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Lois

Avant d’être débattu et voté en séance publique, chaque projet ou proposition de loi est examiné par l’une des sept commissions permanentes du Sénat : lois, finances, affaires économiques, affaires étrangères et Défense, affaires culturelles, affaires sociales, aménagement du territoire et du développement durable. Classées par commissions, retrouvez ici les interventions générales et les explications de vote des sénateurs CRC.

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La démocratie est en grand danger lorsque des proximités se développent ainsi entre les pouvoirs publics et l’argent

Paquet électoral -

Par / 2 mars 2011

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous examinons en discussion commune trois textes visant à actualiser les dispositions relatives aux campagnes électorales et aux conditions d’élection des députés, ainsi qu’à introduire de nouvelles exigences en matière de transparence de la vie politique.

On ne saurait mieux dire que M. le rapporteur de la commission des lois. Évoquant ces trois textes, il parlait d’un « amas de réformes disparates » et déclarait : « au vu de leurs enjeux, chacun d’entre eux aurait mérité un examen spécifique. » Pour ma part, j’ajouterai un élément que M. le rapporteur ne dit pas : les dispositions adoptées par l’Assemblée nationale laissent perplexe, voire créent un certain malaise.

En effet, le Président de la République a diligenté une mission présidée par Jean-Marc Sauvé sur la prévention des conflits d’intérêt dans la vie publique. La commission Sauvé a rendu son rapport, qui doit être suivi d’un projet de loi annoncé pour ces jours-ci, même si nous ne l’avons pas encore vu…

Certes, le rapport Sauvé concerne l’exécutif et les autorités qui en relèvent. Mais comment s’abstraire des propositions de ce rapport quand nous traitons des parlementaires ? À moins de considérer que le texte présenté par MM. Warsmann et de La Verpillière tendrait à éviter de suivre ces préconisations et à élaborer des lois a minima, sans se sentir concernés par des lois applicables seulement à l’exécutif… Ce n’est pas notre option !

La commission des lois a intégré un certain nombre d’amendements par rapport aux textes de l’Assemblée nationale.

À la suite d’un amendement de mon groupe visant à aligner l’âge d’éligibilité des sénateurs sur celui des députés et du Président de la République, désormais fixé à dix-huit ans, la commission, par prudence, a proposé l’âge de vingt-quatre ans. Nous y reviendrons dans le débat, et chacun donnera ses arguments.

La commission des lois a repris les propositions du groupe de travail du Sénat, qui ont été publiées récemment, sur les sanctions et inéligibilités applicables en droit électoral. De même, en matière de renforcement de la transparence dans la vie politique, elle a aggravé les sanctions financières et soumis les campagnes sénatoriales à la réglementation des comptes de campagnes, comme le prévoyait également le rapport du Sénat.

Nous partageons ces avancées, mais elles nous paraissent nettement insuffisantes au regard des exigences de moralisation de la vie politique.

Je centrerai donc mon propos sur les inéligibilités et sur la transparence financière de la vie politique.

Nous le savons tous, la démocratie est en grand danger lorsque des proximités se développent entre les pouvoirs publics et l’argent. En témoignent les nombreuses dérives auxquelles nous avons récemment assisté – je ne les énumérerai pas –, qui démontrent la terrible porosité des frontières entre ces deux sphères.

Face à la multiplication de telles dérives, confortées par une législation lacunaire en la matière, les membres du groupe CRC-SPG avaient déposé une proposition de loi, discutée ici même au mois d’octobre dernier, visant à garantir l’indépendance du pouvoir exécutif vis-à-vis du pouvoir économique. Bien entendu, la majorité a refusé de l’adopter, arguant que l’on verrait « plus tard »…

Tout pouvoir se prête à des abus, et le pouvoir absolu donne à certains des abus une grande envergure. Nous ne mentionnerons pas toutes les affaires qui se cumulent impunément. Mais leur grand nombre rejaillit sur tous les politiques, de manière injuste pour la grande majorité des élus, qui sont bien loin des affaires, mais qui en supportent néanmoins les conséquences. Selon nos concitoyens, c’est l’ensemble de la classe politique qui voterait des lois à son avantage !

Nous avons tous en mémoire les errements des années quatre-vingt et le cortège d’affaires politico-financières.

C’est dans ce contexte que sont intervenues les lois du 23 octobre 1984 visant à limiter la concentration et à assurer la transparence financière et le pluralisme des entreprises de presse, du 11 mars 1988 relative à la transparence financière de la vie politique et du 29 janvier 1993 relative à la prévention de la corruption et à la transparence de la vie économique et des procédures publiques, un arsenal qui se révèle aujourd’hui largement insuffisant face à la croissance des situations de conflit d’intérêt.

Comme le souligne le rapport Sauvé, bien que la France dispose d’une importante législation concourant à la sanction des conflits d’intérêts, celle-ci apparaît obsolète et incapable de prévenir les dérives. D’ailleurs, elle est assez peu appliquée, compte tenu de la proximité entre la justice et le pouvoir politique.

Il est vrai que la loi du 11 mars 1988 relative à la transparence financière de la vie politique a mis en place des mécanismes visant à isoler le monde politique du monde des affaires. Son article 3 oblige ainsi les membres du Parlement à établir une déclaration de patrimoine dans un délai de deux mois après leur nomination et dans les deux mois qui suivent la cessation de leurs fonctions. Ils doivent en outre faire état de « toutes les modifications substantielles de leur patrimoine » au cours de cette période.

Le contrôle des évolutions de la situation patrimoniale est assuré par la Commission pour la transparence financière de la vie politique. Mais, et tout le monde en convient, à commencer par cette commission, elle ne dispose ni des pouvoirs d’investigation nécessaires à l’exercice de sa mission ni des moyens suffisants pour endiguer et sanctionner d’éventuels abus. Dans les rapports qu’elle publie, au moins tous les trois ans, elle demande de manière récurrente à être investie des moyens de contrôle et de sanctions efficaces.

La Commission déplore non seulement une dégradation du respect des délais de dépôt, avec 33 % de défaillants aux dernières élections municipales, mais aussi l’absence de moyens suffisants pour vérifier l’exactitude des montants communiqués.

Dans une lettre qu’il avait adressée à Jean-Marc Sauvé, M. Philippe Séguin, membre de droit de la Commission, regrettait que chacune de ses séances comprenne « des dossiers pour lesquels sa mission ne pouvait être convenablement assurée ». Il dénonçait en outre l’absence de déclaration du patrimoine du conjoint et l’incomplétude volontaire du patrimoine familial déclaré, qui rend « fallacieuse » l’analyse de la Commission. Il déplorait enfin qu’elle ne puisse « demander le montant des revenus ni accéder aux dossiers fiscaux » et qu’elle ne soit pas « destinataire des alertes déclenchées par TRACFIN », c’est-à-dire la cellule anti-blanchiment de Bercy.

Par la suite, à la fin du mois de novembre 2009, Christian Pierre, conseiller honoraire à la Cour de cassation, avait démissionné de la commission. Il avait lui aussi préalablement adressé une longue lettre à ses collègues pour décrire son désarroi.

Son constat est sans appel : « La commission ne contrôle rien. Elle ne fait que recevoir des déclarations. C’est tout. Comme un confessionnal. Ces déclarations peuvent être entièrement fausses sans que rien ne permette d’en détecter l’artifice. »

La messe est dite.

Ainsi, le texte qui a pour objectif premier la transparence de la vie politique ne va pas assez loin et est clairement en recul par rapport à sa rédaction initiale.

L’article 4, qui prévoyait d’exiger que la déclaration de fin d’exercice des fonctions comprenne également le détail des revenus perçus a, malheureusement, été supprimé à l’Assemblée nationale. La raison invoquée était que l’article 5, qui prévoit la transmission à la Commission pour la transparence financière de la vie politique, à sa demande, des déclarations d’impôt sur le revenu et d’impôt de solidarité sur la fortune, devrait suffire à garantir une information plus complète.

Or les dispositions de l’article 4, qui rendaient obligatoire et automatique la transmission des revenus, nous semblaient plus à même de garantir cette information.

De surcroît, l’article 5 prévoit désormais que la Commission pour la transparence financière de la vie politique devra faire la demande de transmission des déclarations d’impôt sur le revenu et d’impôt de solidarité sur la fortune aux personnes intéressées, et que celle-ci ne pourra s’adresser à l’administration fiscale qu’à défaut de réponse de la personne concernée dans un délai de deux mois.

Là encore, le texte fait preuve d’une grande timidité et marque un recul par rapport à la rédaction initiale.

Dès lors, ainsi que l’a souligné le rapport Sauvé, il aurait été préférable, voire indispensable, de mettre en place un dispositif de déclaration d’intérêts distinct du dispositif de déclaration de patrimoine instauré par la loi de 1988. C’est ce que nous vous proposerons de faire par voie d’amendement.

Cette déclaration devrait être publique et mentionner les activités professionnelles des parlementaires comme des membres du Gouvernement et de leurs conjoints, ainsi que toutes leurs fonctions rémunérées ou non et leurs participations dans le capital de sociétés commerciales.

Elle devrait également comprendre le montant des dons et des cadeaux dès lors que ces derniers excèdent un certain plafond fixé par la loi. En effet, la France ne connaît pas de réglementation générale en la matière, contrairement à de nombreux États de l’Organisation de coopération et de développement économiques, l’OCDE, qui disposent d’un cadre contraignant. La Commission européenne s’est également dotée d’un code de bonne conduite.

Le Gouvernement est prompt à s’aligner sur ce qui se pratique ailleurs, notamment en Europe, mais quelquefois il fait preuve de moins de zèle…

L’amendement de M. Copé et de ses collègues, qui visait à supprimer la nouvelle incrimination pénale en cas de fausse déclaration, relève également d’un procédé inacceptable.

En ce qui nous concerne, nous ne voyons pas d’ambiguïté possible : les élus doivent être sanctionnés dès lors qu’ils ne jouent pas le jeu de la transparence. C’est la moindre des choses par rapport à leurs électeurs.

Nous sommes convaincus de la nécessité d’assurer une transparence financière qui s’applique aux différents aspects de la sphère économique. Nous ne cultivons pas le soupçon tatillon, mais nous voulons instaurer une réelle barrière entre les intérêts privés et les mandats d’élus. Cette barrière sera d’autant plus réelle que les incompatibilités seront claires entre les activités économiques et politiques.

Si nous proposons d’interdire à un parlementaire d’exercer une activité professionnelle, c’est pour une double raison, qui ne tient pas essentiellement à un éventuel conflit d’intérêts, qui justifie, par exemple, qu’un parlementaire ne puisse continuer d’être fonctionnaire et de percevoir à ce titre un salaire versé par l’État.

La première raison qui, selon nous, doit expliquer cette interdiction, que nous défendons, est que l’exercice du mandat de parlementaire requiert un investissement de l’élu à plein temps au Parlement et dans sa circonscription. C’est comme tel qu’il doit être indemnisé. Exercer une activité professionnelle nous paraît aller à l’encontre de la réalité de ce mandat.

Ne pas se couper de sa profession pourrait s’envisager autrement, notamment en limitant les renouvellements de mandats. Nous sommes opposés, nous aurons l’occasion d’y revenir, à la pratique de certains députés qui deviennent sénateurs et installent un « clone » pour les remplacer.

La deuxième raison qui doit expliquer cette interdiction tient à l’égalité de traitement des parlementaires selon leurs origines professionnelles. En effet, un salarié, un ouvrier, un employé, un cadre d’entreprise ou un fonctionnaire ne peut continuer son activité tandis que les professionnels libéraux, les patrons, les professeurs d’université en ont l’autorisation, et ce pour un nombre d’années considérable. Toute justification de l’état actuel du droit ne tient pas. Il s’agit, en fait, de survivance de privilèges participant de l’élitisme croissant d’assemblées censées représenter le peuple. C’est la raison pour laquelle nous défendrons un amendement visant à supprimer la différence de traitement entre les parlementaires.

Je n’ai pas traité de l’ensemble des questions, nous y reviendrons lors de la discussion des articles.

En conclusion, je souligne que la commission a refusé de retenir le moindre amendement ayant trait à des conflits d’intérêts, au motif que ce sujet sera abordé plus tard, ce que je regrette. Les parlementaires avaient l’opportunité de montrer l’exemple. La majorité n’a pas saisi cette chance. Nous le déplorons et, en l’état actuel, nous ne voterons pas ces textes.

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