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Lois

Avant d’être débattu et voté en séance publique, chaque projet ou proposition de loi est examiné par l’une des sept commissions permanentes du Sénat : lois, finances, affaires économiques, affaires étrangères et Défense, affaires culturelles, affaires sociales, aménagement du territoire et du développement durable. Classées par commissions, retrouvez ici les interventions générales et les explications de vote des sénateurs CRC.

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Contrôle de la validité des mariages

Par / 4 octobre 2006

Monsieur le Président,
Monsieur le Garde des Sceaux,
Mes chers collègues,

Le projet de loi qui nous amène aujourd’hui a un objectif clair : durcir la législation sur le mariage afin de l’utiliser comme un outil de régulation des flux migratoires. Il vise de ce fait directement les étrangers, et cible exclusivement les mariages binationaux. L’esprit de ce texte sous-entend que les mariages mixtes seraient en majorité des mariages de complaisance

Les deux premières phrases de l’exposé des motifs sont sans ambiguïté et illustrent parfaitement mes propos. Je cite « La lutte contre l’immigration irrégulière et les mariages forcés constitue l’une des priorités du Gouvernement. Force est de constater que les règles du mariage, conforme à notre idéal républicain, sont trop souvent détournées de leur objet à des fins purement migratoires. » Tout est dit !

Entre parenthèse, que dire des grands mariages bourgeois du XIXème, ô combien arrangés, et qui déjà détournaient les règles du mariage à des fins purement économiques !

Mais revenons au sujet qui nous préoccupe. À l’Assemblée nationale, vous accusiez nos collègues de critiquer un texte qui n’était pas le vôtre, Monsieur le Garde des Sceaux, car, prétendiez-vous, il n’y est nullement question d’immigration. L’exposé des motifs, nous venons de le voir, vient apporter un premier bémol à vos allégations.

Le rapport de notre collègue Lecerf vient en apporter un second. Il est en effet très clair quand il établit insidieusement un lien entre mariages mixtes et mariages de complaisance.

Je le cite : « Certes, il serait caricatural d’assimiler mariages binationaux et mariages simulés. [...] Néanmoins -et tout se situe dans cette nuance- la coïncidence de ce phénomène avec le renforcement des contrôles de l’immigration et l’intérêt comparatif accru du mariage binational n’apparaît pas totalement fortuite ».

Le doute n’est donc plus permis, les mariages mixtes sont purement et simplement identifiés à des mariages de complaisance, contractés dans le seul but d’obtenir un titre de séjour et/ ou la nationalité française.

Cet amalgame est effarant tout autant d’ailleurs que d’autres arguments utilisés pour restreindre le droit au mariage des étrangers avec un citoyen français et pour stigmatiser toujours plus les étrangers. (Étranger toujours suspect, toujours fraudeur)

J’en veux pour preuve l’argument du nombre d’enfants issus des couples mixtes qui serait insuffisant au regard du nombre important de mariages mixtes. Je reprends ici vos propos, monsieur le Garde des Sceaux : « près d’un mariage sur trois est un mariage mixte ; or, seul un enfant sur dix naît d’un couple mixte. La comparaison de ces deux chiffres et le décalage qui en résulte suffisent à révéler que le mariage est utilisé à des fins étrangères à l’instauration du lien conjugal et à la fondation d’une famille ». Quels raccourcis !

Comment affirmer sérieusement que le nombre insuffisant d’enfants issus de mariages mixtes serait une preuve de mariages à caractère frauduleux ? Les étrangers et les français qui se marient auraient-ils une obligation de résultat quant au nombre d’enfants à mettre au monde ?

De tels propos sont tout simplement consternants et dangereux par l’amalgame et les insinuations détestables qu’ils opèrent.

Il en est de même avec l’argument selon lequel l’ampleur de la fraude au mariage serait corroborée par l’évolution du nombre de signalements transmis au parquet par les autorités consulaires.

Cet argument est très discutable. J’ai pour ma part l’impression que la logique est inverse. Les étrangers subissent depuis plus de dix ans une législation sur le droit au séjour de plus en en plus ferme. Dans ce contexte qui leur est plutôt hostile, il me semble que la suspicion entretenue sur leurs unions avec des français entraîne une augmentation du nombre des signalements.

Une fois de plus, on ne peut établir de lien direct entre les signalements et le nombre effectivement constatés de mariages blancs. La preuve en est que le nombre de mariages effectivement annulés pour être de complaisance est très nettement inférieur au nombre de signalements.

Par ailleurs, l’union avec un Français est loin de constituer une garantie tant en ce qui concerne le droit au séjour que l’acquisition de la nationalité.

Contrairement à ce que voudrait faire croire le gouvernement, le statut de conjoint étranger n’est plus protégé ni protecteur depuis 2003. Cela fait d’ailleurs plus d’une dizaine d’années que ce statut n’offre plus d’automaticité en matière de titre de séjour ou d’acquisition de la nationalité française.

Avant 1993, un étranger qui se mariait avec un Français pouvait immédiatement obtenir une carte de séjour valables dix ans, sans condition de séjour régulier, et, six mois plus tard, la nationalité française par déclaration.

Depuis la loi du 24 août 1993 y compris, les différentes lois relatives à l’immigration, mis à part peut-être la loi Chevènement de 1998, ont toutes durci les conditions d’octroi des titres de séjour et de la nationalité pour les conjoints étrangers.

En ce qui concerne l’acquisition de la nationalité, la loi de 1998 prévoyait un délai d’un an à compter du mariage avant que le conjoint étranger puisse demander la nationalité. Ce délai est passé à 2 ans avec la loi du 26 novembre 2003, première loi Sarkozy sur l’immigration. Trois ans plus tard, avec la loi du 24 juillet 2006 et qui vient donc à peine d’être promulguée, ce délai est désormais de 4 ans.

Quant à la délivrance de la carte de résident, avant 2006, celle-ci était de plein droit pour le conjoint étranger marié depuis au moins deux ans avec un français, ce délai ayant été lui-même rallongé d’un an par la loi de 2003.

Depuis la loi du 24 juillet dernier, la délivrance de la carte de résident n’est plus de droit pour un conjoint étranger, elle est à la discrétion de l’autorité préfectorale, et après trois ans de mariage, ce délai ayant lui aussi été rallongé.

Rien ne permet de dire par conséquent que le fait de se marier avec un français facilite le séjour ou l’acquisition de la nationalité française. Le statut de conjoint de français n’ouvre pas un droit automatique à l’accès à un titre de séjour ou à la nationalité comme c’est si souvent répété dans les rangs de la majorité ou parmi les membres du gouvernement.

À moins de considérer bien sûr que les lois votées par ce gouvernement en matière d’immigration, et qui ont durci considérablement les conditions de séjour des étrangers, soient inefficaces ! Le projet de loi que nous examinons serait-il un aveu d’échec ?

Etait-il nécessaire de multiplier les obstacles a priori et a posteriori, comme le prévoit le projet de loi, pour les mariages à l’étranger, si ce n’est afin de dissuader purement et simplement deux personnes sincères mais qui n’ont pas la même nationalité de se marier ?

Il est donc permis d’affirmer que ce texte remet en cause le droit au mariage, pourtant reconnu par la Déclaration universelle des droits de l’homme et la Convention européenne des droits de l’homme. En effet, la liberté de se marier ne dépendra plus de la volonté de deux individus, mais sera subordonnée à l’avis et à la décision soit de l’officier d’état civil, soit du procureur de la République.

Non seulement ce texte porte atteinte au droit au mariage, mais également au principe de non-discrimination garanti par l’article 14 de la CEDH. Ce dernier interdit en effet toute restriction à l’exercice des droits protégés par la Convention en raison de considérations discriminatoires, notamment liées à l’origine nationale.

Non content de remettre en cause ces droits fondamentaux, ce projet de loi remet également en cause la liberté de se marier pour les étrangers en situation irrégulière, liberté pourtant reconnue par le Conseil constitutionnel dans sa décision de 1993, réaffirmée en 2003.et par un jugement rendu la semaine dernière déboutant un maire UMP qui refusait de célébrer un mariage dans sa commune

En effet, l’exigence d’une pièce d’identité, prévue par l’article 1er, sera le moyen détourné d’exiger de l’étranger qui se marie un titre de séjour, qui est une pièce délivrée par une autorité publique.

Un étranger en situation irrégulière sera, de fait, privé de son droit de se marier.

Et ne me rétorquez pas qu’il est inconcevable de ne pas pouvoir demander une pièce d’identité aux futurs époux : le contexte politique actuel et la philosophie de ce projet de loi étant de dénier les droits les plus fondamentaux des étrangers, permettez-moi d’être très sceptique quant à la finalité précise de l’exigence d’une pièce d’identité. Cette nouvelle condition se trouve être un moyen de contrôle qui tombe à point nommé pour vérifier l’existence d’un titre de séjour.

Lorsque le rapporteur à l’Assemblée nationale parle de « clairvoyance » dans le cas de mariages mixtes et de leur contrôle, je crois avoir toutes les raisons d’être craintive quant la subjectivité qui risque fort de régner dans les mairies.

Sur quels critères les officiers d’état civil vont-ils bien pouvoir se baser ? La nationalité ? La couleur de la peau ? Toutes ces craintes ne sont -hélas- pas sans fondement.

De manière générale, en décidant d’édicter des règles plus sévères dès lors qu’il s’agit d’un mariage mixte, ce sont les droits du conjoint de nationalité française auxquels vous portez atteinte. Dans tous les cas, les deux futurs conjoints sont lésés
Pourtant dans cet hémicycle, combien fut vantée l’institution du mariage mais vous le refuser aux homosexuels et aux étrangers ! Et à ces derniers vous leur refuser aussi le droit de vote en rétorquant : Qu’ils prennent la nationalité française !

Vos paradoxes sont sublimes mais la vérité est autre
Dans l’analyse des statistiques vous éviter magistralement de reconnaître que les mariages binationaux résultent du brassage des populations, de ce mouvement sans frontière, de rencontres, de connaissance ou de reconnaissance des autres cultures, ce besoin contemporain de pouvoir vivre ici ou ailleurs, avec un compagnon d’ici ou d’ailleurs
Ces mariages binationaux sont, et en particulier avec le Maghreb le fruit de notre histoire commune avec ces pays et les signes plutôt positifs d’une "mixité"réussie
Ce texte opère avec le même acharnement sur un sujet qui vous obsède : l’immigration nous le rejetons tout aussi fortement que les lois précédentes de 2003 et 2006

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