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Lois

Avant d’être débattu et voté en séance publique, chaque projet ou proposition de loi est examiné par l’une des sept commissions permanentes du Sénat : lois, finances, affaires économiques, affaires étrangères et Défense, affaires culturelles, affaires sociales, aménagement du territoire et du développement durable. Classées par commissions, retrouvez ici les interventions générales et les explications de vote des sénateurs CRC.

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Egal accès des femmes et des hommes

Par / 29 février 2000

par Odette Terrade

Monsieur le président, que le débat soit organisé ne l’empêche pas d’être passionné !

Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la secrétaire d’Etat, mes chers collègues, conformément aux engagements du Gouvernement, que je félicite pour la célérité dont il a fait preuve sur ce dossier, nous voici sur le point, après nos collègues de l’Assemblée nationale, de mettre en " musique législative " le principe de l’égalité entre les femmes et les hommes dans la sphère politique, maintenant inscrit dans notre Constitution depuis le Congrès du Parlement de juin 1999.

Ce concept de parité, c’est-à-dire l’égale représentation des femmes et des hommes dans les lieux de décision, en particulier dans les assemblées politiques, a connu un succès rapide dans l’opinion. C’est à partir des années quatre-vingt qu’il émerge. Jusque-là, le caractère essentiellement masculin du milieu politique, qu’il s’agisse des partis ou de la composition des assemblées élues, n’avait pas suscité d’étonnement.

Aujourd’hui, les évolutions sont notables.

Tout d’abord, 80 % de nos concitoyens déclarent être favorables à la parité.

Autre signe : d’un bout à l’autre des travées de cet hémicycle, chacun, quelle que soit son appartenance politique, prétend que la disparité en nombre qui existe entre les hommes et les femmes est insatisfaisante et qu’il convient d’y remédier. C’est un premier pas, même s’il est, pour certains, quelque peu forcé par le poids de l’opinion publique !

Toutefois, à la lecture des conclusions de la majorité sénatoriale à la commission des lois, force est de constater que nous n’avons pas tous la même conception de l’égal accès, ni des moyens pour y parvenir plus vite.

Cette idée de parité est devenue populaire avant tout grâce à l’action des militantes féministes qui l’on portée. La manifestation du 15 janvier dernier pour les droits des femmes a démontré combien les exigences d’égalité entre les femmes, et les hommes sont fortes et combien elles traversent tous les domaines de la société. Pour y avoir participé, je peux témoigner de la présence massive de jeunes femmes, mais également d’hommes, qui considèrent que la parité, tout comme le respect et le développement des droits des femmes, sont une condition essentielle à l’émergence d’une démocratie de notre temps.

Leurs revendications ne s’arrêtaient pas en effet à la seule parité politique. Ils dénonçaient toutes les inégalités qui persistent à l’égard des femmes. Je ne vais pas les citer toutes. Des inégalités professionnelles à l’inégalité d’accès à la contraception, en passant par les violences dont sont particulièrement victimes les femmes, la liste est hélas ! longue des droits qui restent encore à conquérir afin que cette moitié de l’humanité accède enfin à l’égalité réelle, pourtant inscrite dans les textes.

Je souhaite rendre ici hommage à l’engagement passé et présent de ces femmes et de ces hommes, connus ou anonymes, sans qui aucune évolution significative n’aurait pu être possible.

Les Françaises ont, pour la première fois, déposé un bulletin dans une urne lors des élections qui ont suivi la Libération,
c’est-à-dire lors des élections municipales du 29 avril 1945.

M. Jean Chérioux. Dites merci au général de Gaulle.

Mme Odette Terrade. Et au député Fernand Grenier !

M. Jean Chérioux. Ce n’est pas tout à fait le même niveau ! Le grand responsable, c’est quand même le général de Gaulle !

Mme Odette Terrade. Merci à toutes les femmes pour leurs luttes, mais pas de merci au Sénat qui, par six fois, a refusé d’inscrire cette question à son ordre de jour, alors que l’Assemblée nationale l’a fait !

M. Jean Chérioux. Il n’y avait pas de Sénat à cette époque !

Mme Odette Terrade. Le préambule de la Constitution de 1946 proclamait : " La loi garantit à la femme, dans tous les domaines, des droits égaux à ceux de l’homme ". Les conditions normatives pour corriger la situation étaient donc réunies. La présentation des femmes pouvait, à cette époque, sembler " aller de soi ", puisque le suffrage était devenu universel. Les suffragistes n’avaient d’ailleurs pas soulevé la question de l’égalité dans la représentation. Electrices et éligibles, les femmes deviendraient, pensaient-elles, les égales des hommes et la représentation serait, enfin, celle de la nation tout entière ! A cette époque, seules quelques voix isolées s’étaient exprimées pour douter que le suffrage, à lui seul, suffise à redistribuer les cartes.

Aujourd’hui, l’histoire et les chiffres leur donnent raison. En effet, notre pays s’illustre toujours par une importante
sous-représentation des femmes en politique. Je ne reviendrai pas sur les chiffres qui sont maintenant connus et qui nous situent en avant-dernière position des pays européens et au soixante-sixième rang mondial ; vous l’avez rappelé tout à l’heure, madame la secrétaire d’Etat. Ils démontrent bien l’absence d’automatisme entre l’égalité formelle et la réalité. Ils valident également l’idée que l’égal accès des femmes aux fonctions et mandats électifs, pour autant qu’il est légitime, est avant tout à conquérir, notamment à l’aide de mesures volontaristes.

Cette sous-représentation des femmes en politique est d’autant plus visible que leur place a profondément évolué dans la société, et ce à bien des égards.

Dès 1970, les jeunes Françaises sont plus nombreuses que les garçons à entrer dans les universités. Elles sont majoritaires dans les filières littéraires et juridiques, laissant aux garçons les filières scientifiques et techniques. Il est intéressant à ce propos de noter que ce sont précisément ces filières très féminisées qui ont traditionnellement fourni à la France son personnel politique.

Les femmes travaillent. Elles représentent 44 % de la population active. Même si leurs salaires sont scandaleusement inférieurs à ceux des hommes occupant des postes similaires, et qu’elles rencontrent des difficultés dans le déroulement de leur carrière supérieures à leurs collègues masculins, la forte implication des femmes dans la vie active a significativement marqué l’exigence de leur plus grande représentation dans la vie publique.

Face à ces évolutions et au constat du rôle que les femmes ont su jouer dans la société, nos concitoyens comprennent mal que les assemblées politiques soient aussi peu à l’image des populations qu’elles prétendent représenter.

Le Gouvernement, fidèle à ses engagements, a par conséquent eu raison de présenter plusieurs projets de loi visant à moderniser nos institutions. Favoriser l’égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux est l’objet de l’un de ces textes. Il n’est pas le seul ; je citerai également la réforme du scrutin sénatorial et la limitation du cumul des mandats.

Mais cette nécessaire modernisation ne saurait s’arrêter là. Il nous faut engager une profonde réflexion sur la primauté du Parlement, l’accroissement de ses pouvoirs d’initiative, de décision et de contrôle, sa représentativité. L’instauration d’un véritable statut de l’élu pour les hommes et les femmes est, à nos yeux, une mesure urgente. Il devrait contribuer à créer les conditions et les moyens d’une citoyenneté à part entière pour les hommes et les femmes. Compte tenu de la réalité des situations vécues par les femmes, tant d’un point de vue familial que professionnel, il devrait corriger les obstacles particuliers qui se posent à elles.

Même si ce n’est pas le sujet qui nous préoccupe aujourd’hui,...

M. Louis Boyer. Mais si !

Mme Odette Terrade. ... nous sommes très favorables à l’extension du scrutin proportionnel. Nous constatons que c’est le scrutin le plus favorable à l’élection des femmes. Nous souhaitons donc qu’une réflexion soit rapidement engagée sur cette question.

M. Jean-Claude Gaudin. Voilà, on y est !

Mme Odette Terrade. Nos concitoyens, et nos concitoyennes en particulier, ne se contenteront plus, en matière d’égalité entre les hommes et femmes comme dans bien d’autres domaines, d’intentions affichées, même si elles sont excellentes. Ils et elles veulent des résultats effectifs, notables et visibles. Il ne faut, par conséquent, pas s’en tenir aux textes que nous examinons aujourd’hui, même s’il convient d’en mesurer toute la portée et toute l’avancée.

M. Jean-Claude Gaudin. Eh non, il faut aller encore plus loin !

Mme Odette Terrade. Ces textes s’inscrivent dans une dynamique paritaire que le groupe communiste républicain et citoyen partage. Nous sommes satisfaits que le Gouvernement ait choisi de déposer un texte fondé sur la parité et non sur les quotas. Comme M. le ministre de l’intérieur l’a dit à l’Assemblée nationale, la parité est le seul moyen de s’attaquer à la sous-représentation des femmes, en restant fidèle au principe d’égalité. Le souvenir des débats qui eurent lieu, ici même, au moment du projet de loi de révision constitutionnelle - et aussi tout à l’heure - m’incite à le rappeler : les femmes ne sont ni une communauté, ni une catégorie ; elles représentent la moitié de l’humanité et constituent 53 % du corps électoral.

M. Jean-Claude Gaudin. C’est très bien !

Mme Odette Terrade. Les débats forts intéressants qui ont eu lieu au Palais-Bourbon ont permis d’enrichir considérablement les textes. Je souhaite saluer le travail de nos collègues, en particulier des femmes députées de la majorité.

L’un des principaux aménagements proposés par les députés porte sur la composition des listes. Deux systèmes ont été mis en place. Le premier concerne les scrutins de liste à un tour - sénatoriales, européennes, assemblées territoriales d’outre-mer. Il précise que chaque liste est composée alternativement d’un candidat de chaque sexe. Le second s’applique aux scrutins de liste à deux tours - municipales et régionales - et prévoit qu’au sein de chaque groupe entier de six candidats, dans l’ordre de présentation de la liste, doit figurer un nombre égal de candidats de chaque sexe.

Le groupe communiste républicain et citoyen est plus favorable à ces dispositions qu’à celles, moins contraignantes, qui étaient présentées dans le texte initial. En effet, ce dernier était muet sur la place des femmes au sein des listes. Le risque était donc grand de ne les voir figurer qu’en fin de liste.

M. Jean-Claude Gaudin. Oh !

Mme Odette Terrade. Oh oui !

Nous regrettons qu’actuellement aucune solution législative n’ait pu être trouvée pour appliquer la parité aux élections cantonales. Nous espérons que cette situation évoluera. Les électeurs devront, dans l’attente d’une solution, exercer une pression suffisamment forte sur les partis politiques afin que ces derniers présentent des femmes en nombre suffisant et les placent en position éligible dans les conseils généraux, et ce pour respecter la philosophie des textes qui nous sont présentés aujourd’hui.

De même, il conviendra de veiller à la désignation des femmes élues au sein des structures intercommunales.

Un autre changement significatif issu de l’Assemblée nationale a trait à l’abaissement du seuil d’application du scrutin proportionnel aux communes de
2 000 habitants pour les élections municipales. Le souci des députés a été, me semble-t-il, d’élargir le nombre de communes concernées. En effet, seules
2 701 d’entre elles comptent plus de 3 500 habitants. En outre, comme l’a très justement noté notre collègue Danièle Pourtaud, au nom de la délégation du Sénat aux droits des femmes, seulement 100 000 conseillers municipaux sont élus au scrutin proportionnel sur un total de 500 000.

C’est précisément les dispositions introduites par l’Assemblée nationale que la commission des lois du Sénat souhaite supprimer. Les amendements qu’elle propose vont dans ce sens.

La lecture du rapport de la commission est éclairante à nos yeux sur la conception qu’a la majorité sénatoriale de l’égalité entre les femmes et les hommes en politique. En effet, après avoir déclaré que la question posée aujourd’hui ne portait pas sur le principe de parité lui-même, approuvé par chacune des assemblées, puis par le Congrès du Parlement, la majorité sénatoriale s’empresse de limiter toutes les mesures législatives qu’il est urgent de mettre en oeuvre.

Tout d’abord, je ne peux passer sous silence la réflexion pour le moins stupéfiante, reprise plusieurs fois à cette tribune, que le nombre de femmes titulaires d’un mandat électoral suscite à la commission : il y est fait mention d’une progression " sensible ". Lorsque les femmes représentent en cette fin de siècle au mieux 10 % des députés et à peine 6 % des membres de notre assemblée, je m’étonne d’une telle perception plus qu’optimiste...

Un peu plus loin, s’agissant des dernières élections européennes de 1999, le rapporteur écrit : " Ces chiffres démontrent les évolutions obtenues sans modification législative. " Pourquoi alors l’absence de mesures législatives n’a-t-elle pas été de la même façon bénéfique à un plus grand nombre de femmes dans nos assemblées françaises ?

Ces remarques reflètent en fait bien le conservatisme dont la majorité sénatoriale n’a cessé de faire preuve lors des différents débats relatifs à la parité.

La commission des lois a porté une critique très sévère sur l’abaissement du seuil des communes concernées par la parité à 2 000 habitants. Elle a fait valoir que cette modification infime du mode de scrutin des communes de 2 000 à 3 500 habitants était une violation d’un engagement du Premier ministre de ne pas modifier les modes de scrutin. Or cet engagement portait essentiellement sur le scrutin législatif ! De plus, la faible proportion de la population concernée - seulement 8 % - ne me paraît pas de nature à bouleverser dans son ensemble notre système de scrutin.

L’autre argument avancé afin d’exclure du champ de la parité les communes rurales se fonde sur la difficulté particulièrement grande d’y trouver des candidates. Je ne partage pas cette inquiétude. Je vous rappelle que 80 % de nos concitoyens, milieux urbain et rural confondus, souhaitent la parité. Les femmes, aussi bien en ville qu’à la campagne, en France métropolitaine comme dans les territoires et les départements d’outre-mer, s’engageront en politique lorsque les conditions qui leur seront faites leur paraîtront acceptables. Il est donc important qu’un maximum de communes puisse disposer des mêmes contraintes législatives.

S’agissant enfin des sanctions financières, je privilégierai le dispositif dont le Gouvernement est à l’origine, dans la mesure où il est assorti des obligations d’alternance introduites par l’Assemblée nationale. La modulation proposée par la commission des lois, portant sur le nombre d’élues, favoriserait en fait les formations politiques comptant de très nombreux élus. De plus, le caractère incitatif des mesures gouvernementales portant sur l’obligation de présenter des candidates me paraît plus intéressant et, pour l’avenir, plus formateur pour ces futures élues. Si l’objectif de la majorité sénatoriale est l’obtention de résultats plus probants, il me semble que le mécanisme proposé par le Gouvernement est le plus efficace à la condition, je le répète, qu’il soit assorti des obligations d’alternance telles qu’elles sont issues des débats des députés.

En faisant de cette réforme visant au partage du pouvoir politique entre les femmes et les hommes une priorité, le Gouvernement a pris la mesure de l’importance de la revendication à plus d’égalité qui s’exprime dans le pays.

Je souhaite que, pour sa part, le Sénat sache trouver la sagesse dont il se réclame fréquemment afin de ne pas retarder un mouvement qui s’inscrit dans le sens de l’histoire et dont les textes issus de l’Assemblée nationale sont une étape historique.

A quelques mois de la rencontre mondiale de New York, notre pays s’enorgueillirait d’enrichir son droit de dispositions tendant à instaurer la parité, qui est, à mon sens, le meilleur outil à fabriquer de l’égalité entre les hommes et les femmes.

Le groupe communiste républicain et citoyen s’opposera à tout amendement qui tendrait, en fait, à limiter la portée effective de la parité. Il réserve donc son vote jusqu’à la fin de l’examen des amendements.

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