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Lois

Avant d’être débattu et voté en séance publique, chaque projet ou proposition de loi est examiné par l’une des sept commissions permanentes du Sénat : lois, finances, affaires économiques, affaires étrangères et Défense, affaires culturelles, affaires sociales, aménagement du territoire et du développement durable. Classées par commissions, retrouvez ici les interventions générales et les explications de vote des sénateurs CRC.

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Déroulement de l’audience d’homologation de la comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité

Par / 22 juin 2005

Déroulement de l’audience d’homologation de la comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité

Monsieur le Président,
Monsieur le Ministre,
Mes chers collègues,

La loi du 9 mars 2004 a instauré la nouvelle procédure de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité afin d’éviter de recourir à la procédure de jugement de droit commun. L’objectif du gouvernement était d’alléger les audiences correctionnelles, des audiences qui, il est vrai, sont engorgées. Mais le gouvernement a fait le choix d’une procédure très particulière et inadaptée à notre procédure pénale. L’ancien Garde des Sceaux, Dominique Perben, l’avouait lui-même : il avait souhaité s’inspirer de la procédure anglo-saxonne du « plaider-coupable ».

Ainsi, à partir du moment où le prévenu reconnaît les faits, la procédure est considérablement accélérée, puisque c’est le procureur qui propose une peine au prévenu qui, un fois homologuée par le président du tribunal ou le juge délégué par lui, est exécutoire comme un jugement.

Dénoncée dès le départ par les magistrats et les avocats, ainsi que par nous-mêmes lors de l’examen du projet de loi, elle n’en a pas moins été adoptée. Pourtant, elle a fait l’objet de sérieux revers.

En effet, la procédure issue du texte adopté par le Parlement prévoyait à l’origine que l’homologation aurait lieu en chambre du conseil.

Cette disposition a été censurée par le Conseil Constitutionnel, dans sa décision du 2 mars 2004. Il a considéré que « le caractère non public de l’audience au cours de laquelle le président du tribunal de grande instance se prononce sur la décision du parquet, même lorsqu’aucune circonstance particulière ne nécessite le huis clos, méconnaît les exigences constitutionnelles », instituées par les articles combinées 6, 8, 9 et 16 de la Déclaration de 1789, et selon lesquelles « le jugement d’une affaire pénale pouvant conduire à une privation de liberté doit [...] faire l’objet d’une audience publique ».

L’application du « plaider-coupable » connaissait donc des débuts difficiles, et il a fallu adapter cette procédure suite à la censure du Conseil constitutionnel.

Mais ne fallait-il pas déjà considérer que la présence du procureur était obligatoire du seul fait que l’audience publique d’homologation s’apparente aux autres audiences publiques correctionnelles ?

En effet, le Conseil constitutionnel a émis une réserve dans sa décision. Il a admis la conformité à la Constitution de la nouvelle procédure sous réserve que le président du tribunal de grande instance ne procède à l’homologation de la proposition du parquet acceptée par l’intéressé, qu’après avoir vérifié la qualification juridique des faits et s’être interrogé sur la justification de la peine au regard des circonstances de l’infraction et de la personnalité de son auteur.

Ces deux conditions pourraient-elles être remplies si le président du tribunal de grande instance ne pouvait interroger le parquet sur des éléments nécessaires à son appréciation des faits ? Le président ou le juge délégué doit pouvoir obtenir du prévenu mais aussi du parquet toutes les explications lui permettant de mesurer la pertinence des observations qu’il formule ou des irrégularités qu’il relève.

Pourtant, Dominique Perben diffuse, le 2 septembre 2004, une première circulaire d’application de la comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité, sans rendre obligatoire la présence du parquet lors de l’audience d’homologation.

La censure du Conseil constitutionnel n’est pas le seul revers que la comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité allait connaître. C’est ensuite la Cour de Cassation, saisie pour avis par le tribunal de grande instance de Nanterre sur la présence obligatoire ou facultative du procureur à l’audience publique, qui s’est prononcée sur cette question, question qui est à l’origine de la proposition de loi examinée aujourd’hui.

La réponse de la Cour de Cassation est claire. Dans son avis du 18 avril 2005, et s’appuyant sur l’article 32 du code de procédure pénale, elle considère que, « lorsqu’il saisit le président du tribunal de grande instance ou le juge délégué par lui d’une requête en homologation de la ou des peines qu’il a proposées dans le cadre de la procédure de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité, le procureur de la République est, conformément aux termes de l’article 32 du Code de procédure pénale, tenu d’assister aux débats de cette audience de jugement, la décision devant être prononcée en sa présence ».

C’est ici que nous pouvons constater l’obstination du précédent Garde des Sceaux qui décide de passer outre l’avis de la Cour de cassation, pourtant la mieux à même, puisqu’elle est composée de professionnels du droit, de juger de cette réforme.

Dès le 19 avril 2005, le lendemain de l’avis rendu par la Cour de cassation, Dominique Perben envoie une deuxième circulaire précisant que, malgré l’avis négatif de la Cour de cassation, les parquets devaient continuer d’appliquer la loi selon l’interprétation de la Chancellerie.

Le Conseil d’Etat a donc été saisi afin d’ordonner la suspension de l’application de ces deux circulaires du 2 septembre 2004 et du 19 avril 2005.
Dans ses deux ordonnances, rendues le 11 mai 2005, le Conseil d’Etat a ordonné la suspension d’urgence de ces deux circulaires, au motif qu’elles méconnaissaient la portée réelle de l’article 32 du code de procédure pénale, qui prévoit que le ministère public assiste aux débats des juridictions de jugement et que toutes les décisions sont prononcées en sa présence.

Et nous voici donc en train d’examiner une proposition de loi déposée à la séance le 12 mai 2005, autrement dit le lendemain des ordonnances du Conseil d’état, et qui vise tout simplement à passer outre les décisions des juridictions suprêmes que sont la Cour de cassation et le Conseil d’état. Comment ne pas imaginer que cette proposition de loi est directement commandée par la Chancellerie ? Le Garde des Sceaux n’arrive pas à faire appliquer sa loi, alors qu’elle est manifestement entachée d’irrégularité, peu lui importe, un parlementaire pourra bien se charger de cette tâche.

Ce qui est étonnant c’est que la proposition de loi soit signée par notre collègue Béteille, alors qu’il préside une mission d’information sur les procédures accélérées de jugement en matière pénale, mission d’information qui n’a toujours pas rendu ses conclusions. Il me semble pourtant que la comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité entre dans le champ des procédures accélérées de jugement ? Nous aurions donc au moins pu attendre que la mission d’information mette fin à la confusion dans laquelle nous nous trouvons.

Je rappellerai simplement que ce sont les droits fondamentaux des justiciables qui sont ici en jeu, et notamment ceux qui depuis neuf mois maintenant, ont été jugés avec cette procédure. Il est difficilement admissible que des personnes aient été condamnées à des peines d’emprisonnement dans le cadre d’une procédure qui comporte des irrégularités.

Le problème avec cette procédure, c’est que les droits des justiciables sont altérés dès le départ. En effet, si le prévenu avoue avoir commis un délit, le procureur dispose d’un formidable moyen de pression sur celui-ci. Le procureur donnera le choix au prévenu -mais un choix vicié !- entre l’application de la procédure de « plaider-coupable », avec une peine d’emprisonnement moindre ou l’application de la procédure de droit commun, avec une peine d’emprisonnement beaucoup lourde à la clé.
Il est évident que le prévenu ne prendra pas le risque d’encourir une peine de prison plus lourde. Il est incroyable de considérer le jugement correctionnel, avec toutes les garanties qu’il comporte, comme un risque. Et c’est à ce retournement de situation que nous aboutissons avec l’introduction dans notre procédure pénale de la comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité.

Bien que vous reniiez ce terme, nous pouvons à juste titre parler de négociation entre le procureur et le prévenu. Si l’on cumule cette négociation au fait que vous souhaitiez à tout prix rendre facultative la présence du procureur lors de l’audience d’homologation, nous avons la désagréable impression de nous retrouver face à une procédure à caractère civil ou commercial, ce qui est gênant lorsque que sont des peines privatives de liberté.

Le procureur, dans une audience pénale, n’a pas uniquement pour rôle de requérir une peine contre un accusé. Il représente les intérêts de la société et, à ce titre, il doit prendre la responsabilité de la sanction requise par l’Etat. La question ne se pose donc pas en terme de doublon d’une audience correctionnelle classique, comme le sous-entend monsieur le rapporteur dans son rapport. Même si la procédure de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité une procédure simplifiée, elle doit respecter les principes fondamentaux du droit pénal.

Enfin, l’argument du gouvernement selon lequel la présence du procureur ne serait pas obligatoire étant donné que l’article 495-9 du code de procédure pénale ne l’indique pas expressément ne tient pas.

En effet, le code de procédure pénale ne précise pas, pour chaque procédure, que la présence du procureur est obligatoire lors de l’audience de jugement. L’article 32 du code de procédure pénale a une portée générale.

Cet article dispose de façon très claire que le procureur « est représenté auprès de chaque juridiction répressive. Il assiste aux débats des juridictions de jugement ; toutes les décisions sont prononcées en sa présence. Il assure l’exécution des décisions de justice.

La Cour de cassation a retenu le caractère de principe général de cet article, s’imposant à toutes les juridictions répressives. Ainsi l’a-t-elle interprété dans son avis du 18 avril 2005, puisqu’elle considère que, conformément aux termes de l’article 32, le procureur est tenu d’assister aux débats de l’audience d’homologation.

En effet, cette audience, qui fait intervenir pour la première fois dans la procédure du « plaider-coupable » un juge du siège, doit être assimilée à une audience répressive et donc respecter l’article 32 du code de procédure pénale.

En conclusion, il est donc dangereux pour l’équilibre de notre justice pénale que le gouvernement ne tienne pas compte des positions des trois juridictions suprêmes, qui ont eu l’occasion, depuis plus d’un an maintenant, de condamner la procédure de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité. Encore une fois, le gouvernement tente de passer en force, ici au travers d’une proposition de loi, malgré les avis négatifs de professionnels avertis.

Nous avions déjà dénoncé les dangers de cette procédure lors de l’examen de la loi adaptant la justice aux évolutions de la criminalité. Les décisions des juridictions suprêmes nous ont confortés dans notre position. Nous réclamons toujours l’abrogation du « plaider-coupable », ce qui a fait l’objet d’une proposition de loi déposée par notre groupe.

Au vu de tous ces éléments, nous nous opposerons fermement à cette proposition de loi, tant en raison de la méthode employée par le gouvernement que sur le fond du texte.

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