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Lois

Avant d’être débattu et voté en séance publique, chaque projet ou proposition de loi est examiné par l’une des sept commissions permanentes du Sénat : lois, finances, affaires économiques, affaires étrangères et Défense, affaires culturelles, affaires sociales, aménagement du territoire et du développement durable. Classées par commissions, retrouvez ici les interventions générales et les explications de vote des sénateurs CRC.

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Durée du mandat du président de la République

Par / 29 juin 2000

par Nicole Borvo

Monsieur le président, madame le garde des sceaux, mes chers collègues, Les Difficultés d’un projet sec : tel était le titre d’un point de vue récent sur la réforme constitutionnelle qui nous occupe aujourd’hui. Il me paraît illustrer assez bien la situation, un mois après l’intervention télévisée du Président de la République. A l’évidence, celui-ci n’a pas su trouver les mots pour convaincre les Françaises et les Français de l’importance et de l’urgence qu’il y avait à se mobiliser sur la seule réduction de sept ans à cinq ans du mandat présidentiel.

M. Josselin de Rohan. Vous ne manquez pas de culot !

Mme Nicole Borvo. Cette mobilisation des esprits est d’autant plus difficile à réussir pour l’instant que la précipitation avec laquelle le Parlement est consulté et l’interdiction imposée par le Président de la République d’amender le texte -
c’est-à-dire l’impossibilité pour le Parlement d’exercer sa souveraineté - empêchent tout débat de fond. Or c’est précisément ce débat sur les institutions actuelles et sur l’indispensable démocratisation de la vie publique qui est nécessaire.

Le constat s’impose à tout le monde : les institutions en crise, l’abstention massive, le rejet de la politique, la méfiance à l’égard des partis et des personnels politiques en sont, hélas ! l’illustration.

Cette crise a, pendant des années, puisé ses sources dans l’insatisfaction sociale : inégalités qui se sont creusées, exclusions, promesses non tenues... Depuis 1986, chaque élection législative a sanctionné les sortants. Cependant, cette crise résulte aussi du fossé qui existe entre les citoyens et les centres de décision.

Le credo libéral selon lequel l’économie échappe aux politiques dévalorise la politique. Les systèmes de représentation
- issus du siècle dernier - délégataires se sont usés. Les modes centralisés de décision sont rejetés et inefficaces. La construction européenne en oeuvre, plus technocratique que démocratique, n’a fait qu’éloigner le citoyen du pouvoir. La contestation croissante de la mondialisation en atteste aujourd’hui. Oui, ouvrons largement le débat sur une nouvelle ère de la démocratie.

Mme Hélène Luc. Très bien !

Mme Nicole Borvo. Nous nous sommes engagés avec les autres formations de gauche à une réelle démocratisation des institutions : revalorisation du Parlement, scrutin proportionnel, réduction de la durée des mandats, non-cumul des mandats, statut de l’élu. D’autres questions se posent, telles que la citoyenneté dans l’entreprise, la participation directe des citoyens aux choix de la cité.

Ce débat est nécessaire au Parlement et dans le pays. Pour ce qui nous concerne, nous entendons bien l’engager avec les citoyens. Alors, madame le garde des sceaux, je vous ai bien entendue : le quinquennat serait un premier pas. Les Français souhaitent être consultés plus souvent, intervenir davantage, on leur en donne donc l’occasion.

Effectivement, ceux qui s’intéressent à la réforme actuelle disent qu’ils y sont largement favorables. Mais, pour nous, la question de fond ne porte pas sur la durée du mandat. Nous sommes partisans d’une réduction des mandats présidentiels et autres, à commencer par le nôtre, celui des sénateurs.

Mme Hélène Luc. Très bien !

Mme Nicole Borvo. Mais peut-on laisser croire que la seule réduction du mandat présidentiel rend les institutions actuelles plus démocratiques ?

La Constitution de 1958 est déséquilibrée. Les pouvoirs de l’exécutif sont excessifs, le domaine réservé du Président de la République exorbitant, le rôle du Parlement trop faible. Nous nous sommes opposés à cette constitution et nous continuons de penser - et de dénoncer - qu’elle organise un pouvoir quasi monarchique du président élu, qui n’a de comptes à rendre à personne pendant la durée de son mandat.

Madame la ministre, vous avez à l’Assemblée nationale, cité Jean-Jacques Rousseau : " Le peuple anglais est libre une fois tous les sept ans ". Avec le quinquennat, le peuple français sera libre une fois tous les cinq ans !

Les Français ont en quelque sorte corrigé les excès de la Constitution en décidant les cohabitations qui privilégient, dans l’exécutif, le chef du Gouvernement et, si celui-ci le veut, le Parlement. Mais la cohabitation n’est pas le mode normal de nos institutions et il présente d’autres inconvénients.

Le quinquennat corrige-t-il le déséquilibre entre exécutif et Parlement ? Au contraire, il l’aggrave. Certes, il n’instaure pas, en
lui-même, un régime présidentiel à l’américaine, c’est évident. Certains le souhaitent, pas moi. Il ne correspond ni à notre histoire, ni à notre réalité politique, ni à nos pratiques. Mais, à l’évidence, le quinquennat présidentialise encore davantage les institutions de la
Vème République.

Si les scrutins présidentiel et législatif coïncident, les prérogatives du Président de la République sont renforcées par rapport au chef du Gouvernement alors qu’il n’est pas responsable devant le Parlement. Le déséquilibre exécutif-législatif est encore plus flagrant, la concentration des pouvoirs est maximale. Qui plus est, le couplage présidentielle-législatives favorisera, à coup sûr, la bipolarisation de la vie politique au profit des seuls partis en situation de présenter un candidat à l’élection présidentielle et donc affaiblira le pluralisme politique nécessaire à une véritable démocratie, à laquelle nous sommes tous, je n’en ai aucun doute, attachés.

Par conséquent, la réforme qui nous est proposée ne nous satisfait pas. Nos raisons, vous pouvez le constater, sont absolument inverses de celles des partisans du
statu quo, qui voient dans le quinquennat un abaissement du rôle du président de la République, crime de lèse-majesté en quelque sorte puisque le seul fait de diminuer de deux ans son mandat attenterait à son pouvoir.

En réalité, cette réforme pose deux problèmes majeurs.

Le premier est qu’elle n’est pas anodine et que les conséquences prévisibles méritent débat.

Le second est que la crise de nos institutions appelle des réformes beaucoup plus profondes, qui ne peuvent être le fruit que d’un large débat démocratique. Deux bonnes raisons pour nous de déplorer la précipitation avec laquelle, encore une fois, cette réforme est expédiée !

Nous entendons donc ne pas nous priver de notre pouvoir de législateur. C’est la raison pour laquelle nous avons déposé des amendements, même si nous savons le sort qui leur sera réservé. Par ce biais, nous voulons montrer non seulement le sens des réformes, mais aussi en quoi la seule réduction du mandat présidentiel est inopérante. Bien entendu, ces amendements ne constituent pas un projet constitutionnel. Ils pointent le déséquilibre existant dans nos institutions qui a conduit à une réduction importante des pouvoirs du Parlement.

Le Parlement de la République doit être un parlement souverain. Pour restaurer ses droits, nous proposons que ce soit par la mise en cause des fameux articles 49-3 ou 40 de la Constitution - ce dernier bride le pouvoir budgétaire des assemblées - par l’abrogation de l’article 16 de la Constitution et par l’instauration du droit de se substituer à un gouvernement défaillant pour prendre les décrets d’application.

Nous proposons également de renforcer les droits du Parlement national dans le cadre de l’actuelle construction européenne. Le ministre français doit être clairement mandaté pour aller négocier à Bruxelles.

Mme Hélène Luc. Très bien !

Mme Nicole Borvo. J’ai déposé aussi, avec mes collègues du groupe communiste républicain et citoyen, un amendement qui modifie l’article 24 de la Constitution
- lequel fonde la légitimité du Sénat et son mode d’élection - et qui vise à rappeler ce que le Conseil constitutionnel a maintes fois affirmé, à savoir la nécessité, pour une assemblée élue au suffrage universel, de refléter la réalité démographique du pays.

Le Sénat représente aujourd’hui la France de 1975. Après le refus de la majorité sénatoriale de modifier, en mars dernier, cet état des choses, ce sera toujours le cas en 2004. Cet amendement a donc une portée symbolique : il souligne le décalage croissant entre la seconde chambre du Parlement et la réalité du pays.

Selon nous, une réflexion approfondie doit être engagée sur la place de la seconde chambre dans les institutions. L’existence de cette dernière n’est pas une fin en soi. Les institutions existent pour le peuple, elles ne sont pas destinées à la recherche d’un quelconque équilibre politique.

Avant l’aboutissement de cette réflexion, la réduction du mandat sénatorial, le mandat le plus long d’Europe, doit être engagée d’urgence. C’est une demande ancienne de ma formation politique et de ses élus, depuis 1989. Nous venons, comme d’autres, de déposer une proposition de loi organique en ce sens, indiquant également que le renouvellement du Sénat aura lieu en une seule fois.

Nous proposons également que l’âge d’éligibilité au Sénat soit réduit à
vingt-trois ans, comme c’est le cas à l’Assemblée nationale, quitte à le rabaisser encore dans une seconde étape.

M. Hilaire Flandre. Seize ans !

Mme Nicole Borvo. Bien entendu, nous proposons, enfin, d’aller plus loin dans la représentativité du Sénat, même si les réformes relatives au mode de scrutin et à la parité, qui viennent d’être adoptées, constituent un premier pas positif.

Ces mesures permettraient-elles à l’alternance de devenir réalité au Sénat ? Rien n’est moins sûr.

Le déséquilibre profond entre zones urbaines et rurales, la nature indirecte du suffrage et la clé de répartition des sièges maintiennent le Sénat dans un conservatisme immuable.

Le bicamérisme ne peut être acceptable s’il est conçu non pas comme une possibilité d’affirmer l’élaboration de la loi, ce à quoi nous tenons tous, mais essentiellement comme un élément " modérateur ", ou plutôt réducteur de démocratie ; car, ne l’oublions pas, la grande conquête démocratique, c’est le suffrage universel direct.

M. Hilaire Flandre. Majoritaire !

Mme Nicole Borvo. C’est lui qui fonde la souveraineté populaire, et lui seul.

Telles sont les questions que nous voudrions voir aborder. Elles sont une nouvelle fois remises à plus tard. Nous le regrettons, madame la ministre. Je le répète, ce n’est pas la réduction du mandat présidentiel qui nous pose problème ; c’est le fait que ce soit la seule réforme avancée, car le quinquennat " sec ", comme il est communément appelé maintenant, aggrave au lieu de les résoudre les problèmes de fond de la Constitution.

Aujourd’hui encore, nous ne savons même pas si la réforme sera soumise à référendum. D’aucuns veulent y renoncer, sous prétexte d’aller plus vite. C’est encore une façon d’escamoter le débat démocratique ! Alors, franchement, sans débat parlementaire, sans débat national, nous nous éloignons encore davantage des attentes de nos concitoyens ! Aussi, je le dis, cette réforme n’est pas acceptable en l’état et nous ne la voterons pas.

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