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Lois

Avant d’être débattu et voté en séance publique, chaque projet ou proposition de loi est examiné par l’une des sept commissions permanentes du Sénat : lois, finances, affaires économiques, affaires étrangères et Défense, affaires culturelles, affaires sociales, aménagement du territoire et du développement durable. Classées par commissions, retrouvez ici les interventions générales et les explications de vote des sénateurs CRC.

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Droits pour les victimes

Par / 15 avril 2008

Monsieur le président, madame le garde des sceaux, mes chers collègues, cette proposition de loi a pour objet d’apporter des réponses à des problèmes concrets rencontrés par les victimes ou encore à des dysfonctionnements dans l’exécution des décisions de justice.

Néanmoins, comme l’a dit tout à l’heure l’un de nos collègues, le texte qui nous est proposé manque d’ambition eu égard aux travaux parlementaires qui ont été réalisés sur cette question. Je regrette d’ailleurs que le Gouvernement ne se soit pas immédiatement emparé des propositions de la mission d’information, qui ont été remises en décembre dernier. Je suis favorable à l’initiative parlementaire, mais, si l’intention des auteurs de la proposition de loi est louable, son champ d’application est très restreint.

L’introduction du rapport d’information ne manque pas de sel lorsque M. le rapporteur y précise : « pendant longtemps, l’exécution des décisions de la justice pénale a été la grande oubliée de la chaîne pénale. Au cours des deux dernières décennies, l’attention du Gouvernement, du Parlement, des magistrats, des pénalistes, de l’opinion s’est concentrée sur l’instruction, la diversification des modes de poursuite et des sanctions encourues ou encore l’amélioration des droits des victimes, mais l’exécution des peines est longtemps restée à l’écart des préoccupations. » Pour quelles raisons ? La loi prévoit l’exécution des peines, mais, comme l’a dit tout à l’heure notre collègue Charles Gautier, le problème, c’est la volonté et les moyens, ce qui renvoie directement aux politiques gouvernementales.

L’exécution des peines, notamment des peines privatives de liberté, et leur aménagement n’ont jamais été votre priorité, ni depuis 2002 ni depuis 2007. Vous avez fait tout autre chose. Sinon, nous serions plus avancés dans la préparation de la loi pénitentiaire attendue depuis fort longtemps.

Or la mission d’information a formulé 49 propositions, qui, s’agissant des peines privatives de liberté, en reviennent toujours au même constat : il est urgent d’améliorer leurs conditions d’exécution, de favoriser le développement des aménagements de peine et des peines alternatives à l’emprisonnement.

Si la proposition de loi que nous examinons aujourd’hui est bien issue des travaux de la mission d’information, elle ne reprend qu’une infime partie des propositions formulées par la mission, renvoyant celles qui sont relatives aux peines privatives de liberté à l’examen de la future loi pénitentiaire, c’est-à-dire à plus tard. Certes, celle-ci est encore inscrite au calendrier de cette session parlementaire, mais nous pouvons nourrir les plus grandes craintes quant à son aboutissement dans le cadre de votre objectif de réduction draconienne des politiques publiques.

La proposition de loi présentée par MM. Jean-Luc Warsmann et Etienne Blanc ne peut être le cache-misère de tout ce qui relève de l’exécution des peines et qui, faute de volonté, n’est pas et ne sera pas traité.

Le texte en lui-même est plutôt positif, puisqu’il prévoit dans un premier temps d’améliorer l’indemnisation des victimes ne pouvant pas bénéficier d’une indemnisation par la CIVI et des personnes dont le véhicule a été incendié. Je ne reviens pas sur les propos qui ont été tenus à cet égard et que je partage.

La victime pourra toucher une aide du FGTI, plafonnée à 3 000 euros, en l’absence de paiement volontaire des dommages et intérêts par la personne condamnée dans un délai de trente jours.

L’article 1er présente également l’intérêt d’inciter la personne condamnée à verser les dommages et intérêts dans ce délai, car une pénalité au titre des frais de gestion sera appliquée en sus des dommages et intérêts.

Dans cette même logique, les personnes dont le véhicule a été incendié voient leur droit à indemnisation renforcé. Aujourd’hui, le fait de se retrouver sans véhicule à la suite de l’incendie de celui-ci constitue un véritable problème pour nombre de foyers modestes, qui habitent le plus souvent dans des quartiers mal desservis par les transports et mal encadrés par la police de proximité et qui éprouvent par conséquent les plus grandes difficultés pour se rendre à leur travail.

La proposition de loi prévoit donc que, lorsque le bien détruit, dégradé ou détérioré est un véhicule terrestre à moteur, la condition de « situation matérielle ou psychologique grave » causée par l’infraction ne sera pas exigée. J’approuve cette mesure.

Le deuxième volet de la proposition de loi porte sur la présence des prévenus à l’audience. C’est évidemment une bonne chose.

Enfin, nous ne pouvons que partager la volonté des auteurs de la proposition de loi d’améliorer l’exécution des peines d’amendes et de suspension ou de retrait du permis de conduire, même si nous pouvons nous demander si ces mesures relèvent d’une nouvelle loi ou de l’exécution de celles qui existent déjà.

Encore faudrait-il disposer des crédits suffisants. On nous dit que l’application de ces dispositions ne sera pas onéreuse. Or le budget de la justice a beau avoir été augmenté pour 2008, cette amélioration est bien faible compte tenu, d’une part, des besoins des juridictions, notamment en personnels des greffes, et, d’autre part, de la priorité accordée à l’enfermement.

D’ailleurs, la question des effectifs est directement et clairement évoquée dans le rapport de la mission d’information, notamment s’agissant de la transmission des décisions par les juridictions au casier judiciaire qui, aujourd’hui, se fait dans un délai moyen de quatre mois.

M. le rapporteur n’a d’autre proposition que de « doter les greffes correctionnels de personnels suffisants pour enregistrer les décisions en temps réel en améliorant les moyens en personnels des greffes correctionnels et en recourant aux recrutements de vacataires en fonction des besoins des juridictions ».

Je ne compte plus le nombre de nos interventions réclamant l’augmentation des personnels des greffes. C’est également une revendication récurrente des magistrats.

Pourtant, les années passent et les greffes manquent toujours de personnels. La réforme inique de la carte judiciaire que vous avez menée, madame le garde des sceaux, va à l’encontre d’une meilleure efficacité du service public de la justice et donc de l’amélioration des droits des victimes comme de l’exécution des peines.

Elle entre d’ailleurs en contradiction avec le constat de la mission d’information selon lequel la présence d’un bureau de l’exécution des peines, un BEX, dans 176 tribunaux de grande instance a permis des progrès considérables en termes de délai et de taux d’exécution des peines. Les BEX ont aussi deux autres vertus : permettre l’explication de la décision au condamné et assurer l’information de la victime. La réforme de la carte judiciaire va aboutir à la suppression, dans de nombreux endroits, d’une structure qui a fait ses preuves.

Enfin, améliorer l’indemnisation des victimes d’infractions tend incontestablement à renforcer leurs droits ; mais certaines victimes ne pourront de toute façon pas les exercer, car, par manque de moyens financiers, elles ne pourront engager une procédure. L’accès à l’aide juridictionnelle fait donc intégralement partie des droits de la victime. Or les plafonds prévus par la loi de 1991 sont très bas et ne permettent pas à une personne touchant le SMIC de bénéficier de l’aide juridictionnelle totale ; à peine aura-t-elle droit à une aide partielle.

L’article 3 prévoit d’ailleurs l’augmentation du plafond de ressources que la victime ne doit pas dépasser afin de pouvoir prétendre à une indemnisation : il est porté à une fois et demie le montant prévu par la loi de 1991, ce dernier étant considéré comme trop bas par les auteurs de la proposition de loi. C’est tout dire !

Là encore, la question du budget et de l’engagement financier de l’État est centrale. À de multiples reprises, nous avons proposé de relever ces plafonds de ressources à au moins une fois et demie le SMIC pour l’aide juridictionnelle totale et à deux fois le SMIC pour l’aide juridictionnelle partielle.

Les parlementaires sont traditionnellement privés de toute initiative en la matière en vertu de l’article 40 de la Constitution. Désormais, la majorité sénatoriale nous empêche toute discussion publique avant l’application de cet article. C’est pourquoi nous n’avons pas eu d’autre choix que de déposer un amendement visant à « encourager » le Gouvernement à augmenter les plafonds de la loi de 1991. Tout cela n’est guère contraignant, hélas ! Nous regrettons de ne pouvoir engager à cette occasion un vrai débat budgétaire sur la question de l’aide juridictionnelle.

Madame le garde des sceaux, vous avez dit que les victimes du terrorisme étaient particulières. Qui dira le contraire ? Mais permettez-moi de vous faire observer que d’autres victimes sont également particulières : je pense aux victimes de l’explosion d’AZF ou aux victimes de l’amiante dont les employeurs refusent de reconnaître leurs fautes. Bien qu’il ne s’agisse ni des mêmes fonds ni des mêmes juridictions, ces victimes devraient pouvoir bénéficier des mêmes dérogations en matière de délai.

Pour toutes ces raisons, et quoique les dispositions de la proposition de loi soient tout à fait positives, le groupe CRC s’abstiendra.

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