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Lois

Avant d’être débattu et voté en séance publique, chaque projet ou proposition de loi est examiné par l’une des sept commissions permanentes du Sénat : lois, finances, affaires économiques, affaires étrangères et Défense, affaires culturelles, affaires sociales, aménagement du territoire et du développement durable. Classées par commissions, retrouvez ici les interventions générales et les explications de vote des sénateurs CRC.

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Comment les collectivités pourront-elles peser face à GDF-Suez ou Veolia ?

Sociétés d’économie mixte contrat -

Par / 11 décembre 2013

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous examinons aujourd’hui la proposition de loi déposée par de nombreux groupes parlementaires à la demande, en quelque sorte, de la Fédération des entreprises publiques locales et largement réécrite par la commission des lois – cela a été rappelé.

Si nous pouvons souscrire aux motifs ayant conduit à cette réflexion qui vise à élargir la palette des outils à disposition des collectivités pour développer leurs projets, nous considérons que la présente proposition de loi soulève cependant un certain nombre de questions.

Certes, la création des SEM contrat, qui deviendront, si cette proposition de loi est adoptée, des SEM à opération unique, est laissée in fine à l’appréciation des collectivités locales, qui pourront, ou non, faire le choix d’y recourir. Cependant, dans sa conception même, cette structure nouvelle suscite nos interrogations.

Autant nous avons soutenu pleinement la création des sociétés publiques locales et en particulier celle des sociétés publiques locales d’aménagement, lesquelles permettent de sauvegarder les outils des collectivités mises à mal par le droit communautaire, en étendant le concept de in house, autant il nous semble que les présupposés de cette nouvelle SEM à opération unique sont fondamentalement différents.

Nous savons bien que cette proposition de loi est née dans un contexte spécifique. Elle s’insère dans le cadre national d’une diminution des marges de manœuvre des collectivités du fait de l’assèchement de leurs ressources par la baisse des dotations de l’État.

Elle s’inscrit également dans un contexte où nombre de nos communes veulent sortir de délégations de service public ou de contrats de partenariat qui ne donnent pas satisfaction, sans avoir, au fond, ni les compétences ni les ressources pour exercer ces responsabilités en régie.

Cette proposition de loi tente donc, finalement, avec la création de ce nouveau type de société hybride, de pallier ces difficultés en conciliant les impératifs d’un contrôle accru de la puissance publique qui serait partie prenante de la société délégataire avec la nécessité de l’apport financier du secteur privé, ainsi que, dans certains cas, de son savoir-faire.

Il faut alors savoir que, conscientes du risque d’être évincées par un recours accru aux régies, les entreprises privées accueillent cette proposition avec enthousiasme. Ainsi, Philippe Maillard, directeur général de la Lyonnaise des eaux, estime que « cet outil vient compléter la gamme des possibilités pour les collectivités de chercher un partenaire en amont. Nous y sommes très favorables, parce que nous le pratiquons depuis longtemps en Espagne ou en Italie ». Il s’agit ainsi clairement d’une alternative ouverte à la régie.

Ce nouvel outil présente également l’intérêt, dans le contexte que je viens d’évoquer, d’éviter de considérer la participation de la collectivité comme un endettement. Cette démarche peut sembler utile et efficace en ces temps de disette budgétaire, car la participation de la collectivité n’est plus considérée comme un investissement mais comme une dépense de fonctionnement. Nous comprenons donc bien pourquoi un tel dispositif peut sembler séduisant aux élus locaux dans leur grande diversité, comme vous l’avez rappelé.

Cependant, sur le fond, nous trouvons cette proposition ambiguë, voire ambivalente. Les SEM à opération unique seront, selon toute vraisemblance, utilisées principalement dans le cadre de futures délégations de service public, notamment celles qui concernent les services publics de réseau, comme cela se fait déjà dans les autres pays européens.

Dans ce cadre, alors que les SEM traditionnelles associent souvent des acteurs privés locaux, les futurs partenaires au sein des SEM à opération unique seront probablement des mastodontes de l’environnement et des transports, tels que Veolia ou Transdev, etc. – on comprend donc qu’ils se réjouissent.

De plus, en matière de gouvernance, à l’inverse de ce qui prévaut pour la grande majorité des SEM actuelles, la puissance publique pourrait, si elle le décide, ne plus être majoritaire face à ces partenaires privés.

Certes, des exceptions existent aujourd’hui – madame la ministre, vous les avez évoquées en détail –, mais elles restent extrêmement minoritaires et touchent des secteurs d’activité spécifiques, tels que les SEM du secteur de la remontée mécanique, celles qui relèvent du droit local en Alsace et en Moselle, les SEM sportives, les sociétés immobilières d’outre-mer ou les SEM créées par décret, etc.

Nous pouvons donc légitimement nous interroger sur la capacité d’une collectivité qui aurait fait le choix d’être minoritaire à peser réellement sur les choix et décisions au sein de la SEM à opération unique, a fortiori si le partenaire est un mastodonte de l’environnement. Or, si on nous dit effectivement qu’elle conservera une minorité de blocage, rien n’indique aujourd’hui, dans la lettre de cette proposition de loi, que 34 % des voix constitueront bel et bien une minorité de blocage, surtout dans ce rapport de force, ce bras de fer, avec les acteurs du secteur privé qui commencent à se manifester, lesquels ne seront plus de même nature et n’auront plus le même poids que les acteurs privés actuels. Certes, tout dépendra du choix de la collectivité qui déterminera, dans le contrat, son niveau de participation au capital, mais nous pouvons nous interroger sur la pertinence d’une telle disposition.

Traditionnellement, en effet, les SEM et notamment les SEM d’aménagement ont été les bras séculiers de nos collectivités, l’outil qui leur a permis de mener des politiques d’aménagement ambitieuses pour répondre aux besoins des femmes et des hommes. Qu’en sera-t-il demain avec ces nouvelles SEM, lorsque les collectivités auront fait le choix de ne pas être majoritaires dans leur capital ? Comment un rapport de force favorable à la collectivité pourra-t-il être créé face à Suez ou à Veolia, une fois le pacte d’associés défini et le contrat attribué ?

Certes, la création de ces SEM à opération unique permettra, selon ses partisans, de répondre à la volonté des collectivités de mener des politiques volontaristes dans un cadre économique particulièrement contraint – l’auteur de cette proposition de loi et le rapporteur l’ont rappelé.

Il existe cependant une contrepartie. En effet, en participant au capital de cette SEM, la collectivité sera amenée à assumer, avec le partenaire privé, un financement – fût-il minimal – et un risque qui sera reflété au sein du pacte d’associés.

Si cette prise de risque et ce financement public peuvent se comprendre dans certains cas, notamment celui de la construction de logements, cela est difficilement envisageable pour des secteurs qui n’appellent pas actuellement de financement public de la part de la collectivité. Ainsi, je rappelle qu’aujourd’hui, dans le cadre d’une délégation de service public, la rémunération du délégataire est liée principalement au résultat d’exploitation.

Finalement, cette proposition de loi n’a pas d’effet sur les différents types de marchés publics, mais bien sur les prestataires, en mettant en concurrence à la fois les projets et les partenaires.

En conclusion, si on revient aux principes des marchés publics, il semble surprenant de considérer que la mise en concurrence puisse concerner autre chose que la prestation elle-même ou un service, à savoir le choix du partenaire. D’un point de vue conceptuel, cette innovation ne manque pas de susciter nos interrogations.

Au regard de l’ensemble de ces éléments, les sénateurs du groupe CRC, dans leur majorité, s’abstiendront sur cette proposition de loi qui soulève, en somme, plus de questions qu’elle n’apporte de réponses.

La véritable réponse réside selon nous dans le relèvement des dotations aux collectivités locales et l’arrêt des politiques de rétraction de l’action publique, ainsi que, parallèlement, dans la définition, pour les grands services publics de réseau, d’un pôle public national permettant réellement une maîtrise publique et la solidarité territoriale en ce qui concerne les enjeux de ces secteurs.

M. Daniel Raoul. C’est Noël !

Mme Cécile Cukierman. C’est bien Noël, mais c’est aussi le changement, monsieur Raoul !

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