Groupe Communiste, Républicain, Citoyen, Écologiste - Kanaky

Lois

Avant d’être débattu et voté en séance publique, chaque projet ou proposition de loi est examiné par l’une des sept commissions permanentes du Sénat : lois, finances, affaires économiques, affaires étrangères et Défense, affaires culturelles, affaires sociales, aménagement du territoire et du développement durable. Classées par commissions, retrouvez ici les interventions générales et les explications de vote des sénateurs CRC.

Lire la suite

La lutte contre le fléau social que constitue le harcèlement sexuel ne peut se limiter à son volet répressif

Harcèlement sexuel -

Par / 11 juillet 2012

Présidente de la délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes.

Madame la présidente, mesdames les ministres, mes chers collègues, l’abrogation par le Conseil constitutionnel de la disposition pénale relative au délit de harcèlement sexuel a créé dans notre droit pénal un vide juridique choquant.

Ce vide, nous devons le combler au plus vite pour ne pas laisser sans protection des victimes de telles violences et pour ne pas envoyer un message d’impunité aux harceleurs.

La constitution d’un groupe de travail commun nous a permis, à travers un large programme d’auditions, de mieux prendre la mesure de la réalité du harcèlement sexuel comme des difficultés que pose sa répression et de dresser le cahier des charges d’une nouvelle définition du délit qui soit à la fois conforme aux exigences constitutionnelles de clarté de la loi et plus protectrice pour les victimes.

Nous pouvons en attendre une amélioration de la réponse pénale, mais la lutte contre le fléau social que constitue le harcèlement sexuel ne peut se limiter à son volet répressif. Aussi notre délégation insiste-t-elle également sur la nécessité d’une politique d’information et de prévention.

Parce que l’on a longtemps sous-estimé son impact sur les victimes, le harcèlement sexuel reste un phénomène peu étudié et sous-évalué. L’enquête nationale sur les violences envers les femmes réalisée en 2000 nous en a donné un premier aperçu, mais cette étude a maintenant plus de dix ans et des enquêtes ponctuelles, comme celle qui a été réalisée en 2007 en Seine-Saint-Denis, ont montré que les violences sexuelles étaient sans doute plus fréquentes encore qu’alors, en particulier dans le monde du travail.

Il est nécessaire de mieux appréhender la réalité de ce phénomène pour guider les actions de prévention et pour évaluer les politiques publiques.
C’est pourquoi nos deux premières recommandations portent respectivement sur la réalisation d’une nouvelle enquête sur les violences faites aux femmes en France et sur la création d’un observatoire national des violences envers les femmes.

Cet observatoire n’aurait pas seulement pour vocation de réaliser des études, mais pourrait également, à l’image de l’observatoire des violences de Seine-Saint-Denis, constituer une plateforme de collaboration entre les acteurs engagés dans la lutte contre les violences.

Il serait également le correspondant naturel des observatoires locaux.
Madame la ministre des droits des femmes, au cours de votre audition, le 26 juin dernier, vous nous avez fait part de l’accueil favorable que vous réserviez à titre personnel à ces deux recommandations. Peut-être pourrez-vous nous indiquer les engagements que le Gouvernement peut aujourd’hui prendre et à quelle échéance. C’est d’ailleurs l’objet de l’amendement que j’ai déposé.
Les comportements de harcèlement sexuel ne donnent lieu qu’à un faible nombre – de l’ordre du millier par an – de poursuites devant les tribunaux et à un nombre plus réduit encore – entre soixante-dix et quatre-vingts par an – de condamnations pénales.
En outre, le délit de harcèlement sexuel est souvent utilisé pour déqualifier, dès qu’elles surviennent dans la sphère professionnelle, des atteintes sexuelles plus graves.

Aussi, nous vous demandons, madame la garde des sceaux, et c’est notre troisième recommandation, de veiller à ce que le nouveau délit de harcèlement sexuel ne soit plus utilisé pour sanctionner des agissements qui relèvent, en réalité, d’incriminations pénales plus lourdes.

M. Jean-Jacques Hyest. C’est vrai !

Mme Brigitte Gonthier-Maurin, présidente de la délégation aux droits des femmes. Nous recommandons la mise en place d’une politique plus systématique de dépistage et de prévention du harcèlement sexuel ainsi que de protection de ses victimes, à travers une meilleure implication des différents acteurs.
La médecine du travail doit pouvoir jouer un rôle plus actif dans la détection des situations de harcèlement sexuel et dans l’accompagnement de ses victimes. Ces deux aspects devraient figurer expressément parmi les missions qui sont assignées aux médecins du travail par l’article R. 4623-1 du code du travail.
Comme le confirment les enquêtes réalisées en Seine-Saint-Denis, c’est d’abord à leur médecin traitant que les victimes se confient le plus volontiers. C’est donc bien l’ensemble des professionnels de santé qu’il faut former à la détection des situations de harcèlement sexuel et à l’accompagnement des victimes.

Nous recommandons également aux organisations syndicales et aux délégués du personnel de s’impliquer pleinement dans la lutte contre le harcèlement sexuel.
Celui-ci, nous le savons, peut constituer une source importante de souffrance au travail, tout particulièrement pour les femmes ou pour des personnes harcelées du fait de leur identité ou orientation sexuelle, comme nous l’ont rappelé les organisations représentant les lesbiennes, gays, bisexuels et transgenres.
Les associations de défense des droits des femmes ont déjà la possibilité d’ester en justice dans les procès pénaux. Nous souhaitons qu’elles puissent, dorénavant, le faire aussi dans des procès civils et, en particulier, devant les juridictions prud’homales.
Les représentants des syndicats nous ont indiqué qu’ils ne souhaitaient pas conserver le « monopole » dont ils disposent actuellement. J’ai donc déposé un amendement en ce sens.

Nous souhaitons également que les employeurs publics – l’État, les collectivités territoriales – se sentent responsables de la lutte contre le harcèlement sexuel dans leurs administrations respectives.
Corollaire de cette responsabilité, il faut intégrer dans la formation initiale et continue des personnels d’encadrement des différentes fonctions publiques des modules d’enseignement qui leur permettent de détecter les situations de harcèlement sexuel et d’y répondre de façon adaptée.
Nous avons, en outre, adopté deux recommandations relatives à l’enseignement supérieur.

Elles font suite aux préoccupations exprimées par le CLASCHES, le collectif de lutte anti-sexiste contre le harcèlement sexuel dans l’enseignement supérieur, qui a attiré notre attention sur la faiblesse des recours dont disposent les étudiants et étudiantes, les doctorants et doctorantes. Étant considérés comme des usagers du service public, ils et elles ne bénéficient pas à ce titre de la protection statutaire assurée aux agents publics.

La future enquête sur les violences envers les femmes devra donc comporter un volet sur les atteintes sexuelles dans l’enseignement supérieur.
Il faudra aussi améliorer la protection des étudiants et doctorants à travers une réforme de la saisine et de la composition des sections disciplinaires des établissements, ainsi que de leurs procédures d’instruction.
Lorsque des faits d’une gravité manifeste seront avérés, les sanctions devront pouvoir être assorties d’une interdiction d’enseigner.

Le harcèlement sexuel est un phénomène également fréquent dans le monde sportif. Il s’agit alors d’agissements d’autant plus choquants qu’ils touchent souvent des enfants ou des adolescents, donc des victimes particulièrement vulnérables.

En 2008, le ministère des sports avait lancé, en partenariat avec le Comité national olympique et sportif français, un plan de lutte contre le harcèlement et les violences sexuelles dans le sport. Il ne faut pas en rester là et, comme les autres mouvements associatifs ne sont pas exempts de ces comportements, un effort général de sensibilisation nous paraît nécessaire.

En ce domaine comme dans d’autres, une responsabilité particulière échoit au ministère de l’éducation nationale, car c’est très en amont, dès l’école, qu’il convient de lutter contre des stéréotypes de genre qui assurent la reproduction de la domination masculine et sont le terreau de violences envers les femmes.
Je passerai plus rapidement sur nos cinq recommandations « législatives », car nous aurons l’occasion d’y revenir dans le courant de la discussion des articles.
La délégation, d’une façon générale, apporte son soutien à un certain nombre de solutions rédactionnelles dégagées par le groupe de travail, aux réflexions duquel elle a, je dois le dire, activement et assidûment participé : la double référence, dans la définition du délit aux situations où le harcèlement sexuel renvoie à des actes répétés et aux situations où un seul acte grave, assimilable par exemple à une forme de chantage sexuel, suffit à le constituer ; la désignation des « menaces, intimidations, contraintes » comme éléments constitutifs du second volet du « harcèlement sexuel aggravé » ; la désignation de l’atteinte à la dignité comme élément intentionnel principal du délit aux côtés de la « recherche d’une relation sexuelle ».

Enfin, la délégation recommande de retenir comme circonstance aggravante du délit l’abus d’autorité, la minorité de la victime, son état de vulnérabilité et le fait que les agissements soient commis à plusieurs personnes.
S’agissant de l’état de vulnérabilité, nous souhaitons ajouter aux cas de figure prévus par le projet de loi et le texte de la commission, celui de la vulnérabilité sociale ou économique. Nous aurons l’occasion de discuter plusieurs amendements qui vont dans ce sens.

Dans un souci de clarté de la loi, nous recommandons pour finir un alignement des définitions figurant dans les différents codes et textes de référence, sans oublier bien entendu la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires. Le texte complété par la commission des lois va en partie dans ce sens.

Telles sont les recommandations que notre délégation a adoptées à l’unanimité.
Je souhaite que les dispositions que nous allons voter, mes chers collègues, et les politiques de prévention qui devront immanquablement les accompagner permettent de lutter plus efficacement contre des agissements qui constituent le premier palier dans le continuum des violences faites aux femmes.

Les dernieres interventions

Lois Qui va payer les quotas gratuits sur le marché du carbone ?

Adaptation du droit de l’Union européenne - Par / 9 avril 2024

Lois Le nucléaire, quoi qu’il en coûte ?

Fusion de l’Autorité de sûreté du nucléaire avec l’institut chargé de l’expertise sur le nucléaire - Par / 8 avril 2024

Lois Nouvelle-Calédonie : le dégel du corps électoral ne passe pas

projet de loi constitutionnelle portant modification du corps électoral pour les élections au Congrès et aux assemblées de province de la Nouvelle-Calédonie. - Par / 3 avril 2024

Lois Confisquons les biens criminels

PPL améliorant l’efficacité des dispositifs de saisie et de confiscation des avoirs criminels - Par / 26 mars 2024

Lois L’autorité parentale n’est pas automatique

Proposition de loi visant à mieux protéger et accompagner les enfants victimes et covictimes de violences intrafamiliales - Par / 13 mars 2024

Lois Un statut pour que chacun puisse devenir élu

Proposition de loi portant création d’un statut de l’élu local - Par / 7 mars 2024

Lois Un vote historique pour inscrire l’IVG dans la Constitution

Liberté de recourir à l’interruption volontaire de grossesse - Par / 29 février 2024

Lois Alerte sur l’habitat dégradé

Projet de loi sur la rénovation de l’habitat dégradé - Par / 27 février 2024

Lois Une colonisation de peuplement en Nouvelle-Calédonie

Projet de loi organique pour reporter les élections en Nouvelle-Calédonie - Par / 27 février 2024

Lois Une boîte noire pour les entreprises ?

Garantir la confidentialité des consultations juridiques - Par / 15 février 2024

Lois Coup de pouce pour les communes rurales

Dérogation à la participation minimale pour la maîtrise d’ouvrage pour les communes rurales - Par / 13 février 2024

Lois Protéger les enfants, même des parents

Proposition de loi sur les violences intrafamiliales - Par / 6 février 2024

Lois Action de groupe : la conquête entravée du collectif

Proposition de loi sur le régime juridique des actions de groupe - Par / 5 février 2024

Lois Un maire sans argent est un maire sans pouvoir

Vote sur la proposition de loi tendant à améliorer la lisibilité du droit applicable aux collectivités locales - Par / 25 janvier 2024

Lois Ne pas tomber dans le piège des terroristes

Proposition de loi instituant des mesures judiciaires renforçant la lutte antiterroriste - Par / 23 janvier 2024

Lois Outre-mer : une question de continuité intérieure

Débat sur les mesures du Comité Interministériel des Outre‑mer - Par / 10 décembre 2023

Administration