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Lois

Avant d’être débattu et voté en séance publique, chaque projet ou proposition de loi est examiné par l’une des sept commissions permanentes du Sénat : lois, finances, affaires économiques, affaires étrangères et Défense, affaires culturelles, affaires sociales, aménagement du territoire et du développement durable. Classées par commissions, retrouvez ici les interventions générales et les explications de vote des sénateurs CRC.

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Ce texte s’inscrit dans le droit fil des réformes libérales du président Sarkozy, qui n’ont pas été détricotées ni abrogées

Délimitation des régions (nouvelle lecture) -

Par / 15 décembre 2014

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, nous examinons aujourd’hui, pour la troisième fois consécutive, le projet de loi relatif à la délimitation des régions, aux élections régionales et départementales et modifiant le calendrier électoral.

Le débat sur l’organisation territoriale de notre pays, il faut le souligner, continue de se dérouler dans des conditions critiquables – mais, contrairement à ce que vous avez déclaré, monsieur Kaltenbach, pas désastreuses !

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission spéciale chargée d’examiner projet de loi relatif à la délimitation des régions, aux élections régionales et départementales et modifiant le calendrier électoral. Absolument !

Mme Éliane Assassi. Oui, les conditions de ce débat sont critiquables, et sur plusieurs points.

Premier motif de critique, la confusion entretenue sur cette réforme qui, scindée en plusieurs textes, amenée par touches successives, a fini par devenir illisible pour les citoyens et même pour beaucoup d’élus de notre pays – je suis en mesure de le dire, pour mener de nombreuses initiatives avec eux, en particulier dans mon département.

Deuxième motif de critique, tout cela s’est construit sans un acteur majeur de toute réforme : le peuple, le peuple de France ! Au moment où les citoyens aspirent à être davantage associés aux décisions prises pour leur avenir, et comme vous vous l’avez vous-même redit, monsieur le secrétaire d’État, toutes les mesures existantes en matière de consultations ou de référendums, y compris dans les projets de loi, ont été écartées au profit de décisions prises par des élus.

C’est donc un rendez-vous manqué, à l’heure où nos concitoyens perdent confiance en leurs élus !

Précipiter cette réforme sans consulter le peuple est, selon nous, le symptôme de la poursuite des attaques portées contre la République. Cela dénote un certain mépris pour la démocratie et la souveraineté populaire, et une soumission - que le Gouvernement veille l’entendre ou non - à la seule volonté d’une Commission européenne qui, favorable aux régions et à l’austérité, a pour ambition de dissoudre le cadre national pour faciliter la circulation des capitaux et des travailleurs sans droit !

Cette réforme s’inscrit dans la « droite ligne », c’est le cas de le dire, de la loi constitutionnelle du 28 mars 2003, qui a engagé le morcellement de la République, guidée par une politique libérale dont l’objectif était d’opérer de vastes transferts d’activités publiques rentables vers le secteur privé et de diminuer considérablement les dépenses publiques.

Elle se situe dans la continuité des réformes engagées sous le quinquennat du président Nicolas Sarkozy, réformes animées par le désengagement financier et politique de l’État, sans contrepartie ni garantie d’égalité, avec, pour méthode, la mise en compétition « à la libérale » des territoires.

J’ai pourtant souvenir – et ce n’est pas si ancien - que la gauche tout entière avait combattu la loi du 16 décembre 2010 de réforme des collectivités territoriales.

M. Michel Mercier. C’est vrai !

Mme Éliane Assassi. Or, depuis l’élection de cette même gauche au pouvoir, il n’a été question ni d’abroger cette réforme de Nicolas Sarkozy, et ce malgré les promesses faites, ni même de la détricoter ! Certains oublient facilement les engagements d’hier !

Bien évidemment, on s’est occupé du conseiller territorial, qui remplaçait les conseillers généraux et régionaux.

M. Michel Mercier. Voilà une bonne réforme !

Mme Éliane Assassi. Nous ne sommes pas d’accord sur ce point, monsieur Mercier… D’une certaine manière, cela me rassure !

Donc, seul le conseiller territorial a été supprimé, par l’adoption d’une proposition de loi déposée par notre groupe au Sénat.

Ainsi la réforme de François Hollande approfondit-elle la logique libérale plus étroitement encore !

Somme toute, il est légitime de vouloir éventuellement modifier l’organisation territoriale, mais cette modification doit s’accompagner d’une amélioration de la vie de nos concitoyens. S’il n’apparaît pas évident pour certains, ce point est très important pour nous.

N’est-ce pas là l’objectif principal qui doit guider cette réforme et même toute réforme ?

Les nouvelles régions ne devraient-elles pas contribuer à réduire les inégalités sociales et territoriales ? Le seul projet qui nous a été proposé est fondé sur l’argument, repris encore aujourd’hui, d’une attractivité accrue pour de grandes régions, dont la puissance devrait permettre de résoudre les problèmes. Nous savons bien qu’il n’en est rien !

L’Île-de-France est, en la matière, l’exemple le plus criant. Région puissante, c’est aussi la région dans laquelle les inégalités sociales et territoriales sont les plus marquées et continuent de se creuser. La taille et la puissance ne règlent donc pas tous les problèmes.

M. Philippe Dallier. Mais la métropole, peut-être…

Mme Éliane Assassi. Par ailleurs, la réforme de François Hollande bafoue l’article L. 4122-1 du code général des collectivités territoriales, prévoyant que les limites territoriales des régions sont modifiées par la loi après consultation des conseils régionaux et des conseils départementaux intéressés.

Le regroupement des régions a été dessiné sur un coin de table et s’apparente, permettez-moi l’expression, mes chers collègues, à du « marchandage de tapis ». C’est un recul démocratique majeur, symbole d’un refus de dialogue avec les élus et les citoyens, symbole aussi d’une forme d’autoritarisme à caractère technocratique !

Quant à la droite, qui, à l’occasion de la première lecture, s’offusquait de la méthode employée, elle fait aujourd’hui alliance avec le parti socialiste pour ôter tout pouvoir d’intervention aux citoyens dans ce processus de modification des territoires de la République.

La droite sénatoriale n’a-t-elle pas voté, en première lecture, la motion référendaire demandant l’organisation d’un référendum sur ce texte de loi ? Simple position d’affichage ou forme de « schizophrénie » ?

L’UMP et le PS sont en parfaite adéquation sur le fond de ce texte et les objectifs fixés, comme M. Kaltenbach l’a partiellement expliqué encore à l’instant. Cette entente montre qu’il est plus fait appel à des réflexes identitaires ou protectionnistes qu’à l’intérêt général - contrairement à la musique que j’entends trop souvent, ce n’est pas du tout dans nos pratiques. À ce niveau, on peut constater l’influence des « baronnies » régionales ! C’est particulièrement vrai pour l’Alsace, dont les élus exercent une certaine pression au nom d’enjeux n’ayant rien à voir avec l’intérêt général !

Mme Catherine Troendlé. Bien sûr que si !

Mme Éliane Assassi. C’est ici que commence la mise en concurrence des territoires !

M. Guy-Dominique Kennel. C’est vous qui le dites !

Mme Éliane Assassi. Cette approche conduit à privilégier une réflexion sur les périmètres des territoires, exacerbant les égoïsmes locaux, plutôt que sur le fond des choses : les raisons et objectifs conduisant à revoir le redécoupage des régions.

Étant donné l’importance des enjeux liés au renforcement des futures régions – enjeux tout à fait avérés -, nous attendions que soient appréhendées et mesurées les conséquences d’une telle refonte de la délimitation des territoires régionaux sur les plans économique, social, culturel, financier et, bien entendu, institutionnel et juridique, sans oublier le développement durable.

Cette exigence avait d’ailleurs été pointée du doigt au regard de l’extrême indigence des éléments contenus dans l’étude d’impact.

Il n’en a rien été ! Nous avons pourtant appris depuis longtemps que, si ce travail préalable n’est pas fait, l’échec est assuré.

Avant d’organiser une nouvelle carte des régions, la logique aurait voulu que nous examinions en priorité les fonctions et les compétences de ces nouvelles collectivités régionales pour déterminer l’espace qu’elles devraient occuper.

Mme Catherine Troendlé. Oui !

M. Jean-Marie Bockel. Tout à fait !

Mme Éliane Assassi. Avant de réfléchir aux périmètres de ces nouvelles institutions locales, il aurait fallu également s’interroger sur les moyens financiers et humains dont elles pourront disposer pour exercer leurs nouvelles compétences.

M. Philippe Dallier. C’est tout à fait vrai !

M. Henri Tandonnet. Là, vous avez raison !

Mme Éliane Assassi. Encore aurait-il fallu associer l’ensemble des forces sociales intéressées et organiser, j’y reviens, un véritable débat national tranché par une consultation populaire.

N’essayez pas de « cacher » aux citoyens que des régions de grande taille, disposant de compétences très élargies et d’un pouvoir réglementaire, portent le germe d’une organisation fédéraliste se substituant à notre République une et indivisible.

Avouez-le, derrière ce redécoupage des régions, sous couvert de renforcer l’attractivité de leur territoire, se cache un projet politique bien plus vaste, celui d’une réorganisation complète de notre République qui vise à faire disparaître bon nombre de collectivités locales.

Ce sera destructeur pour notre pacte social, destructeur pour notre pacte républicain.

Centralisatrice et inefficace, cette réforme va se traduire, en outre, par un véritable gaspillage des deniers publics. En effet, contrairement à la fable mille fois répétée par les partisans de ces « hyper-régions », les économies annoncées ne seront pas au rendez-vous. La réorganisation des services, les transferts de compétences envisagés, l’harmonisation des régimes indemnitaires des personnels, la refonte de toute la communication institutionnelle et de la signalétique régionale, seront autant de surcoûts qui sont totalement passés sous silence aujourd’hui.

Pour notre part, nous restons attachés à l’organisation de notre République, à ses trois niveaux de collectivités, même si nous pensons que d’importantes modifications devraient être mises en œuvre pour en démocratiser toujours plus le fonctionnement, pour améliorer les services publics locaux, développer tous les partenariats possibles, pour monter des projets communs entre collectivités territoriales, dans le respect de toutes les parties prenantes, pour renforcer l’efficacité de l’action publique et toujours mieux répondre aux besoins et aux attentes de la population. Comme vous pouvez le constater, nous ne sommes pas aussi archaïques que certains se plaisent à le dire !

Ce qui nous est présenté aujourd’hui, au nom du parti du Mouvement, ce fameux parti du Mouvement, devrais-je dire, n’est qu’un mauvais « replâtrage » de notre monarchie républicaine, une Ve République bis, pire que la précédente par certains aspects.

Ce qui est devant nous, ce n’est pas la voie de la réforme, mais celle d’une contre-réforme centralisatrice, reniant le mouvement initié il y a trente ans par un gouvernement de gauche qui œuvrait alors pour une décentralisation démocratique au service d’un projet émancipateur.

Cette volonté politique, qui n’est plus portée par un certain nombre de nos collègues, nous anime toujours, c’est la raison pour laquelle nous voterons une nouvelle fois contre ce texte.

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