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Lois

Avant d’être débattu et voté en séance publique, chaque projet ou proposition de loi est examiné par l’une des sept commissions permanentes du Sénat : lois, finances, affaires économiques, affaires étrangères et Défense, affaires culturelles, affaires sociales, aménagement du territoire et du développement durable. Classées par commissions, retrouvez ici les interventions générales et les explications de vote des sénateurs CRC.

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« Des communes fortes et vivantes », mais bientôt disparues !

Amélioration du régime de la commune nouvelle -

Par / 15 décembre 2014

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, nous examinons ce matin la proposition de loi relative à l’amélioration du régime de la commune nouvelle, pour des communes fortes et vivantes, et, pourrait-on ajouter, bientôt disparues.

Pour commencer, et quitte à remettre en cause la belle unanimité qui règne aujourd’hui dans cet hémicycle, je tiens à rappeler que le consensus n’existe pas. En effet, nous refusons pour notre part de nous inscrire dans ce climat visant à faire de ce débat éminemment politique une simple question de bon sens.

Le texte dont nous discutons aujourd’hui, et qui résulte de deux propositions de loi présentées parallèlement par MM. Pélissard et Le Roux à l’Assemblée nationale, s’inscrit dans la continuité directe de réformes dont l’échec n’est plus à démontrer et visant à faire accepter la disparition des communes.

M. Philippe Bas, président de la commission des lois. Mais non !

M. Jean-Pierre Bosino. En 1971, la loi Marcellin avait permis la fusion de communes et créé le statut de « commune associée ». Mais, au cours des décennies suivantes, le nombre de communes a diminué de 5 % seulement.

Pis encore, les quelques communes qui avaient été fusionnées au cours de la période 1971-1972 continuent aujourd’hui de se « défusionner ». Preuve, s’il en est, du succès de cette loi !

En 2010, avec la réforme territoriale voulue par Nicolas Sarkozy, cette logique de fusion est approfondie, par le biais de la proposition d’un nouveau régime se voulant plus simple, plus souple et plus incitatif.

Quatre ans plus tard, treize communes nouvelles ont vu le jour, soit un regroupement de trente-cinq communes au total. Là encore, l’échec est patent.

Or que nous propose-t-on aujourd’hui à travers cette proposition de loi ? Rien de plus que de « remettre le couvert », si vous me permettez cette expression.

L’objectif affiché est de rendre plus attractives, mais surtout plus incitatives ces fusions dont personne ne semble vouloir, en mettant en place un certain nombre de mécanismes qui, pour reprendre les mots de Mme la rapporteur à l’Assemblée nationale, visent à lever « certains obstacles institutionnels, financiers, voire psychologiques, qui expliquent les hésitations des élus locaux et des populations. »

Au sein de l’Association des maires de France, j’ai entendu – et ce n’est pas M. Baroin qui pourra me contredire – des maires protester contre cet acharnement à vouloir faire disparaître les communes.

Mme Jacqueline Gourault. Il ne s’agit pas de cela !

M. Jean-Pierre Bosino. Mais le présent texte ne se fonde pas uniquement sur la volonté d’améliorer le régime de 2010 ; il se place dans le cadre d’une analyse de la situation et des enjeux contemporains, sur lesquels je souhaiterais revenir.

Parmi ces enjeux, le premier est la baisse des dotations financières qui mine l’investissement local et détruit les services publics, lesquels restent pourtant – tout le monde le dit – les derniers remparts face aux conséquences économiques et sociales de la crise systémique que nous vivons.

Cette diminution, nous le savons, n’est pas ponctuelle, puisqu’elle s’inscrit dans le cadre du projet de programmation des finances publiques pour les années 2014 à 2019, qui prévoit une réduction de 27 % des dotations aux collectivités locales.

Le deuxième enjeu pour nos communes est, nous dit-on, la perte de la vitalité démocratique, qui se traduit par des difficultés lors des élections municipales à trouver des candidats, mais surtout – et ceux qui n’étaient pas favorables à la parité insistent sur ce point – des candidates.

Enfin, l’élargissement des périmètres intercommunaux prévu dans le projet de loi NOTRe va contraindre à des adaptations structurelles importantes.

Ces difficultés sont réelles et représentent des dangers majeurs pour nos territoires et nos populations.

Ces faits, nous ne les remettons pas en cause. En revanche, ce que nous contestons, ce sont les solutions proposées. Comment imaginer que la réponse aux problèmes que rencontrent nos communes puisse être la suppression de ces mêmes communes ?

Et ce débat n’est pas nouveau. Déjà, en son temps, le marquis de Condorcet prônait le regroupement de plusieurs villages, afin de pouvoir justifier une « notabilisation » des élus et une réduction de leur nombre. Face à cela, Mirabeau, avec d’autres, était partisan d’un découpage administratif transformant les 44 000 paroisses de l’époque en autant de communes.

Aujourd’hui, la France compte plus de 36 000 communes et 600 000 élus. Pourquoi voir dans cette caractéristique un problème ? Ce maillage territorial est au contraire la force de notre pays. Les communes sont la base de notre démocratie, de la proximité. À l’instant, M. Sueur leur a rendu un bel hommage. Ce n’est pas un hasard si le maire reste l’élu le mieux reconnu par nos concitoyens.

Les communes sont l’échelon de base de notre organisation territoriale et assurent, au plus près de nos concitoyens, un rempart contre l’exclusion, l’isolement et le déclassement.

Oui, les communes doivent être de notre temps pour répondre aux besoins des populations et aux exigences économiques, sociales et environnementales. Cela implique davantage de coopération entre les collectivités. Mais pour coopérer, il faut exister. La fusion, ce n’est pas la coopération !

Je voudrais, pour terminer, revenir sur un aspect de la présente proposition de loi qui va davantage aggraver encore la situation financière des collectivités locales.

La section 4 prévoit en effet de nouvelles dispositions fiscales et des incitations financières pour encourager le processus de fusion. Cela passe, notamment, par la garantie, pendant les trois ans qui suivent la fusion, que les communes nouvelles ne connaîtront pas de baisse de leur dotation par rapport à la somme allouée aux anciennes communes alors séparées.

De la même manière, les nouvelles communes continueront de percevoir des financements au titre de la dotation nationale de péréquation, de la dotation de solidarité urbaine et de la dotation de solidarité rurale.

Ces dispositifs, outre le fait qu’ils ne garantissent nullement le maintien des dotations au-delà du délai transitoire, vont conduire mécaniquement à une baisse des dotations des communes qui ne s’inscrivent pas dans un processus de fusion.

On peut donc prévoir que plus le processus de la commune nouvelle rencontrera de succès, plus la dotation des autres collectivités diminuera, puisque le montant de l’enveloppe demeurera le même.

Cela étant, le découpage géographique et administratif de notre territoire doit faire l’objet d’un débat permanent. Mais celui-ci doit être abordé sous l’angle de l’utilité sociale, du dynamisme économique et des enjeux démocratiques. En aucun cas ce découpage ne peut être compris comme une variable d’ajustement ou d’adaptation à des politiques d’austérité visant à la mise en concurrence des territoires et à la dégradation des services publics, afin de les livrer au privé.

C’est pourtant dans ce cadre que se situe la proposition de loi que nous examinons. C’est pourquoi nous ne voterons pas en sa faveur.

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