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Lois

Avant d’être débattu et voté en séance publique, chaque projet ou proposition de loi est examiné par l’une des sept commissions permanentes du Sénat : lois, finances, affaires économiques, affaires étrangères et Défense, affaires culturelles, affaires sociales, aménagement du territoire et du développement durable. Classées par commissions, retrouvez ici les interventions générales et les explications de vote des sénateurs CRC.

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La décentralisation face à la mondialisation libérale

Par / 29 octobre 2002

par Jean-Yves Autexier

Monsieur le président, madame, messieurs les ministres, c’est d’abord du point de vue de la France que ce projet de loi doit être jugé.
Beaucoup de bons esprits soulignent que les citoyens éprouvent un besoin de « proximité » et aimeraient que les décisions qui les concernent soient prises plus près de chez eux. C’est une aspiration légitime.
Mais où se trouve l’obstacle ? Réside-t-il dans l’organisation de l’Etat ou dans une mondialisation essentiellement financière qui a transféré les lieux de pouvoir hors des frontières le plus souvent, loin du contrôle des citoyens dans tous les cas ?

Bien sûr, les Français ressentent confusément que la politique économique est faite par les marchés, que la politique industrielle n’est plus qu’un souvenir. Ils voient bien que la politique monétaire se fait à Francfort, la politique commerciale à Genève - à l’OMC -, la politique de défense souvent à Washington.

M. Alain Gournac. Le disque est rayé !

M. Jean-Yves Autexier. Prétendre rétablir la fameuse proximité quand on laisse partir loin les centres de décision, c’est une contradiction. Le Premier ministre, dans une de ses formules inimitables, nous a dit ce matin : « La République s’exprime dans ses proximités. » Est-ce pour compenser le fait qu’elle est en tutelle à Bruxelles, à Genève, à Francfort, à Washington qu’on l’invite à parler plus fort à Limoges et à Besançon ? (Sourires.)

Le projet de loi vise à organiser la concurrence des régions, alors même que nous avons à forger la solidarité nécessaire pour relever les défis de la mondialisation.
Il établit un étrange principe de subsidiarité, selon lequel les collectivités locales ont toutes les compétences, sauf celles qu’elles ne peuvent exercer seules. C’est une forme de négation du rôle propre de l’Etat qui n’avait, à ce jour, jamais encore été envisagée. Or, l’Etat, c’est l’organisation dont la nation s’est dotée pour assurer sa survie dans la durée. Les collectivités locales en font partie. Il est malsain de dresser les collectivités locales contre l’Etat, au moment même où il faudrait préparer de grands projets que chacun servirait à sa place.

Des référendums régionaux sont envisagés, après que le peuple français aura été segmenté en vingt-deux peuples distincts. La rupture juridique n’est pas seulement une question de principe : on voit bien les rivalités que l’usage du référendum régional - en Corse comme ailleurs - dresseraient entre la région concernée et le reste du pays. C’est accepter d’effacer le bien public national au profit de biens publics régionaux. C’est mettre à mal la notion d’unité du peuple français. Bientôt, chacune de nos régions pourra négocier directement à Bruxelles les crédits du Fonds européen de développement régional, trouvant à la Commission des oreilles toujours bien disposées lorsqu’il s’agit de tenir les Etats en lisière.
La centrifugeuse est en route.

Ce risque de balkanisation territoriale est pris au moment où la mondialisation financière, la dérive libérale de la construction européenne remettent en cause les nations et les Etats, pour mettre les territoires en concurrence. De ce point de vue, la réforme est un mauvais service rendu à la France.
Le principe d’égalité se trouvera malmené de la même manière. Dans la compétition ouverte entre les régions, la concurrence sera inégale. L’Ile-de-France ou la région Rhône-Alpes seront mieux outillées que le Limousin ou la Franche-Comté pour pousser le lobbying à Bruxelles ; leurs habitants en subiront les conséquences.

M. Roger Karoutchi. C’est déjà le cas !

M. Jean-Yves Autexier. Plus préoccupant encore est le projet d’expérimentation. La loi comme le règlement pourront être écartés, dans telle ou telle région, à titre expérimental. Durant l’expérience, ou les expériences, la loi cessera d’être la même pour tous ; l’égalité des citoyens devant la loi deviendra lettre morte. On imagine aussi la complexité de la chose : transfert « provisoire » de compétences au profit de la région, transfert « provisoire » de personnels de l’Etat, transfert « provisoire » de ressources financières. Qu’adviendra-t-il à l’issue de l’expérience ? Le retour en arrière sera impossible. C’est dire que, sauf généralisation, on traversera la France comme au temps de Voltaire, où « on changeait plus souvent de loi que de cheval ». Et ce n’est pas la diversité qui effraie le républicain ; c’est la fin de l’égalité ! Le risque est de compter dans dix ans autant de lois que de régions.

Comment, dans le supermarché des compétences qui nous est proposé, fera-t-on respecter le principe d’égalité ? Une étude européenne des inégalités régionales avait pourtant montré que la France était le pays où elles étaient le moins marquées. Ce n’est pas le fait du hasard ou du jacobinisme. C’est le résultat de politiques volontaristes de péréquation, d’aménagement du territoire et de politiques anticipatrices.

Enfin, cette réforme risque d’empêtrer un peu plus le pays dans la contrainte financière imposée par le pacte de stabilité. L’Etat devra bien entendu, pour ne pas accroître les prélèvements obligatoires, réduire les dépenses à hauteur des ressources qu’il va transférer aux collectivités territoriales. Comment pourra-t-il abandonner ces recettes et continuer à aider les régions pauvres ? D’évidence, il ne pourra plus remplir correctement cette mission. C’est non pas une décentralisation mais une régionalisation soumise au principe de concurrence qui est mise en marche. Au nom de la proximité, les départements troqueront le contrôle et l’aide de l’Etat contre la tutelle des régions, avec tous les risques de rivalités politiques locales dont l’expérience montre qu’elles sont un facteur de paralysie infiniment plus fort que le dialogue avec les services de l’Etat. Sa conséquence, on l’a dit à plusieurs reprises, sera une fiscalité locale en hausse, une péréquation nationale en baisse. Quand la loi aura cessé d’être égale pour tous, on ne s’étonnera pas de voir le citoyen regimber devant l’impôt !

A défaut de moderniser l’Etat, on le balkanise, on régionalise les problèmes plutôt que les résoudre. Encore une fois, l’Europe est appelée à fournir le remède à nos maux. La subsidiarité en cascade serait le lien d’une Europe des régions. De la fameuse fédération des Etats-nations jusqu’à la plus petite commune de notre pays, tout serait ordre, beauté, luxe et... subsidiarité !

Dans cette périlleuse aventure où les nations s’évanouissent, l’oublié est le citoyen. Cette savante usine à gaz séduira les élus avant de semer entre eux la discorde. Elle ne correspond pas aux attentes des Français, qui ont besoin d’un Etat fort, garant de l’égalité et capable de relever les défis de la mondialisation. Inspiré par un néolibéralisme suranné, mitonné dans la marmite corse (Protestations sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants), où sont mêlés la violence, les lâchetés et l’opportunisme, ce projet mal né ne répond pas aux exigences de la France dans la tourmente de la mondialisation.

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