Lois
Avant d’être débattu et voté en séance publique, chaque projet ou proposition de loi est examiné par l’une des sept commissions permanentes du Sénat : lois, finances, affaires économiques, affaires étrangères et Défense, affaires culturelles, affaires sociales, aménagement du territoire et du développement durable. Classées par commissions, retrouvez ici les interventions générales et les explications de vote des sénateurs CRC.
Certains des arguments avancés par ceux qui s’opposent à ce progrès relèvent – il faut bien le dire – d’une homophobie franche et déclarée
Mariage des couples de personnes de même sexe : article premier -
Par Pierre Laurent / 8 avril 2013Nous sommes enfin parvenus à l’examen de l’article 1er. Je me contenterai de faire deux remarques.
« Le mariage est contracté par deux personnes de sexe différent ou de même sexe. » Voilà donc l’article qui suscite stupeur et effroi sur les travées de la droite depuis le début du débat !
Ainsi, depuis maintenant des semaines, nous assistons à un véritable déferlement contre cet article fondateur d’un nouveau progrès en termes d’égalité, cette égalité que nous nous apprêtons à inscrire avec bonheur dans la loi. Enfin, nous allons mettre un terme à une discrimination devenue insupportable !
Certains des arguments avancés par ceux qui s’opposent à ce progrès relèvent – il faut bien le dire – d’une homophobie franche et déclarée, d’une homophobie agressive et brutale. (Murmures sur les travées de l’UMP.)
Mme Françoise Férat. Non !
M. Pierre Laurent. Si, nous l’avons entendu !
Il y a aussi une homophobie honteuse et larvée, celle de ceux qui affirment que, bien sûr, l’homosexualité est un choix d’orientation sexuelle légitime, mais qui ne veulent pas reconnaître des droits identiques pour tous, sans distinction de genre et d’orientation sexuelle.
Pour se prémunir des accusations d’homophobie, ces détracteurs du projet de loi inventent des droits de second ordre, des droits de sous-citoyen, de demi-citoyen.
Ainsi, le PACS, hier combattu, d’ailleurs par les mêmes, paraît aujourd’hui suffisant. Au mieux, on propose une union civile dont les motivations n’ont finalement qu’un but : barrer la route à une égalité enfin pleine et entière.
Il est temps pour nous de rejeter ces faux-fuyants et d’ouvrir l’égalité à tous, l’égalité tout simplement.
Dès lors, mariage, adoption et, à nos yeux, PMA pour les femmes…
M. Charles Revet. Voilà !
M. Pierre Laurent. … relèvent du même principe d’égalité. Les droits des uns doivent être, en toute circonstance, les droits des autres.
Au nom de quoi des personnes d’orientation sexuelle différente, hétéros ou homos, se verraient, pour une partie d’entre elles, privées de leurs droits alors que l’égalité devant la citoyenneté leur est reconnue ? Aucun des arguments entendus ne nous convainc d’en rabattre sur une telle exigence. Notre soutien au projet est donc guidé d’un bout à l’autre par le respect de l’égalité des citoyens devant la loi. C’est aussi simple et aussi fondamental que cela.
Je voudrais également souligner le caractère profondément rétrograde des arguments que l’on entend à propos de la conception de la famille et de la filiation. À cet égard, le florilège auquel nous venons d’avoir droit gagnerait à être davantage connu…
Que d’arguments qui ramènent la femme à son rôle de procréatrice sous domination masculine ! (Exclamations sur les travées de l’UMP.)
M. Christian Cambon. Qui a dit cela ?
M. Pierre Laurent. Que d’arguments qui cherchent à figer une vision archaïque de la famille !
Je pense à cette notion totalement rétrograde de « complémentarité », que l’on substitue à celle d’« égalité » pour définir les rapports entre les hommes et les femmes dans la famille.
Dans un couple constitué d’un homme et une femme, les conjoints ne sont pas complémentaires ; ils sont égaux en droits ! D’ailleurs, cette conquête de l’égalité au sein de la famille a profondément changé le mariage lui-même. Mesdames, messieurs de droite, savez-vous que, en Tunisie, les islamistes s’acharnent, sans y parvenir pour le moment, à substituer dans la constitution de leur pays la notion de « complémentarité » à celle d’« égalité » pour désigner les droits des femmes ?
Le mariage n’est pas le statut figé et rétrograde dans lequel nos collègues de droite tentent de le circonscrire depuis le début de notre débat. Il a évolué. Hier encore, le divorce était interdit, proscrit, banni… Ceux qui faisaient ce choix étaient montrés du doigt. La femme n’avait pas les mêmes droits que l’homme dans le mariage.
Tout cela a bougé. La conquête de l’égalité a aussi avancé à l’intérieur du mariage.
Par conséquent, la conception que vous portez est non seulement homophobe,…
M. Alain Gournac. Mais arrêtez !
M. Jean-Pierre Raffarin. C’est honteux ! Ça suffit !
M. Christian Cambon. C’est un provocateur !
Mme Éliane Assassi. Pourtant, c’est la vérité ! C’est ça qui vous embête !
M. Pierre Laurent. … mais aussi sexiste ! (Vives protestations sur les travées de l’UMP.)
M. Jean-Pierre Raffarin. Vous n’avez trouvé que cela comme argument ? C’est la faiblesse du sujet !
Mme Cécile Cukierman. Mais non ! C’est la force du sujet !
M. Alain Gournac. C’est odieux !
M. Jean-Pierre Raffarin. Inacceptable ! C’est inacceptable !
Mme Éliane Assassi. Monsieur Raffarin, vous n’aimez pas entendre les vérités !
M. Pierre Laurent. Nous croyons que le mariage pour tous est un nouveau pas vers l’égalité pour toutes et tous. (Les protestations couvrent en partie la voix de l’orateur.)
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Faites-le taire !
M. Jean-Pierre Raffarin. On va finir par regretter Mélenchon !
M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue !
M. Pierre Laurent. C’est aussi un progrès pour les couples homosexuels, qui verront tomber la discrimination dont ils sont victimes. Mais ce nouveau droit sera un progrès pour tous les couples, pour toutes les femmes, pour toutes celles et tous qui veulent concevoir leur mariage comme un espace commun d’amour et de liberté, et non comme un corset qui nous ramène deux siècles en arrière. (Nouvelles protestations sur les travées de l’UMP.)
M. Alain Gournac. C’est nul ! Honteux !
M. Pierre Laurent. Je ne parle même pas des propos sur l’état de nature que nous venons d’entendre : ils feraient s’évanouir les penseurs des Lumières ! (Mêmes mouvements.)
M. le président. Concluez, monsieur le sénateur !
M. Pierre Laurent. En votant ce projet, c’est au nom de l’égalité que nous ferons gagner…
M. Christian Cambon. La sérénité dans le débat ?
M. Pierre Laurent. … la liberté pour toutes et tous !