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Lois

Avant d’être débattu et voté en séance publique, chaque projet ou proposition de loi est examiné par l’une des sept commissions permanentes du Sénat : lois, finances, affaires économiques, affaires étrangères et Défense, affaires culturelles, affaires sociales, aménagement du territoire et du développement durable. Classées par commissions, retrouvez ici les interventions générales et les explications de vote des sénateurs CRC.

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Expulsion des étrangers : question préalable

Par / 15 juillet 2004

par Nicole Borvo

Cette proposition de loi est selon nous totalement inopportune. Elle constitue une fausse réponse à la montée préoccupante des fondamentalistes, et remet en cause la réforme consensuelle de la double peine ; elle est une marque de défiance inacceptable à l’égard des tribunaux.

La proposition de loi trouve son origine directe dans « l’affaire de l’imam de Vénissieux » qui a tenu des propos inqualifiables, justifiant par le Coran le châtiment corporel des femmes infidèles.

Dès que la décision du tribunal administratif de Lyon suspendant l’arrêté d’expulsion a été connue, le Président de la République a déclaré que, si la loi devait être modifiée, elle le serait. C’était un propos d’opportunité, et nous poursuivons en ce sens !

Cette proposition de loi, qui propose d’ouvrir plus largement le champ des exceptions à la protection contre l’éloignement du territoire répond à l’objectif visé, la lutte contre un islamisme radical ? Nous ne le pensons pas, ce qui ne signifie pas qu’il ne faille rien faire : le maire de Vénissieux avait réagi très rapidement pour demander qu’une action judiciaire soit déclenchée à l’encontre de M. Bouziane. Notre groupe ne peut être pris en défaut sur l’action en faveur des droits des femmes : nous avons mené des actions aux échelons national et international, contre les mutilations ou la bigamie des femmes afghanes ou nigérianes. Ce sont des sujets sur lesquels nous aimerions même être plus soutenus !

Nous ne pouvons dès lors qu’approuver le déclenchement de poursuites judiciaires pour apologie de crime.

Mais la proposition de loi répond-elle au problème posé ? Notre rapporteur a insisté sur le fait que « cette nouvelle rédaction permettrait de lutter efficacement contre ceux qui, par leurs comportements, leurs propos ou leurs écrits portaient atteinte aux valeurs fondamentales de la République et à la cohésion sociale ».

C’est passer sous silence le fait que de tels propos particulièrement violents et discriminatoires à l’égard des femmes sont susceptibles d’être pénalement sanctionnés. Circonscrire la question à l’article 26 de l’ordonnance du 2 novembre 1945, alors que la justice administrative n’a encore rendu aucune décision au fond, conduit à occulter les véritables enjeux du débat : ce type de propos n’est pas l’apanage exclusif d’étrangers ! Il serait illusoire de le croire en outre alors que les renseignements généraux viennent de publier une étude alarmante sur le repli communautaire des quartiers : le rappel au respect de la loi républicaine en direction des communautés musulmanes appelle, de l’autre côté, des marques de respect de la nation française à l’égard de ces communautés.

Monsieur le Ministre, qu’en est-il du budget du fonds d’action et de soutien pour l’intégration et la lutte contre les discriminations (Falsid) ? Qu’en est-il du projet de loi de lutte contre les discriminations ? Peut-être y verrons-nous plus clair en janvier 2005. L’urgence affirmée par le gouvernement en cette matière ne justifie pas l’adoption d’une loi plus démagogique qu’efficace.

Cette proposition de loi permet en revanche de revenir sur les dispositions de la loi du 16 novembre 2003 visant à circonscrire le champ d’application de la « double peine ».

Un changement complet de logique s’opère : on fait comme si la double peine était supprimée, alors qu’en sont exclues des personnes qui entretiennent des liens étroits avec notre pays, et n’en ont pas avec d’autres.

Lors de la discussion en séance publique des dispositions de l’article 26 de la loi, M. Sarkozy avait affiché sa volonté de ne pas entrer dans les exceptions de la double peine « parce que, à entrer dans les exceptions, - par exemple, pour le trafic de drogue ou viol - on passerait à côté de la logique de la « double peine ». Moi, si je vous demande de reformer la « double peine », c’est, non pas parce qu’il y a des crimes ou des délits qui seraient moins graves que d’autres, mais parce qu’il s’agit de Français, en fait, de facto ».

Si l’on change de perspective en se posant la question des exceptions, le champ devient illimité : on trouvera toujours un comportement particulièrement répréhensible pour justifier de nouvelles exceptions.

D’ailleurs, la rédaction de la proposition de loi est suffisamment confuse pour laisser la plus grande marge d’interprétation : désormais, tous les étrangers, y compris ceux qui ont les attaches les plus fortes avec la France, pourront être éloignés du territoire dès lors qu’ils auront manifesté des comportements « constituant des actes de provocation explicite et délibérée à la discrimination, à la haine ou à la violence contre une personne déterminée ou un groupe de personnes ».

On serait bien en peine de définir ce que recouvre une notion qui se trouve désormais fondue dans la lutte contre toutes les formes de violence.

Je le redis : il ne s’agit pas d’une sanction pénale, mais de l’exclusion de personnes sans attaches avec d’autres pays que la France.

Cette proposition de loi apparaît finalement comme un alibi pour revenir sur la réforme de la double peine que certains semblent n’avoir accepté qu’à contrecœur, alors même que, nous l’avions dit à l’époque, la réforme ne constituait une avancée relative.

Est en effet conservé le principe même de la double peine, et les catégories protégées de l’expulsion sont suffisamment restrictives pour ne concerner qu’une infime minorité de personnes étrangères : outre les étrangers entrés en France avant l’âge de treize ans, ceux ayant leur résidence habituelle en France depuis plus de 20 ans ou depuis plus de 10 ans, à condition soit d’être parent d’un enfant français et de subvenir à ses besoins depuis la naissance ou depuis au moins un an, soit d’être conjoint de Français depuis au moins trois ans, soit d’être conjoint d’un étranger entré depuis l’âge de 13 ans, ou d’être dans un état de santé tel que l’expulsion serait contraire au principe d’humanité. Certaines associations ont alors même pu parler de réforme « en trompe-l’œil ». Pourtant, il faut croire que cet entrebâillement était déjà trop, puisqu’un fait divers referme cette porte.

Au-delà de ces éléments, je souhaiterais en évoquer un troisième qui justifie à lui seul de voter cette question préalable : il n’est pas acceptable, dans un pays qui se réclame de l’état de droit, que les parlementaires légifèrent pour faire obstacle à une décision de justice !

En effet, la proposition de loi a été déposée en réaction à la suspension par le tribunal administratif de Lyon de l’arrêté ministériel d’expulsion de l’imam Bouziane. Le message est clair : les juges ne suivent pas le gouvernement ? Changeons la loi pour les lier dans leur interprétation de la loi ! Je rappelle que la décision qui est à l’origine de cette affaire est une décision de référé, et non un jugement au fond : la moindre des choses eût été d’attendre et la position du Conseil d’État sur le référé, et la décision au fond.

C’est un geste de défiance inacceptable de la part du gouvernement et de sa majorité à l’égard de la juridiction administrative, d’autant plus fort que, dans le même temps, le gouvernement a souhaité présenter un texte dessaisissant les tribunaux administratifs de leur pouvoir de juger, en premier ressort, de la légalité des arrêtés ministériels d’expulsion.

Bien que, sous la pression du syndicat des juges administratifs, le gouvernement ait renoncé à confier au seul Conseil d’État la compétence de premier et dernier ressort pour ce type de contentieux, le dernier projet donne compétence exclusive au tribunal administratif de Paris en la matière. Cette compétence d’exception pourrait se concevoir si l’article 26 limitait les arrêtés d’expulsion aux seuls cas d’atteinte aux intérêts fondamentaux de l’État ou aux crimes de terrorisme - on sait que le T.G.I. de Paris est actuellement seul compétent pour le jugement des crimes de terrorisme - mais dans un contexte extrêmement élargi, cette compétence exclusive ne se justifie pas.

Au vu de tous ces éléments, les sénateurs du groupe C.R.C., vous demandent de ne pas délibérer sur une proposition de loi de circonstance et inopportune.

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