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Lois

Avant d’être débattu et voté en séance publique, chaque projet ou proposition de loi est examiné par l’une des sept commissions permanentes du Sénat : lois, finances, affaires économiques, affaires étrangères et Défense, affaires culturelles, affaires sociales, aménagement du territoire et du développement durable. Classées par commissions, retrouvez ici les interventions générales et les explications de vote des sénateurs CRC.

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Cette proposition de loi est emblématique de ce qui ronge les collectivités

Sociétés d’économie mixte à opération unique (deuxième lecture) -

Par / 18 juin 2014

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, vous m’en voyez désolée, mais je ne tiendrai pas, sur la création des SEM-contrat, devenues en cours de route des SEM à opération unique, ou SEMOP, les mêmes propos que les orateurs qui m’ont précédée…

La navette aura permis d’aboutir, reconnaissons-le, à un dispositif juridiquement plus efficient, en réintégrant la procédure de création de ces nouvelles structures dans le droit commun des procédures existantes de commande publique et en supprimant ainsi la procédure ad hoc initialement instaurée.

Nous nous félicitons également que le texte contraigne dorénavant les collectivités à se poser, au préalable, la question de l’intérêt de la création d’une telle SEM au regard de l’existence des autres outils de la commande publique ; c’est là, nous l’avions déjà souligné, un minimum.

Pourtant, malgré la solidité juridique de ce nouveau dispositif, les remarques de fond que nous avions formulées en première lecture restent valides.

Cette proposition de loi, nous le savons tous, est née du contexte d’asphyxie financière des collectivités, victimes d’une diminution de leurs ressources du fait de la baisse accélérée des dotations de l’État parallèlement à la croissance des besoins des populations. Pour autant, ces mêmes collectivités souhaitent, et c’est bien légitime, mieux maîtriser les services publics délégués. Mais comment faire ? Quand bien même elles auraient la volonté de les assurer en régie, elles ne disposent plus, bien souvent, ni du savoir-faire ni des ressources nécessaires.

Au fond, de quoi s’agit-il ? Cette proposition de loi est emblématique de ce qui ronge les collectivités : la RGPP, devenue la MAP, la modernisation de l’action publique, qui a saigné l’emploi public dans une proportion telle que ni les collectivités ni même les services de l’État ne sont plus en mesure d’assumer leurs missions au service de l’intérêt général, ce qui place le plus souvent les pouvoirs publics en situation de dépendance à l’égard d’organismes extérieurs.

Les SEM à opération unique sont donc présentées comme une alternative aux délégations de service public et aux contrats de partenariat, alliant une maîtrise publique toute relative à un savoir-faire qui est aujourd’hui l’apanage du privé. Toutefois, est-ce vraiment une alternative ? Cette proposition de loi répond-elle à l’objectif de renforcer la maîtrise publique ? Nous sommes au regret de devoir répondre, pour notre part, par la négative.

Ainsi, en matière de gouvernance, et à l’inverse de ce qui prévaut pour la grande majorité des SEM actuelles, la puissance publique pourrait, si elle le décidait, ne plus être majoritaire face à ses partenaires privés, le seuil minimal de participation étant fixé à 34 %. Qualifier de SEM ce nouvel outil est, de ce fait, quelque peu abusif. Il s’agit d’une structure foncièrement différente, plus proche, cela a été dit, d’un partenariat public-privé que d’un outil public. Traditionnellement, les SEM et les sociétés publiques locales ont été le bras séculier de nos collectivités, l’outil qui leur a permis de mener des politiques d’aménagement ambitieuses au service de l’intérêt général.

Toutefois, demain, quelle sera la capacité réelle d’une collectivité qui aura décidé d’être minoritaire au sein d’une SEM à opération unique à peser réellement sur les choix de gestion et les décisions ? On nous dit qu’elle conservera une minorité de blocage, mais rien n’indique aujourd’hui que 34 % des voix constitueront bel et bien celle-ci : qu’est-ce qui nous le garantit ? Comment un rapport de force favorable à la collectivité pourra-t-il être créé, une fois le pacte d’associés défini et le contrat attribué ? Quel pouvoir décisionnaire pourra-t-elle conserver face à un partenaire privé dont l’objectif principal est la rentabilité ?

De plus, en participant au capital de cette SEM, la collectivité sera amenée à assumer, avec le partenaire privé, un financement, et donc un risque, qui trouvera sa traduction au sein du pacte d’associés et qui, au vu des scandales et des dérives auxquels ont donné lieu les PPP, pourrait se révéler extrêmement coûteux. Ainsi, si aujourd’hui, dans le cadre d’une délégation de service public, la rémunération du délégataire est liée principalement au résultat d’exploitation, il pourra en aller tout à fait différemment dans le cadre d’une SEM à opération unique.

Étant donné que l’objectif affiché est de donner aux collectivités des outils pour mieux contrôler les entreprises privées délégataires de missions de service public, comment comprendre que celles-ci accueillent cette proposition de loi avec un tel enthousiasme ? Elles ont bien compris que ce texte leur ouvrirait la possibilité d’étendre leur emprise sur le secteur public, et peut-être même d’augmenter leurs profits. Au final, nous contribuons certes, en créant ce type de structures, à offrir de nouveaux outils aux collectivités, mais cela va dans le sens d’une privatisation rampante des services publics. Nous ne partageons pas cette orientation.

Autre interrogation : alors que les SEM traditionnelles associent souvent des acteurs privés locaux, les futurs partenaires des SEMOP seront probablement des mastodontes des secteurs du bâtiment et des travaux publics, de l’environnement ou des transports, car seules de telles entreprises auront les reins assez solides pour répondre à des appels d’offres de cette nature. Cette spécificité suscite l’inquiétude. ATTAC a ainsi souligné que le recours à ce type de SEM « limitera drastiquement l’accès à la commande publique pour les PME, qui n’auront pas les capacités juridiques et financières de souscrire au capital de la SEM ».

Finalement, cette proposition de loi n’aura pas d’effet sur les différents types de marchés publics, mais elle emportera des conséquences sur les prestataires, en tendant à mettre en concurrence à la fois les projets et les partenaires. La création des SEMOP est présentée comme une innovation positive, mais nous considérons pour notre part qu’il s’agit plutôt d’une remise en cause des fondements mêmes de la commande publique.

L’Ordre national des architectes est très sceptique à l’égard de ce type de montage, qui « les subordonne à des intérêts marchands au sein d’une société où les partenaires, c’est-à-dire les collectivités et les actionnaires, seront juges et parties, à la fois maîtres d’ouvrage, maîtres d’œuvre et entreprise ». Une telle situation contrevient totalement aux principes de la loi du 3 janvier 1977 sur l’architecture.

Au regard de l’ensemble de ces éléments, la majorité des sénateurs du groupe CRC s’abstiendront une nouvelle fois sur cette proposition de loi qui, même après deux lectures, reste à nos yeux des plus ambiguës.

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