’ailleurs de favoriser une augmentation importante de ces contrats.

Surtout, et c’est ce qui motive notre position, la majorité sénatoriale ne semble pas exclure de faire de l’assurance de protection juridique un substitut à l’aide juridictionnelle, à laquelle nous sommes, nous, profondément attachés et qui risque de tomber en désuétude au nom de restrictions budgétaires, et de généraliser ainsi l’assurance privée pour l’accès au droit, voire de la rendre obligatoire. Dans ces conditions, nous nous abstiendrons sur ce texte.

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