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Lois

Avant d’être débattu et voté en séance publique, chaque projet ou proposition de loi est examiné par l’une des sept commissions permanentes du Sénat : lois, finances, affaires économiques, affaires étrangères et Défense, affaires culturelles, affaires sociales, aménagement du territoire et du développement durable. Classées par commissions, retrouvez ici les interventions générales et les explications de vote des sénateurs CRC.

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Dès que vous vous sentez fragilisés, vous agitez le spectre de l’étranger

Immigration, intégration et nationalité : question préalable -

Par / 3 février 2011

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues – peu nombreux sur les travées de droite –, …

M. Philippe Richert, ministre auprès du ministre de l’intérieur, de l’outre-mer, des collectivités territoriales et de l’immigration, chargé des collectivités territoriales. Mais guère plus nombreux à gauche !

Mme Josiane Mathon-Poinat. … « vous aviez aimé ma proposition de loi sur les tests ADN pour des candidats au regroupement familial ? Eh bien, vous allez adorer ce projet de loi sur l’immigration ! », a lancé Thierry Mariani.

Tout le mépris et la provocation condensés dans ces propos reflètent parfaitement l’esprit du projet de loi.

À l’heure où le Gouvernement prend la décision de ne pas faire figurer l’auteur Louis-Ferdinand Céline dans les célébrations nationales, autant vous dire que la conception de l’étranger qui infuse ce texte de loi est tout aussi condamnable que celle dont le livre Bagatelles pour un massacre s’est fait l’écho.

En transformant ainsi la législation d’exception en règle de droit commun, vous semblez vouloir conforter les propos chers à l’extrême droite. Du moins, soutenez-vous le parallèle avec avantage.

Ainsi, comme vous n’avez cessé de nous le répéter, la procédure de déchéance de nationalité a certes toujours existé. Il est vrai que, jusqu’au régime de Vichy, cette sanction était exclusivement destinée à réprimer l’espionnage et les actes contraires à l’intérêt de la nation.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Eh oui !

Mme Josiane Mathon-Poinat. Cela dit, cette procédure d’exception de triste mémoire a surtout été utilisée par Vichy à l’encontre de personnes de religion juive ou de personnes naturalisées par la loi libérale de 1927.

Le Conseil constitutionnel avait admis l’introduction du terrorisme dans les motifs de déchéance, mais il avait aussi rappelé dans un même mouvement qu’« au regard du droit de la nationalité, les personnes ayant acquis la nationalité française et celles auxquelles la nationalité française a été attribuée à leur naissance sont dans la même situation ». Voilà ce qui nous importe !

Malgré les menus aménagements ornementaux apportés par la commission, cette mesure demeure strictement contraire à l’article 1er de la Constitution, qui assure l’égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d’origine, de race ou de religion.

De même, comment ne pas s’indigner face à la réactivation du concept d’assimilation ?

Il est outrageux pour nos concitoyens français d’origine étrangère, injurieux pour les étrangers et particulièrement délétère pour nos valeurs républicaines de voir que vous amalgamez ainsi assimilation et intégration. Une petite précision étymologique s’impose donc.

L’intégration signifie faire entrer une partie dans un tout. Ainsi dit-on d’une société qu’elle est intégrée lorsqu’elle a un fort taux de cohésion sociale.

L’assimilation, terme en vogue du temps de l’administration coloniale, est le processus par lequel un ensemble d’individus se fond dans un nouveau cadre social beaucoup plus large. Le meilleur indice d’assimilation est la disparition totale des spécificités des personnes assimilées, ce qui implique la renonciation à leur culture, la mise au pas de leur personnalité et leur atomisation au sein de la société qui les absorbe.

En tant que républicains, nous refusons la promotion de toute forme de communautarisme. Reste que le communautarisme ne se réglera pas par la réactivation du concept d’assimilation.

Le communautarisme naît de la conviction qu’il n’existe pas de perspective en dehors de la communauté. Cela implique que, pour le vaincre et donner pleinement sens aux valeurs républicaines qui sont les nôtres, aucune communauté ne doit se sentir dominée par l’autre. D’où l’exigence d’une confiance réciproque, que nous n’obtiendrons pas en aménageant le code pénal spécialement pour les migrants, en allongeant leur durée de rétention à quarante-cinq jours sans même leur avoir notifié leurs droits – sans doute parce qu’ils sont supposés ne pas en avoir – et en les accusant de ne rien comprendre aux principes fondamentaux de notre République, contrairement aux « bons Français », qui, eux, sont présumés en être naturellement imprégnés.

Cela dit, le procédé dont vous faites usage nous est désormais bien connu, tant il est systématique.

Dès que vous vous sentez fragilisés sur des questions sociales, vous agitez la xénophobie et le racisme. Il vous est alors aisé de stigmatiser, au sein de la population, des catégories pour les lâcher en pâture à l’opinion.

Lorsqu’on révèle que le pouvoir est mis en cause dans une affaire fiscale, on accuse à l’emporte-pièce les revenus des gens du voyage ou bien les Roms à qui on les amalgame grossièrement.

Lorsque ce même pouvoir trempe dans des affaires de cigares ou d’évasion fiscale, il accuse « les grosses cylindrées des gens du voyage ».

Lorsque la délinquance augmente, vous fournissez à l’opinion publique des proies plus accessibles, bien qu’itinérantes, proies que les volontaires de la milice citoyenne créée par la LOPPSI, la loi d’orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure, arrêteront et jugeront bientôt peut-être eux-mêmes.

Le problème est que, simultanément et délibérément, vous laissez infuser une logique xénophobe dans l’ensemble de notre société.

C’est en vertu de cette logique qu’un préfet ose déclarer qu’il n’a pas de « tendresse particulière » pour les Roms car « ils vivent à nos crochets », et se dit agacé de voir que « certains roulent dans des Mercedes » que lui-même « ne peut pas [se] payer ».

C’est en vertu de cette logique également que, contrairement au principe d’accueil inconditionnel, les préfectures demandent maintenant aux associations chargées de l’hébergement d’urgence de « prioriser le public de droit commun », autrement dit de refuser les étrangers en situation administrative irrégulière en cas de manque de place. Cela n’est somme toute que l’application du principe de préférence nationale aux centres d’hébergement.

C’est en raison de cette xénophobie promue par l’État que, pour la première fois, les instances communautaires et internationales ont condamné la France avec autant de virulence pour discrimination raciale.

Le rapport du Comité pour l’élimination de la discrimination raciale de l’ONU a été jusqu’à dénoncer « une montée des manifestations et des violences à caractère raciste envers les Roms » et un « manque de volonté politique » face à cette recrudescence du racisme.

Votre réponse a été claire. Elle s’incarne dans la notion d’ « abus de droit au court séjour », qui empêchera la communauté des Roms de faire des allers-retours, partant du postulat que ceux-ci ne sont là que pour profiter des prestations sociales.

Votre réponse se matérialise aussi par l’ensemble des mesures du projet de loi : port du bracelet électronique, élargissement de la palette des mesures d’éloignement, création de zones d’attente ad hoc, promotion de l’immigration choisie ou encore atténuation « paillette » du délit de solidarité. Contrairement aux injonctions communautaires, les tendances à surveiller, à enfermer, à éloigner et à bannir se précisent et se renforcent encore davantage.

Les résultats de cet électoralisme primaire sont donc dramatiques et nombreux. Dès lors, permettez-nous de vous demander comment vous définissez l’identité nationale et si toutes ces dérives en font partie.

Vous agissez comme si l’identité pouvait se penser au singulier, comme s’il s’agissait d’un credo partagé par tous, sans tenir compte de ce qui constitue nos fondements individuels. Et le pire est que vous avez tenté de l’institutionnaliser via un ministère.

La notion de « charge déraisonnable pour le système d’assistance sociale » n’est ni un motif proportionnel ni un motif nécessaire pour limiter la liberté fondamentale de circulation dont jouit un citoyen de l’Union. En outre, l’instrumentalisation électoraliste que vous en faites est déraisonnable et scandaleuse.

Vos arguments financiers sont tous aussi faux les uns que les autres. Vous avez tenté à maintes reprises de vous placer sur le terrain des chiffres pour faire accepter vos options en matière de politique migratoire. Autant dire que, à chaque fois, le Gouvernement se prend à son propre piège.

Le Comité interministériel de contrôle de l’immigration a constaté, dans son rapport de décembre 2009, que le nombre de cartes de séjour temporaire délivrées aux étrangers en raison de leur état de santé s’était stabilisé en 2008, après une diminution de 12,8 % en 2007, représentant seulement 0,8 % des étrangers résidant en France.

À ce jour, seules les pathologies particulièrement graves, celles qui mettent en jeu le pronostic vital, sont des motifs considérés comme suffisants pour délivrer un titre de séjour provisoire pour soins. Ainsi, substituer aux termes « accessibilité effective » la notion d’indisponibilité serait tout simplement criminel. Car si l’article 17 ter du projet de loi a été supprimé, d’autres articles, outre l’amendement que M. Nègre a déposé pour le rétablir dans sa rédaction initiale, prennent le relais de sa transposition.

Le durcissement des conditions d’accès initial au dispositif et le basculement dans l’illégalité ainsi que la précarité de patients actuellement suivis par le biais de ce type de titre de séjour provisoire retardent l’accès aux soins. Or ces retards engendrent des surcoûts pour le système de santé.

Le rapport de l’Inspection générale des finances et de l’Inspection générale des affaires sociales, rendu public le 31 décembre 2010, conclut au caractère marginal de la fraude. Voilà qui s’oppose au droit d’entrée dans le dispositif de l’aide médicale d’État ! Il estime en effet que le fait pour 10 % des bénéficiaires de l’AME de retarder leur prise en charge médicale pourrait entraîner une majoration des dépenses de soins de 20 millions d’euros.

Par ailleurs, le rapport sur le coût de l’immigration, réalisé en 2009 par une équipe de chercheurs de l’université de Lille pour le compte du ministère des affaires sociales, nous révèle aussi que l’immigration fait de bons comptes. Les immigrés reçoivent de l’État, par diverses voies de transfert, 47,9 milliards d’euros. Mais ils reversent quelque 60,3 milliards d’euros dans les caisses de l’État. Le solde positif pour l’État est donc de plus de 12 milliards d’euros !

Rappelons-nous aussi que le très officiel Conseil d’orientation des retraites révélait que « l’entrée de 50 000 nouveaux immigrés par an permettrait de réduire de 0,5 point de PIB le déficit des retraites ».

M. Besson avait évoqué une « crise nationale de l’asile », notant que les demandes avaient augmenté de plus de 43 % en deux ans, ce qui justifierait l’absence de recours suspensif pour les demandeurs d’asile et les restrictions de leur accès à l’aide juridictionnelle.

En 2003, il y avait en France 50 000 demandeurs d’asile. Huit ans plus tard, le nombre de demandes n’a pas varié.

En revanche, la somme consacrée à l’hébergement et à l’accompagnement des demandeurs est en recul.

Compte tenu d’un budget global d’un montant de 240 millions d’euros, la somme consacrée à la protection de chaque demandeur s’élève à 13 euros par jour, en moyenne.

Sous couvert d’arguments financiers démentis même par les institutions de notre pays, c’est notre identité républicaine que vous défigurez !

La suppression du ministère de l’identité nationale, d’ailleurs reconstitué sous une appellation ripolinée, ne vous freine pas dans votre acharnement à vouloir expulser et susciter des peurs à l’égard des étrangers.

En réalité, ce sont l’ensemble des mesures honteuses contenues dans ce projet de loi qu’il faut bannir de notre République !

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