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Lois

Avant d’être débattu et voté en séance publique, chaque projet ou proposition de loi est examiné par l’une des sept commissions permanentes du Sénat : lois, finances, affaires économiques, affaires étrangères et Défense, affaires culturelles, affaires sociales, aménagement du territoire et du développement durable. Classées par commissions, retrouvez ici les interventions générales et les explications de vote des sénateurs CRC.

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L’inefficacité de la réforme est patente

Limite d’âge des magistrats de l’ordre judiciaire -

Par / 19 décembre 2011

Monsieur le président, monsieur le ministre, le projet de loi organique que nous examinons concernait, à l’origine, comme M. le rapporteur vient de le souligner, l’application à la magistrature de l’accélération du relèvement de l’âge de départ à la retraite prévue dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2012.

En effet, un an à peine après avoir décidé la réforme des retraites censée, selon le Gouvernement, « assurer le maintien de l’équilibre du système », celui-ci revient sur sa copie non pour corriger ses fautes mais pour en ajouter.

Évidemment, vous ne serez pas surpris, monsieur le ministre, d’entendre que nous contestons cette mesure, comme bien d’autres d’ailleurs, contenue dans le « plan de rigueur », qui vise à ponctionner tous les Français sauf les plus aisés. En la contestant, nous sommes cohérents avec l’opposition générale que nous avons manifestée au sujet du report de l’âge de la retraite, car il s’agit d’une proposition injuste, mais aussi inopérante pour ce qui est de réduire les déficits ou l’endettement. Cette énième réforme sera inefficace aussi bien dans le secteur public que dans le secteur privé. Les derniers chiffres du chômage sont là pour vous rappeler que la situation des salariés âgés ne s’améliore pas, bien au contraire. Quoi qu’il en soit, la bataille des retraites n’est pas encore finie : on y reviendra sans aucun doute en 2012.

L’inefficacité de la réforme est patente s’agissant du présent projet de loi organique.

Nous nous sommes interrogés sur les conséquences de l’application immédiate aux magistrats des mesures relatives aux retraites et sur leur intérêt pour les finances publiques. L’étude d’impact, jointe au projet, fait état d’une économie de 470 000 euros en raison de l’application de la réforme des retraites aux magistrats de l’ordre judiciaire. Toutefois, elle ne tient pas compte, comme le souligne le rapport, du coût de maintien plus long dans leurs fonctions de magistrats au sommet de la grille indiciaire. En prenant en considération ce paramètre, l’économie à laquelle nous aboutissons est en réalité nulle. La réforme serait même plus onéreuse pour le budget global de l’État.

La logique nous oblige à admettre, monsieur le ministre, que de nombreux magistrats, à la suite du double cumul de l’âge de départ à la retraite et de l’âge limite, resteront plus longtemps dans leurs fonctions, ce qui empêchera de facto la génération suivante, qui coûte pourtant moins cher à l’État, de prendre leur place. Par conséquent, le maintien en fonction les anciennes générations obère le recrutement des plus jeunes, ce qui est parfaitement regrettable.

En modifiant le texte initial, au dernier moment et discrètement, car la consultation des organisations syndicales a été réalisée en un tour de main, le Gouvernement tente de faire adopter par le Parlement, en procédure accélérée, quatre dispositions, par voie d’amendements, sans rapport avec la retraite des magistrats. Ces quatre amendements portant sur le statut de la magistrature sont issus d’un projet de loi organique en attente d’examen.

Dans ce texte, figuraient une dizaine de mesures, dont une réforme des procédures organisant la réintégration dans les fonctions juridictionnelles après détachement ou congé parental et une réforme relative au statut des juges de proximité. Ces derniers seront amenés, pour bon nombre d’entre eux, à quitter leurs fonctions prochainement, l’ordonnance de 1958, modifiée en 2003 afin d’y intégrer la loi créant les juges de proximité, ne leur permettant pas d’exercer leurs responsabilités plus de sept ans. Le projet de loi organique initial prévoyait de porter la durée maximale de leurs fonctions à dix ans. L’urgence aurait bien été justifiée en ce qui les concerne puisqu’ils attendent de connaître le sort qui leur sera réservé !

Monsieur le ministre, vous avez précisé à l’Assemblée nationale que ces quatre dispositions ont fait l’objet d’une concertation avec les organisations syndicales, ce que vous venez de réaffirmer à l’instant devant le Sénat. Pourtant celles-ci s’étonnent du recours à la procédure d’urgence et déplorent qu’un réel débat ne puisse être mené sur des articles importants pour le statut des magistrats.

En effet, à l’exception de la disposition relative au comité médical national chargé de gérer les situations particulières des magistrats en cas de maladie, dont l’examen d’urgence se justifie pleinement eu égard à la multiplication des situations de souffrance au travail des magistrats ces dernières années, l’usage de la procédure législative ordinaire, qui garantit le déroulement normal du débat, aurait été plus approprié.

Une des dispositions de ce texte, tout particulièrement, est loin de faire l’objet d’un consensus. Je veux parler de celle qui porte de six à douze ans la durée pendant laquelle un magistrat pourrait exercer la fonction de magistrat placé et qui interdit ainsi aux magistrats placés l’accès à tous les postes correspondant à leur grade.

Les magistrats placés constituent, à l’évidence, un contingent à la libre disposition du chef de cour et ne bénéficient d’aucune garantie de pérennité dans l’exercice de leurs fonctions. Il est indispensable de limiter cette précarité. La tentation est forte, en effet, d’utiliser les magistrats placés non pas pour répondre à des situations locales difficiles, mais pour faire face à des vacances de postes volontairement organisées. Cette dérive a été constatée à l’occasion de la réforme de la carte judiciaire : on a volontairement fait fonctionner, pendant des mois, des juridictions vouées à la suppression avec des magistrats placés.

Pour nécessaire qu’elle soit, cette fonction doit rester exceptionnelle, car elle constitue une atteinte au statut des magistrats. Porter de six à douze ans sa durée revient à créer une véritable carrière de magistrats précaires. Le syndicat de la magistrature, par exemple, préconise de réduire la durée de cette fonction à quatre ans. Il aurait pu être intéressant de discuter de ce point.

De surcroît, les magistrats placés ne seraient même pas assurés de bénéficier d’une promotion en fin de parcours. L’article 2 prévoyait d’exclure les postes dit « B bis » de la « liste » des postes auxquels les magistrats peuvent prétendre de droit après une période de deux ans d’exercice de la fonction de placés. Ces postes correspondent à des postes de premier vice-président, de premier vice-président adjoint, de procureur de la République adjoint ou de premier vice-procureur de la République.

Si, dans certains cas cette situation peut aboutir au blocage de ces postes et empêcher l’avancement de magistrats plus expérimentés, l’amendement du Gouvernement revient à exclure automatiquement les magistrats placés de toute nomination à ces fonctions. Or ces derniers, selon vos propres mots, « sont souvent confrontés à des pratiques juridictionnelles diversifiées dans les juridictions dans lesquelles ils sont délégués ». Ils peuvent dès lors justifier parfois d’une expérience professionnelle riche, qui leur offre toutes les compétences requises pour accéder à des postes d’encadrement au même titre que les autres magistrats.

À l’évidence, ce point soulève de nombreuses questions méritant un débat qui permettrait de les approfondir et peut-être de modifier la façon de voir du Gouvernement. Qui plus est, certaines organisations professionnelles dénoncent la multiplication de ces postes d’encadrement intermédiaire qui ne correspondraient à aucune réalité dans un grand nombre de juridictions, ainsi que leur distribution inégalitaire.

L’ordonnance de 1958 dispose que le statut des magistrats doit être fixé par la loi organique afin de mettre l’indépendance de l’autorité judiciaire à l’abri de toute modification de circonstance. Encore faut-il que les délais laissés aux assemblées permettent un vrai travail de concertation. L’adoption par la commission d’un amendement supprimant entièrement l’article 2 est donc appropriée.

Dans la même logique de rejet des cavaliers législatifs, et même s’ils soulèvent moins d’interrogations, les articles 4 et 6 doivent être repoussés, afin que l’on puisse en débattre en même temps que du texte dont ils sont issus, texte toujours en attente et qui comporte d’autres dispositions tout à fait intéressantes. Il n’y a donc aucune raison de l’inclure dans ce texte examiné en procédure accélérée.

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