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Lois

Avant d’être débattu et voté en séance publique, chaque projet ou proposition de loi est examiné par l’une des sept commissions permanentes du Sénat : lois, finances, affaires économiques, affaires étrangères et Défense, affaires culturelles, affaires sociales, aménagement du territoire et du développement durable. Classées par commissions, retrouvez ici les interventions générales et les explications de vote des sénateurs CRC.

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Date d’expiration des pouvoirs de l’Assemblée nationale : nouvelle lecture

Par / 17 avril 2001

par Robert Bret

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je ne surprendrai personne en estimant d’entrée que beaucoup, sinon tout, a été dit sur le sujet. Une chose est certaine : nous connaissons parfaitement le point de vue de la majorité sénatoriale, qui s’est exprimée seule durant de longues semaines, examinant sous toutes les coutures le thème de l’inversion du calendrier électoral.

D’emblée, je tiens à réaffirmer l’opposition des sénateurs communistes à cette proposition de loi de circonstance au caractère politicien marqué. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du RPR et sur plusieurs travées des Républicains et Indépendants.) Mais cette opposition sans ambiguïté ne signifie pas approbation des contre-manoeuvres de la droite. (Sourires sur les mêmes travées.)

M. Jean-Patrick Courtois. Cela avait pourtant bien commencé !

M. Robert Bret. Nous avons regretté avec force non pas le droit normal d’intervention de tout parlementaire, mais le temps perdu au mois de janvier. En effet, il reste tant à faire pour améliorer les conditions de vie de nos concitoyens. (Eh oui ! sur plusieurs travées du RPR.)

Monsieur de Raincourt, n’aurait-il pas mieux valu, par exemple, prendre des mesures législatives pour empêcher les licenciements qui déferlent en ce moment ?

M. Serge Vinçon. Eh oui !

M. Robert Bret. N’aurait-il pas mieux valu débattre de la santé pour prendre en compte les justes revendications des sages-femmes et du personnel hospitalier ? (Bravo ! et applaudissements sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants.) N’aurait-il pas mieux valu que le Parlement national s’organise et prenne des décisions pour protéger et promouvoir le service public face à la déferlante libérale en Europe ?

M. Jean Delaneau. C’est le Gouvernement qui doit faire cela !

M. Robert Bret. N’aurait-il pas mieux valu, enfin, échanger sur les meilleurs moyens de répondre à la détresse d’un monde paysan frappé par des catastrophes successives ?

(Applaudissements sur les mêmes travées.)

Malheureusement, le Gouvernement et la majorité sénatoriale ont préféré croiser le fer durant plus d’un mois à l’Assemblée nationale, puis au Sénat, sur un sujet éloigné au plus haut point des préoccupations de nos concitoyens.

Comment s’étonner, ensuite, de l’abstention massive qui a marqué les derniers scrutins locaux, notamment dans des quartiers populaires ?

M. Jean Delaneau. Vous avez payé cher !

M. Robert Bret. Lors de mon intervention au cours de la première lecture, le
17 janvier dernier, le déphasage entre le citoyen et la politique constituait le leitmotiv de mon propos. Les résultats des 11 et 18 mars derniers ne font que conforter ma conviction et la conviction de mes amis.

Comment s’étonner de l’approfondissement de la crise de la politique, qui relève, selon moi, de la crise entre le représentant et le représenté, et qui relève d’un éloignement constant des centres de décision ? Bien entendu, la proposition de loi sur l’inversion du calendrier électoral n’est pas responsable de tous ces maux, mais elle est symptomatique d’une déconnexion entre les préoccupations d’une certaine élite politique et les préoccupations du peuple.

Plusieurs sénateurs du RPR. Très bien !

M. Jean Delaneau. Qu’avez-vous fait depuis quatre ans ?

M. Robert Bret. La droite sénatoriale a changé de tactique à l’occasion de cette nouvelle lecture. Renonçant à l’opération escargot, elle a opté pour l’urgence en déposant une motion tendant à opposer la question préalable, par l’intermédiaire de la commission des lois. Cette utilisation diamétralement opposée du règlement du Sénat...

M. Jean Delaneau. Comment ?

M. Robert Bret. ... marque bien l’aspect procédurier de la méthode.

M. Jean Delaneau. Ce n’est pas contraire au règlement !

M. Robert Bret. Les sénateurs communistes ne participeront pas au vote sur cette motion, car ils entendent renvoyer dos à dos les parties de cette joute parlementaire qui, finalement, n’aura intéressé que les participants. Le vrai débat sur les institutions est ailleurs, comme je vais à nouveau, mais plus brièvement que lors de la première lecture, m’attacher à le démontrer.

M. Hilaire Flandre. Cela commençait pourtant bien !

M. Robert Bret. Les réformes à objectif politicien que sont l’adoption du quinquennat et l’inversion du calendrier électoral ne répondent en rien aux exigences populaires. (Applaudissements sur plusieurs travées du RPR.) Bien au contraire, elles auront pour conséquence principale de rétrécir l’exercice du pouvoir, de l’éloigner. (Très bien ! sur les mêmes travées.)

Après ces quelques propos que, selon moi, l’actualité exigeait, je rappellerai les quelques traits essentiels de notre opposition à l’inversion du calendrier électoral et le sens qui devrait être celui d’une réforme institutionnelle à la hauteur des enjeux politiques, économiques et sociaux de l’heure.

A la suite de la réforme sur le quinquennat, la présente proposition de loi tend à accentuer gravement le caractère présidentialiste de la Constitution.

Les partisans de cette réforme entendent placer l’ensemble de la vie politique sous la coupe de l’élection présidentielle. Je ne partage pas le point de vue de M. Raymond Barre...

Plusieurs sénateurs du RPR. Nous non plus !

M. Robert Bret. ... qui évoque « un choix éclairé des Français » par l’élection présidentielle à l’occasion des élections législatives. Je ne partage pas non plus le point de vue du rapporteur de l’Assemblée nationale...

Plusieurs sénateurs du RPR. Nous non plus !

M. Robert Bret. ... selon lequel « ceux qui font mine de croire que l’élection présidentielle n’est pas ce grand
rendez-vous démocratique qui rythme notre vie politique depuis trente ans » se trompent. Je pourrais partager le constat de notre collègue, M. Bernard Roman, si ce dernier ne s’en prévalait pour accentuer la présidentialisation de nos institutions.

Pourquoi redouter un régime plus présidentiel, me rétorquera-t-on ? Mes amis et moi-même considérons que cette voie tourne le dos à la démocratisation de nos institutions. C’est bien la personnalisation à outrance des choix politiques qui peu à peu vide la démocratie de sa substance. Le système politique américain en est l’exemple frappant. L’éventuelle élection d’un candidat dépend de sa capacité à mobiliser les fonds pour financer son image, et, ensuite, à vendre celle-ci par le biais de shows médiatiques d’une pauvreté inquiétante sur le plan intellectuel.

Oui, le système présidentiel pousse à la bipolarisation de la vie politique, une bipolarisation qui réduit le débat politique à la portion congrue.

Mes chers collègues, quel triste avenir pour la démocratie que celui d’une alternance éternelle entre deux forces tournées vers la seule conquête du pouvoir ! Ce modèle, c’est le modèle de la désillusion et, à terme, du désintérêt de la plus grande masse à l’égard de la vie politique.

La Constitution de 1958 porte en son sein cette dérive présidentialiste. Elle offre la possibilité de l’affirmation du pouvoir personnel. C’est pourquoi nous l’avons contestée et nous la contestons toujours. Mais elle conserve également des caractéristiques parlementaristes héritées de la tradition constitutionnelle française qui se sont révélées durant les périodes de cohabitation, notamment.

C’est à cette dualité que certains veulent s’attaquer en ne préservant que les racines présidentialistes de la Ve République. Pourtant, ce système accentue sans nul doute la délégation de pouvoir. Il tend à limiter les possibilités d’intervention du peuple qui se trouve privé des niveaux intermédiaires de pouvoir auprès desquels intervenir.

La crise de la politique est réelle dans notre pays, mais cela ne signifie en rien une perte d’intérêt pour la chose publique. Bien au contraire, la multiplication des conflits sociaux, la montée du sentiment
anti-libéral montrent bien la volonté de notre peuple de participer aux décisions. C’est justement là que le bât blesse. Comment participer aux décisions ? Qui décide et où ?

La perte de confiance à l’égard des partis politiques, de leurs élus provient pour une bonne part de l’impuissance, parfois avouée - rappelons-nous les lendemains de l’affaire Michelin - de ceux-ci pour agir sur la réalité.

Comment les élus peuvent-ils convaincre de l’engagement politique lorsqu’ils se réfugient derrière la mondialisation ou l’indépendance de la Banque centrale européenne pour justifier leur absence de réponse forte à tel ou tel problème ?

Comme je l’ai rappelé le 17 janvier, la souveraineté est exercée par le peuple par l’intermédiaire de ses représentants. C’est le fondement même de l’idéal républicain. Mais que devient cet idéal lorsque la souveraineté du représentant est remise en cause ? L’exemple du débat budgétaire qui marque la toute-puissance des arbitrages bruxellois en référence constante aux critères incontournables de Maastricht nous le rappelle.

Que devient l’idéal républicain face à ces nouveaux dogmes qui n’ont qu’un but, affirmer que l’avenir de l’humanité se limite à cette seule logique financière, cette course au profit qui brise les femmes et les hommes ? L’actualité est édifiante sur ce point.

Comment convaincre les salariés de l’utilité du vote si les promesses en matière de contrôle des licenciements ne sont pas tenues par la gauche plurielle et quand nous assistons à un déplacement rapide du pouvoir politique vers le pouvoir économique ? L’intervention de plus en plus forte du baron Ernest-Antoine Seillière dans la vie politique en constitue un symptôme significatif !

C’est bien à ce niveau que se situe l’une des clefs de la réconciliation des Françaises et des Français avec la vie politique.

C’est la raison pour laquelle le renforcement du rôle du Parlement est une question centrale de la réforme institutionnelle si nécessaire à notre pays. Cette réforme doit intervenir dans deux directions, que je rappellerai brièvement : un pouvoir accru pour les représentants, sous le contrôle permanent des représentés.

Renforcer les pouvoirs du Parlement induit logiquement une réduction des prérogatives de l’exécutif. Cela nécessite également de donner des nouveaux droits au Parlement national dans le cadre du processus d’élaboration des normes européennes. Nous persistons à proposer la possibilité pour le Parlement national de conférer au ministre compétent un mandat impératif dans le cadre des négociations sur telle ou telle norme.

Renforcer le pouvoir du Parlement exige la révision de la procédure du contrôle de constitutionnalité. Il n’est pas possible de maintenir en l’état un Conseil constitutionnel dépourvu de légitimité démocratique, qui pourtant peut défaire ce que les représentants du peuple ont élaboré.

Enfin, pour renforcer les représentants du peuple, il faut que ces derniers le représentent réellement. La proportionnelle est une nécessité dans cette perspective. Nous regrettons le refus persistant du Gouvernement de mettre en oeuvre cette promesse électorale, facteur essentiel de vivification de la démocratie.

A ceux qui me rétorqueront : « Mais que faites-vous de l’efficacité, qui exige la constitution de majorités ? », je répondrai que la démocratie nécessite deux étapes : d’abord, les électeurs choisissent et, ensuite, les majorités se constituent. Nous ne pouvons maintenir une aberration qui a permis en 1995, rappelez-vous, la confiscation de 80 % des sièges de députés par une majorité ne recensant que 44 % des suffrages.

Il est malheureusement significatif que la priorité ait été donnée à la présidentialisation du régime, au détriment de sa démocratisation, dont la proportionnelle constitue une clef. Mais tout cela est logique car, si l’on veut présidentialiser, il ne faut surtout pas conforter le Parlement en le dotant d’un mode de scrutin qui le placerait en harmonie avec le peuple.

Lors de la première lecture, j’ai rappelé l’urgence pour le Sénat de se réformer en profondeur pour ne pas devenir un frein au développement de la démocratie. Les Français savent-ils qu’un sénateur élu en 2001 représentera en 2010 - oui, en 2010 ! - une France de 1975, une France vieille de trente-cinq ans, date de la dernière organisation de la répartition des sièges ?

Comment restaurer l’image du Parlement au vu de ces données ?

Renforcer les capacités d’intervention du représenté constitue le second axe de la véritable révolution qu’appellent nos institutions, comme je le développais le
17 janvier dernier.

La démocratie participative, dont il est souvent question ces temps-ci, ne doit surtout pas être conçue comme un gadget que l’on offre au peuple pendant que les choses importantes se décident ailleurs entre initiés. La démocratie participative ne mérite son appellation que s’il s’agit d’un moyen d’interaction permanent entre le
« bas » et le « haut » et entre le « haut » et le « bas ». Ce doit être le moyen d’un bouillonnement permanent d’idées, d’expériences qui influent véritablement sur les choix. Pour cela, il faut réfléchir à de nouveaux modes d’intervention, comme la proposition d’initiative populaire. La politique de décentralisation doit être approfondie dans cet esprit, afin de mieux répartir les acquis de la République et, surtout, de ne pas les affaiblir.

Enfin, et je tiens à conclure sur ce point comme lors de mon intervention en première lecture, il ne peut y avoir de renouveau démocratique sans l’émergence de droits nouveaux d’intervention dans les entreprises. Il ne serait pas concevable que, là où les citoyens passsent l’essentiel de leur vie, la démocratie ne vive pas.

Cette aspiration est forte et se renforce à la découverte de nouveaux coups bas contre ceux qui vivent du fruit de leur travail. Danone, Marks & Spencer, AOM, Air Littoral...

Plusieurs sénateurs du RPR. Et l’Humanité !

M. Robert Bret... sont des noms qui donnent à réfléchir sur le sens de l’action politique aujourd’hui. Ils rendent bien dérisoire un projet de loi comme celui dont nous discutons aujourd’hui et ils renvoient bon nombre d’hommes et de femmes politiques à un questionnement sur le sens de leur action politique.

Je confirme donc l’opposition sans ambiguïté des sénateurs communistes à cette proposition de loi, qui confond transformation politique et manoeuvre politicienne.

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