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Lois

Avant d’être débattu et voté en séance publique, chaque projet ou proposition de loi est examiné par l’une des sept commissions permanentes du Sénat : lois, finances, affaires économiques, affaires étrangères et Défense, affaires culturelles, affaires sociales, aménagement du territoire et du développement durable. Classées par commissions, retrouvez ici les interventions générales et les explications de vote des sénateurs CRC.

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Débat sur le référendum relatif à la constitution européenne

Par / 6 avril 2005

par Nicole Borvo Cohen-Seat

Oui, c’est le peuple qui se prononcera le 29 mai. Cette consultation populaire, nous l’avons voulue, parce que ce traité engage la France pour longtemps, sur un véritable choix de société. Voulons-nous continuer l’Europe telle qu’elle s’est construite jusqu’ici, en pérennisant les dogmes libéraux, ou, au contraire, voulons-nous changer de cap ? Le choix est d’importance. Nos concitoyens ont droit à un débat serein, démocratique. Nous déplorons que le matériel officiel soit un véritable outil de propagande pour le oui, que le ministre de l’Éducation nationale censure un document destiné aux enseignants, que les fonctionnaires soient sommés de ne pas participer à des manifestations publiques entre le 16 et le 29 mai.

Le débat démocratique mérite mieux que l’invective de ministres de la République qui traitent de « mensonge » ou de « hooliganisme verbal » les propos des partisans du non. Nos concitoyens doivent pouvoir se faire une opinion, lire le traité, juger par eux-mêmes à partir de leur propre expérience. La démocratie, c’est pouvoir dire non !

Croyez-vous que les Français n’aient pas la finesse de faire le lien entre la dégradation de leur situation et l’enthousiasme de M. Seillière, du Président de la République et du gouvernement pour le traité constitutionnel ? Les mobilisations populaires des salariés du privé et du public, des chercheurs, des lycéens, ou des urgentistes, portent une aspiration à sortir du carcan libéral. Le traité veut les y enfermer encore davantage.

Si les premiers articles annoncent des valeurs d’égalité, de démocratie, de liberté, seul l’objectif de l’article 1-3, qui prône que « l’Union offre à ses citoyens un marché intérieur où la concurrence est libre et non faussée », sera développé et assorti d’obligations largement détaillées dans les 321 articles de la partie III, dont vous ne parlez guère ! Ce titre III affirme que la politique économique est conduite conformément « au respect du principe d’une économie de marché ouverte où la concurrence est libre ». L’article III-156 interdit toute restriction aux mouvements de capitaux et la règle de l’unanimité s’applique, comme pour les mesures d’harmonisation de la fiscalité, de transparence, de taxation des mouvements des capitaux et de lutte contre l’évasion fiscale, tout comme pour les mesures sociales. Toute évolution dans ces domaines et toute politique alternative sont ainsi interdites. Par ailleurs, le traité ne connaît ni les « services publics », ni les « services d’intérêt général ». Il ne parle que des « services d’intérêt économique général (S.I.E.G.) ». Ce n’est pas qu’une question de vocabulaire : ces services seront concurrentiels.

Une constitution n’empêcherait pas de mener une politique économique et sociale de son choix ? Celle-ci, unique en son genre, fixe dans le détail une politique ultralibérale pour tous. Comment mener des politiques contre le chômage, pour l’investissement, le soutien au pouvoir d’achat, la santé publique, l’éducation ? Elles se heurteraient au traité constitutionnel. Le budget européen doit être strictement équilibré, ce qui complète l’interdiction faite à la Banque centrale européenne (B.C.E.) de faire crédit aux institutions européennes. L’indépendance de la B.C.E. interdit aux instances politiques de demander un assouplissement de sa politique monétaire. Mettre fin au dumping social se heurte à l’unanimité en matière fiscale.

C’est cette expérience que l’agenda de Lisbonne prévoit de poursuivre. Le traité ne sera d’aucune gêne pour les projets de libéralisation en cours.

Comment croire que la directive Bolkestein n’a rien à voir avec le traité ? L’article III-144 inclus dans la sous-section 3 - liberté des prestations de services - est éclairant : « dans le cadre de la présente sous-section, les restrictions à la libre prestation des services à l’intérieur de l’Union sont interdites à l’égard des ressortissants des États membres établis dans un État membre autre que celui du destinataire de la prestation ». Les articles 145, 147 et 148 précisent la libéralisation de la prestation de service, sans aucune garantie en matière de salaires ou de conditions de travail. Et le projet de directive sur l’aménagement du temps de travail est encore à venir : la durée du travail ne doit pas excéder 48 heures en Europe et peut être calculée sur sept jours ou sur quatre mois. C’est ce que l’on appelle pudiquement l’annualisation, c’est-à-dire la flexibilité. La directive propose de porter la période de calcul à douze mois pour amadouer les dirigeants anglais qui ne respectent même pas les 48 heures ! Le rapporteur du texte au Sénat rappelle que la Commission a fixé la durée maximale de travail à 65 heures hebdomadaires. C’est un garde-fou souple. Même si cette disposition repose sur le volontariat, le rapporteur souligne qu’il s’agit « d’une régression sociale dommageable », précisant que « l’Europe semble donc apparaître comme impuissante à améliorer la protection des salariés ». Dois- je lui rappeler que rien, dans le traité n’empêchera l’application de cette directive.

M. Jacques BLANC. - Elle n’a pas été prise !

Mme BORVO COHEN-SEAT. - Au contraire, la référence constante à la libre concurrence justifie cette politique d’abandon social aux règles drastiques du marché. Et je ne parle pas de la libéralisation des activités portuaires ou de privatisation larvée du rail avec libéralisation des transports régionaux par la mise en concurrence des T.E.R. L’éclatement de La Poste, la privatisation d’E.D.F.-G.D.F., reportée au lendemain du référendum, les retraites, l’assurance maladie et même l’éducation sont entraînées dans ce vaste mouvement de marchandisation. La Commission tient « au chaud » un règlement destiné à accélérer la libéralisation de La Poste.

Les partisans du oui soutiennent que « c’est la première fois que l’on parle de social dans un traité européen », comme l’a dit M. Sarkozy lors de sa 300e minute pour convaincre, lui dont le credo politique est suppression des charges sociales, généralisation des C.D.D., financement privé des universités ! Mais le terme « social » existe depuis belle lurette dans les textes européens ! Il y a la charte sociale européenne, promulguée en 1961 et révisée en 1966, la charte des droits sociaux fondamentaux, signée en 1989 et le protocole au traité de Maastricht, le libre blanc pour la croissance, la compétitivité et l’emploi, publié en 1994, la promulgation par la conférence intergouvernementale de Nice de la charte des droits fondamentaux de l’Union en décembre 2000. Or les Français ne sont pas satisfaits, et ils le disent ! Les partisans du oui nous disent que la charte des droits fondamentaux est désormais dans la constitution. Oui, mais elle n’est pas contraignante. La délégation européenne du Sénat commente l’article III-112 en indiquant que « la reconnaissance de certains droits par la charte ne les érige pas pour autant en droits justiciables, voire en droits imposant une obligation de faire aux institutions européennes. Ces droits (par exemple le droit d’accès aux prestations de la sécurité sociale, le choix de travailler et non pas au travail, ou le droit à la protection à la santé) correspondent à des objectifs, à des « principes » qu’il convient évidemment de respecter et même de promouvoir, sans imposer pour autant une obligation de résultat ».

Nous sommes bien loin en effet de l’obligation de rentrer dans le carcan financier de Maastricht, sous peine d’astreinte financière !

Commentant l’article III-111, la délégation précise que la charte s’impose aux États membres « mais uniquement lorsqu’ils mettent en œuvre le droit de l’Union ». Par rapport à l’actuel article 51 de la charte, cet article de la constitution n’apporte pas de modification substantielle.

Alors, comment ne pas souscrire aux inquiétudes des féministes qui constatent l’absence d’avancées ? « L’égalité des femmes et des hommes en ce qui concerne leurs chances sur le marché du travail » est énoncée, mais l’article ne s’applique pas aux rémunérations. Le droit à disposer de son corps - donc contraception et avortement - est absent, tout comme le droit au divorce ! Esclavage et travail forcé sont interdits, mais la prostitution n’est pas citée. C’est un comble : cette charte est au- dessus de la Déclaration universelle des droits de l’homme de 1948 ! La peine de mort reste possible en cas de guerre !

La méthode Coué, le rouleau compresseur de la propagande ont toujours leurs limites. Les partisans du oui tentent de faire croire que si l’on ne vote pas oui, on est antieuropéen. Nos concitoyens aspirent à une Europe sociale, démocratique, une Europe de paix, qui joue un rôle positif dans le monde. C’est ce que la France a porté en s’opposant à l’intervention militaire en Irak ! Quel souffle avons-nous donné à tous les pacifistes !

Dire non à ce traité, c’est dire non à la politique libérale du gouvernement et de Bruxelles actuelle et à venir. La voix de la France sera entendue ! Le journal L’Humanité - qui a publié le traité dans son intégralité dès octobre - met en exergue aujourd’hui une citation de Victor Hugo : « l’Europe ne peut être tranquille tant que la France n’est pas contente ».

Dire que l’Europe va s’arrêter si le non l’emporte en France est une absurdité. L’aspiration à l’Europe est forte, durable. Elle n’est pas subordonnée à un traité.

Sur le plan institutionnel, les choses sont claires. En cas de non ratification, le traité de Nice continue de s’appliquer, « le Conseil se saisit de la question ». En un mot, on renégocie.

Et sur le sens, les choses seront claires aussi. Le non en France, pays fondateur de l’Europe, sera un non aux politiques libérales. Un non au dumping social, non à l’harmonisation par le bas, non à la casse des services publics, non à la baisse des dépenses d’armement, non à la mise de l’Europe sous tutelle de l’O.T.A.N.

Nous sommes des politiques. Alors, comment dire que rien d’autre n’est possible ? Quel pessimisme et quel mépris des peuples !

Le refus du traité par la France modifiera le paysage politique. Non ! La France ne sera pas isolée ! Le non de la France ouvrira de nouvelles perspectives pour tous ceux qui veulent une Europe de progrès social, une Europe de l’égalité, de la solidarité, des services publics, de la coopération. Ce non à l’Europe libérale rassemble ! Il est porteur d’espoir.

Les sénateurs du groupe C.R.C. feront tout pour que notre peuple s’exprime le 29 mai. Toutes les voix sont égales ; celle du salarié dont l’entreprise est délocalisée pèsera du même poids que celle de M. Seillière.

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