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Lois

Avant d’être débattu et voté en séance publique, chaque projet ou proposition de loi est examiné par l’une des sept commissions permanentes du Sénat : lois, finances, affaires économiques, affaires étrangères et Défense, affaires culturelles, affaires sociales, aménagement du territoire et du développement durable. Classées par commissions, retrouvez ici les interventions générales et les explications de vote des sénateurs CRC.

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Décentralisation de la République : intervention devant le Congrès

Par / 17 mars 2003

par Nicole Borvo

Messieurs les Présidents,
Monsieur le Premier Ministre,
Messieurs les Ministres,
Mes chers collègues,

Comme les orateurs précédents, je veux, avant toute chose, adresser un appel solennel pour que tout soit fait jusqu’à la dernière minute pour sauver la paix.
Nos pensées vont au peuple irakien qui, après tant d’années de souffrances, va subir le désastre de la guerre. Nos pensées vont aux peuples du monde qui refusent cette guerre et au peuple américain qui, majoritairement, s’oppose à la folie guerrière de ses dirigeants.

Le grand débat public sur la décentralisation, auquel il était permis de croire, puisque le Président de la République, en campagne électorale, avait promis l’organisation d’un référendum sur une nouvelle étape de la décentralisation, n’aura pas lieu.
Monsieur le Premier Ministre, cette réforme, dont vous avez souvent répété qu’elle était destinée à rapprocher les citoyens des décisions, sera finalement probablement ratifiée à Versailles, en catimini.
Quel mépris de notre peuple !

S’il en est ainsi, c’est que votre réforme constitutionnelle est lourde de conséquences et que, depuis ce 29 octobre où elle a été présentée, les voix ne cessent de s’élever, y compris dans les rangs de la majorité, pour s’inquiéter de ce remodelage à marche forcée de nos institutions. C’est le cas des élus, des maires, des acteurs des services publics.

Leurs craintes, sont, ô combien, légitimes !
Cette réforme met profondément en question nos institutions et nos services publics.
L’article 1er, qui a tant fait débat, annonce « la République en morceaux », selon les propos du Président de l’Assemblée nationale.

Alors que la Constitution proclame, dans son article 1er, que « la France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale », la première mesure du projet est d’ajouter : « son organisation est décentralisée ».
La République, telle qu’elle s’est forgée dans une longue histoire, est un projet commun, solidaire, un contrat entre les citoyens, fondé sur l’égalité et la solidarité. Vous la ravalez au rang de principe d’organisation territoriale.
Si vous remettez en cause ces valeurs de la République, c’est pour asseoir votre projet d’une société ultralibérale, un projet destructeur pour les solidarités sociales et territoriales.

L’Etat renvoie aux collectivités territoriales -sans les moyens adéquats- la réponse à des besoins fondamentaux comme l’éducation, la santé, l’économie, l’environnement, le logement ou la lutte contre les exclusions… Monsieur le Premier Ministre, vous venez de confirmer ces transferts de compétences.
Ainsi l’Etat se décharge de ses responsabilités premières : l’égalité des citoyens et la cohésion sociale ; il crée les conditions d’un éclatement de la République, d’un retour des féodalités.

Monsieur Devedjian a eu l’occasion, dans la presse, de donner le mode d’emploi de la réforme : « Si les citoyens ne sont pas contents, ils manifesteront devant la mairie, pas devant la préfecture », et « si une collectivité veut augmenter la dépense, libre à elle d’augmenter l’impôt et d’expliquer pourquoi à ses administrés ». Libre à elle également - là c’est moi qui le dis - de supprimer des services utiles aux habitants ou de les privatiser pour le plus grand profit des groupes privés. Or, on sait que la soumission du service public aux règles du marché met en péril la cohésion territoriale.

Cette remise en cause du rôle de l’Etat est conforme à une construction européenne ultralibérale et fédérale. Car, dans cette optique, partout où elle s’oppose aux forces du marché, il s’agit de défaire la capacité d’intervention de la puissance publique, de même que les fondements solidaires de la société, les garanties collectives que sont la sécurité sociale, les retraites par répartition, la primauté de la loi sur le contrat… C’est ce qu’a entrepris le gouvernement.
Des transferts annoncés, il est notable que le gouvernement, tout engagé à réduire les dépenses publiques et les impôts pour les plus aisés, transfère les dépenses de solidarité nationale vers les collectivités locales et les citoyens eux-mêmes.

Il vous faut donc passer votre projet en force.
Les assemblées territoriales élues n’ont pas été consultées. Les critiques du Conseil d’Etat, les inquiétudes des élus locaux ou des agents publics ont été balayées. Les Assises n’ont été qu’un « simulacre de concertation » sur un projet bouclé d’avance.
Cette absence de démocratie a caractérisé tout autant la réforme des modes de scrutins.

Monsieur Perben a eu l’occasion d’exprimer dans la presse le lien étroit entre celle-ci et la réforme constitutionnelle. Je le cite : « celle-ci créant les conditions politiques d’une vraie décentralisation ».
Il est de fait qu’il y a une grande cohérence entre les deux réformes, celle des modes de scrutins étant destinée à asseoir durablement votre pouvoir dans les régions.
Je tiens à souligner la duplicité du gouvernement qui, au nom de la démocratie, instaure la bipolarisation de la vie politique qui tuera le pluralisme et exclura toujours plus de Français de la citoyenneté. Vous avez refusé le débat public sur la décentralisation, comme vous avez imposé au parlement cette réforme des modes de scrutin rejetée par tous les partis politiques, à l’exception de la seule UMP. L’attitude du gouvernement n’a qu’un nom : le coup de force.

Monsieur le Premier Ministre, vous évoquez souvent les grandes inégalités entre les régions, oubliant d’ailleurs qu’il s’agit surtout d’inégalités sociales. Il est à craindre que, dans une logique de marché et donc de concurrence, ces inégalités régionales se creuseront. Les régions les plus riches polariseront encore plus l’essentiel de la croissance économique et démographique. Et alors qu’aujourd’hui, dans le cadre national, les régions participent, de fait, à une certaine redistribution limitant ces inégalités, cette solidarité disparaîtra.
Les risques sont d’autant plus grands que notre pays vit l’une des plus graves crises sociales des quinze dernières années.

Daewoo, Metaleurop, Air Lib, Giat, EADS, Canal +… : les plans sociaux se succèdent, la croissance s’effondre. Privatisations, dérégulations sapent les fondements de la République. L’exclusion d’une part croissante de la population met en cause l’égalité des citoyens.
Votre réponse ? Monsieur le Premier Ministre, est de supprimer des emplois publics. C’est particulièrement choquant quand, dans le même temps, les entreprises et institutions financières sont exonérées de toute responsabilité en matière de solidarité nationale, de développement des territoires et de l’emploi.
Des dizaines de milliers d’emplois publics sont menacés. Les transferts de compétences vont ainsi contribuer à restructurer l’emploi public, à précariser les recrutements, les statuts, le champ des missions, participant ainsi au remodelage libéral de la société française.

Monsieur DELEVOYE tente de convaincre les 150 000 fonctionnaires qu’il veut transférer qu’ils n’ont rien à perdre. C’est manifestement un exercice difficile.
Monsieur Ferry a fait l’éloge, devant les organisations syndicales, des transferts et des expérimentations concernant les 110 000 personnels ATOSS. Résultat : celles-ci refusent pour l’instant de poursuivre la discussion, tout comme les personnels de l’éducation qui manifesteront demain.

Les personnels de l’équipement, quant à eux, feront grève début avril, s’ils ne sont pas entendus. De récentes catastrophes ont mis leur dévouement et leur efficacité en évidence. Que se passera-t-il quand ils ne pourront plus assurer la cohérence des interventions ?
Les agents publics ne sont pas opposés par principe à la décentralisation, si elle permet une réelle amélioration du service public et de rapprocher le pouvoir de décision des citoyens.

Mais ils refusent, avec leurs organisations, d’être mis devant le fait accompli et de devoir discuter des modalités de transfert alors qu’aucune réflexion n’a été engagée au préalable sur l’évolution de leurs missions et de celles de l’Etat. Ils craignent, à juste titre, pour l’avenir du service public lui-même. Il est urgent de les entendre, d’entendre les fédérations de fonctionnaires réunies à nouveau aujourd’hui.
Monsieur le Premier Ministre, d’aucuns ont tenté d’opposer les décentralisateurs, dont vous seriez, et les centralisateurs que seraient tous ceux qui s’opposent à votre projet.

En réalité, il y a deux conceptions fondamentalement différentes, l’une d’essence libérale et fédérale, l’autre solidaire et citoyenne.

Nous sommes, pour notre part, convaincus qu’il y a place pour une vrai projet politique de décentralisation, dans le cadre d’une cohésion sociale et territoriale renforcée, permettant de réduire les inégalités. Il suppose l’essor de la démocratie participative et de la citoyenneté, l’essor des coopérations et des mutualisations entre les territoires et tous les acteurs du développement, à l’opposé de la concurrence. C’est un autre choix de société.

Monsieur le Premier Ministre, les élu-e-s de mon groupe refusent toute remise en cause du projet républicain, solidaire, fruit de longues décennies de luttes démocratiques et sociales.
C’est pourquoi ils voteront résolument contre ce projet de loi.

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