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Lois

Avant d’être débattu et voté en séance publique, chaque projet ou proposition de loi est examiné par l’une des sept commissions permanentes du Sénat : lois, finances, affaires économiques, affaires étrangères et Défense, affaires culturelles, affaires sociales, aménagement du territoire et du développement durable. Classées par commissions, retrouvez ici les interventions générales et les explications de vote des sénateurs CRC.

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Égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives

Par / 14 décembre 2006

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de loi qui nous est soumis s’inscrit - je cite le rapport de la commission - « dans la continuité de la loi constitutionnelle du 8 juillet 1999 qui a autorisé le législateur ? à favoriser l’égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et aux fonctions électives ? ».

Chers collègues, je ne peux m’empêcher de rappeler qu’une bonne partie de la majorité du Sénat, à l’époque, était opposée à la réforme constitutionnelle, tout particulièrement à la modification de l’article 3 de la Constitution qui autorisait le législateur à fixer les conditions dans lesquelles cet égal accès pouvait être organisé.

Monsieur le rapporteur, vous fûtes l’un des pourfendeurs désignés de cette modification de l’article 3. J’ai relu vos interventions. Tous les arguments ont été employés : « générateur de quotas », « attentatoire à la liberté de choix des électeurs » et, surtout, « annonciateur de modification des modes de scrutin ». À la question « Qui est responsable de la faible participation des femmes ? », vous répondiez : « Ce sont les partis politiques ; donc, contentons-nous d’inciter les partis politiques à être ? vertueux ? ».

Vous avez été battu à l’époque et la raison l’a emporté, fort heureusement. En relisant les débats d’alors, vous comprendrez que vous n’êtes pas le mieux placé pour défendre de nouvelles avancées en matière de parité !

M. Patrice Gélard, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale. Ah !

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale. C’est incroyable ! On rapporte au nom de la commission !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Les lois qui ont été votées grâce à la réforme constitutionnelle- car, en l’absence de réforme, nous n’en aurions point eu -, en 2000 et 2003, obéissaient à deux logiques différentes.

La première était celle de l’obligation de parité sur les listes de candidats aux élections ayant lieu à la proportionnelle, tempérée pour les municipales.

La seconde logique était celle de l’incitation des partis politiques pour les élections législatives.

Les résultats sont éloquents.

Aujourd’hui, à l’Assemblée nationale, la proportion de femmes est de 12,2 %, contre 10,9 % en 1997 ; au Sénat, elle est de 17,2 %, contre 5,6 % en 1997. Les députées européennes sont passées de 30 % à 43,6 %. Dans les conseils régionaux, les conseillères, qui étaient 27,5 % en 1998, sont 47,9 % aujourd’hui. Les conseillères générales sont passées de 8,6 % en 1998 à 10,9 % aujourd’hui. Dans les conseils municipaux, pour les villes de plus 3 500 habitants, la proportion de femmes, qui était de 21 % en 1995 est de 46,4 % aujourd’hui et, pour les communes de moins de 3 500 habitants, elle est passée de 21 % en 1995 à 27,9 %.

J’en tire une conclusion évidente : seule la première logique, celle de l’obligation de présenter des femmes sur des listes alternée élues à la proportionnelle, a permis de faire progresser réellement la parité.

La seconde logique, celle qui s’est traduite par des pénalités financières, n’a pas eu l’effet que vous prétendiez rechercher, les grands partis politiques préférant acquitter des pénalités plutôt que de présenter des femmes à parité aux élections qui ont eu lieu ensuite.

Les investitures en cours, si j’en crois les protestations émises par les femmes mêmes de ces partis, vont nous le montrer encore en 2007, pour les prochaines législatives.

Comme le disait M. Yvon Collin en 1999, au rythme qui a prévalu depuis 1946 à l’Assemblée nationale, il faudra cinq cents ans pour y avoir la parité ! Vous comprendrez donc que nous soyons des défenseurs inébranlables de la proportionnelle pour cette raison, comme pour d’autres, qui tendent tout simplement à la juste représentation des citoyens.

Le projet que le Gouvernement nous soumet aujourd’hui est a minima, au regard des piteuses performances de la France en matière d’égalité - et nous méritons tous des critiques sur ce sujet -, surtout dans les sphères du pouvoir, puisqu’on retrouve le même ostracisme à l’égard des femmes dans les fonctions exécutives politiques, dans les directions de recherche, dans la haute fonction publique ou dans les directions d’entreprises.

Ajoutons que le non-renouvellement des mandats et le cumul, comme le non-renouvellement des élites en général, y sont évidemment aussi pour beaucoup.

Le Président de la République s’en est ému le 4 janvier 2006 et a promis de marquer son quinquennat de nouvelles avancées. Je rappelle qu’il l’a fait aussi pour les handicapés et dans bien d’autres domaines, sans résultat très concret !

Dans le même temps, quatorze propositions de loi d’origine sénatoriale, émanant de différents groupes, ont été déposées ; et je n’ai pas compté les éventuelles propositions de loi de l’Assemblée nationale ! Il y avait donc matière à proposer des changements efficaces avant la fin du quinquennat !

Or il a fallu attendre le mois de décembre, et encore, à l’arraché, sous la pression de la présidente de l’Observatoire de la parité - qui ne pouvait pas ne rien faire ! - et des délégations aux droits des femmes du Sénat et de l’Assemblée nationale pour que le Gouvernement consente à déposer un petit projet de loi de dernière minute !

La principale et quasi seule avancée concerne les exécutifs locaux. En effet, il est choquant, alors que le nombre de femmes élues a progressé grâce à la proportionnelle dans les assemblées locales, que cela n’ait eu que peu de conséquences sur les exécutifs.

Ainsi, une seule femme est présidente de région ; trois sont présidentes de conseil général ; six sur quarante-quatre sont maires de villes de plus de 100 000 habitants ; 7,7 % sont maires de communes de plus de 3 500 habitants ; 12 % sont maires de communes de moins de 3 500 habitants.

Concernant les exécutifs, elles ne sont que 23 % à être adjointes dans les communes de plus de 3 500 habitants et 37 % à être vice-présidentes de conseils généraux.

Donc, en ce qui concerne le renforcement de la parité dans les exécutifs municipaux et régionaux, nous approuvons le projet du Gouvernement, qui correspond à une partie de la proposition de loi que j’avais moi-même déposée avec mon groupe.

Nous sommes également favorables à l’élection à la proportionnelle sur liste alternée des adjoints au maire dans les communes de plus de 3 500 habitants ainsi que pour l’élection des membres de la commission permanente des conseils régionaux. Mais pourquoi réduire la portée des seules avancées de ce texte en rendant l’application des dispositions des articles 1er et 2 temporaires pour deux mandats ?

En revanche, je regrette beaucoup que l’extension du mode de scrutin des communes de plus de 3 500 habitants aux communes de moins de 3 500 habitants n’ait pas été retenue.

Plus de 80 % de nos concitoyens, qu’ils soient citadins ou ruraux, sont très majoritairement favorables à l’exercice de mandats électifs par les femmes. Qui plus est, vous-mêmes, chers collègues de la majorité, pour qui il est légitime que les femmes commencent par des mandats locaux, devriez être très favorables à cette proposition.

L’argument, souvent entendu dans cet hémicycle, selon lequel on ne trouverait pas assez de candidates ne tient pas. La proportion de femmes dans les conseils municipaux des communes de plus de 3 500 habitants prouve le contraire. Qui plus est, l’observation de la vie locale, y compris dans les petites communes, démontre tous les jours que les femmes sont souvent très engagées dans la vie « de la cité » sur de nombreux sujets.

Nous pouvons donc considérer que les femmes sont tout à fait à même de prendre leur place dans les conseils municipaux, y compris de petites communes, en nombre et, bien sûr, en qualité.

Je suis toujours effarée d’entendre parler de « qualité » pour les femmes et de « quantité » pour les hommes. C’est stupéfiant !

En revanche, les autres mesures contenues dans le présent projet de loi posent de sérieux problèmes.

Ainsi, les dispositions relatives aux élections cantonales ne nous paraissent pas sérieuses, en tout cas pour faire progresser la parité !

La proportion de femmes conseillères générales, c’est-à-dire 10 %, est dérisoire, et je ne parle même pas du nombre de présidentes de conseil général !

Doter les titulaires hommes d’une femme suppléante - en réalité, c’est bien de cela qu’il s’agira -, qui prendra leur place en cas de décès, ne me paraît pas très encourageant, sauf en cas d’épidémie... Je partage également le côté funéraire de la chose ! (Sourires sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)

Les propositions d’extension des possibilités de remplacement ne sont pas satisfaisantes non plus.

Au fond, nous sommes toujours dans votre logique, qui perpétue celle du rapporteur de la commission des lois du Sénat en 1919. Celui-ci déjà s’opposait au droit de vote des femmes - le Sénat s’y est d’ailleurs opposé six fois -,...

Mme Hélène Luc. Eh oui !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. ...au motif qu’elles n’avaient pas une éducation politique suffisante.

En 1995, un ancien secrétaire général du RPR, M. Mancel, ne déclarait-il pas que son parti proposerait des suppléantes aux candidats aux législatives parce qu’ainsi, en cinq ans, elles pourraient apprendre et, éventuellement, être ensuite candidates ? Cela dit, même de cela, vous n’en avez pas voulu pour les élections législatives !

En outre, les « tickets familiaux » aux élections sont toujours tentants. En réalité, il semble que vous utilisiez les femmes pour supprimer les élections partielles aux conseils généraux en cas de décès. Nous défendons donc une modification du mode de scrutin pour les élections cantonales.

S’agissant de l’aggravation des sanctions financières pour les scrutins législatifs, qui s’appliquera d’ailleurs seulement en 2012, force est de constater l’échec des dispositions actuellement applicables en cas de non-respect de la parité à ces élections.

Je vous le rappelle, en 2002, l’UMP a présenté 114 femmes et 466 hommes, contre 185 femmes et 350 hommes pour le parti socialiste.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Ce n’est pas bien !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Le parti de la majorité a préféré payer 4,26 millions d’euros de pénalités plutôt que de présenter des femmes candidates ! Cela démontre bien tout l’intérêt que la majorité porte au principe de parité.

En 1999, la Grèce était le seul pays de l’Union européenne où la proportion de femmes parlementaires était plus faible qu’en France. Grâce à l’adhésion de nouveaux pays, nous sommes passés au troisième rang dans le peloton de queue.

D’ailleurs, si nous avons un petit peu progressé au Parlement, c’est grâce à l’introduction d’une petite dose de proportionnelle au Sénat. Du coup, la Haute Assemblée devance l’Assemblée nationale, élue au suffrage universel direct. Pourtant, comme je le disais tout à l’heure, nos concitoyens sont très favorables à la parité.

Encore une fois, nous défendons donc à la fois la proportionnelle aux élections législatives et le retour de ce mode de scrutin au Sénat, dans les départements où l’on élit au moins trois sénateurs.

Je ne peux donc que regretter la frilosité du Gouvernement, qui peine à assumer des mesures volontaristes et concrètes en faveur de la parité. Aujourd’hui encore, nous constatons partout que l’on ne s’attaque pas aux bastions masculins, tels que les conseils généraux ou les structures intercommunales, qui sont pourtant les premiers responsables.

Cela dit, et il ne faut pas l’occulter, l’accès aux mandats locaux et aux fonctions électives serait facilité si un véritable statut de l’élu existait. La loi du 27 février 2002 relative à la démocratie de proximité a quelque peu fait avancer la situation. Il n’en reste pas moins que les femmes doivent plus que les hommes, aujourd’hui comme par le passé, concilier vie professionnelle, où elles sont rémunérées 27 % de moins que leurs collègues masculins à travail égal, et vie familiale, où elles effectuent 80 % des tâches ménagères. Dans ces conditions, elles hésitent encore à s’investir dans la vie politique.

Prévoir la modernisation des conditions d’exercice des mandats tant locaux que nationaux profiterait non seulement aux femmes, mais également aux hommes. Bien entendu, notre volonté est non pas d’évincer ces derniers de la vie politique, mais bien de garantir un égal accès.

Or nous constatons un déficit en matière de dispositifs de garde d’enfants, de personnes dépendantes, mais également en matière de valorisation des acquis de l’expérience ou encore de garanties indemnitaires auxquelles pourraient avoir droit les élus reprenant une activité professionnelle.

Nous avons pour objectifs de faciliter le retour à la vie professionnelle et de permettre une meilleure prise en charge des contraintes familiales durant le mandat. Nous avons d’ailleurs déposé des amendements en ce sens.

La mise en place d’un statut de l’élu digne de ce nom a forcément un coût à la fois politique et social ; il faudra bien l’assumer. Pourtant, l’amélioration de la situation des élus serait évidemment favorable à une meilleure représentation des femmes en politique. Chacun le sait, elles représentent 53 % du corps électoral. Il est temps de leur donner la place qui est la leur, tout simplement.

La question de l’accès des femmes à la vie politique n’est pas non plus à écarter totalement de celle du cumul des mandats et du non-renouvellement de la classe politique.

Nos concitoyens sont exaspérés par le décalage entre la société et la représentation politique, qu’il s’agisse des femmes, c’est-à-dire la moitié de la population, des jeunes, des Français issus de l’immigration ou des couches populaires. Comme vous pouvez le constater, ils l’expriment de plus en plus vivement.

L’inscription du principe de parité dans notre Constitution, que la majorité sénatoriale a eu bien du mal à admettre, a permis de commencer à modifier un peu les photos en noir et blanc et en « costume-cravate » de nos hémicycles ; je parle des hémicycles territoriaux, car il n’en est rien au Parlement. Il y a beaucoup à faire. Le législateur a le devoir de prendre des mesures efficaces, non des faux-semblants, et concrètes.

Aussi, nous regrettons que la commission des lois ait refusé tous nos amendements, qui étaient pourtant issus de propositions de loi sénatoriales, et repoussé la plupart des recommandations de la délégation aux droits des femmes de notre Haute Assemblée.

Ce matin, Mme Catherine Vautrin, ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité, affirmait que ce projet de loi lui tenait particulièrement à coeur. Je voudrais donc l’interroger : que ne l’a-t-elle pas déposé plus tôt ? Si ce texte lui tenait tellement à coeur, pourquoi avoir attendu l’extrême limite du quinquennat pour le soumettre au Parlement ? Peut-être une présentation moins tardive de ce projet de loi nous aurait-elle permis d’avoir un débat plus efficace et de vous convaincre qu’il fallait tout de même faire preuve d’un peu plus d’audace.

C’est pourquoi nous voterons évidemment les amendements qui permettraient d’améliorer le présent projet de loi. Sur le texte lui-même, si aucun de ceux que nous avons déposés n’était adopté, nous serions au regret de devoir nous abstenir.

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