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Lois

Avant d’être débattu et voté en séance publique, chaque projet ou proposition de loi est examiné par l’une des sept commissions permanentes du Sénat : lois, finances, affaires économiques, affaires étrangères et Défense, affaires culturelles, affaires sociales, aménagement du territoire et du développement durable. Classées par commissions, retrouvez ici les interventions générales et les explications de vote des sénateurs CRC.

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La maltraitance infantile est très fréquente

Accueil et protection de l’enfance -

Par / 10 mars 2015

Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, les études internationales, bien que difficiles à mener, nous montrent qu’un quart des adultes dans le monde déclament avoir subi des violences physiques dans leur enfance et qu’une femme sur cinq et un homme sur treize disent avoir subi des violences sexuelles.

Parce que ces formes de violences physiques, psychologiques et de traitements négligents à l’égard de mineurs ont des conséquences importantes sur la santé de l’enfant, son développement, puis la dignité de l’adulte tout au long de sa vie, elles représentent un véritable enjeu de santé publique.

La maltraitance provoque un stress auquel on associe une perturbation du développement précoce du cerveau qui peut affecter le développement du système nerveux et immunitaire. Dès lors, les enfants maltraités, devenus adultes, sont davantage exposés à divers troubles comportementaux, physiques ou psychiques. Certains penseront peut-être qu’il s’agit là de lieux communs, mais je pense qu’il était malgré tout utile de rappeler ces éléments.

Ce problème concerne l’ensemble des pays, même s’il est clair que les situations de conflit armé, l’apparition de zones de non-droit, de grande misère sociale ou éducative aggravent particulièrement les maltraitances. Les jeunes filles y sont particulièrement exposées, subissant exploitation, violences sexuelles et autres sévices.

La maltraitance n’est pourtant pas l’apanage des pays pauvres ou des pays en guerre. Elle concerne l’ensemble des pays développés, et en leur sein, tous les milieux sociaux et l’ensemble des familles. Loin d’être un phénomène rare, la maltraitance infantile est très fréquente puisque 10 % des enfants en seraient victimes dans les pays dits « à hauts revenus ».

Cher Jacques Bigot, malgré le chemin parcouru en termes de techniques d’investigation, de parole libérée, et même si le phénomène ne connaît pas d’augmentation, il n’en reste pas moins que 10 % des enfants sont maltraités. Pour bien comprendre ce que cela veut dire, il faut aller au-delà des chiffres et se représenter une petite cohorte de dix enfants qui quittent leur école pour se rendre à la cantine scolaire du village ou du quartier : statistiquement, un de ces dix enfants est maltraité !

Or ces maltraitances ne sont que rarement signalées : la Haute Autorité de santé estime ainsi qu’elles ne le sont pas dans 90 % des cas. Elles sont en outre peu déclarées par les médecins : seuls 5 % des cas de maltraitance font l’objet d’un signalement par les médecins – 1 % en ville, 4 % à l’hôpital –, alors qu’un tiers des signalements émanent des services sociaux, 20 % de l’éducation nationale, un peu plus de 15 % du voisinage ou de l’entourage et un peu plus de 15 % aussi de la famille elle-même.

Pourtant, les médecins sont, notamment dans les premières années de la vie, des acteurs essentiels dans le repérage de la maltraitance et ils devraient être les plus à même d’appréhender les violences physiques et psychologiques. Or ils participent peu à son signalement, comme je viens de le rappeler.

Difficulté à caractériser la maltraitance par manque de formation, réticence à remettre en cause la sphère de la famille opposée à la sphère publique, mais aussi méconnaissance du dispositif de signalement à la justice ou aux cellules de recueil des informations préoccupantes des conseils généraux – j’ai pu le constater tout récemment encore - sont autant de freins à l’action des médecins.

Il ne faut pas non plus oublier le risque de poursuites judiciaires par les présumés agresseurs qui peut constituer un dernier frein au signalement, encore que, rappelons-le, l’absence de signalement fasse également courir un risque au médecin pour non-assistance à enfant en danger. Cela dit, il ne s’agit pas d’un phénomène massif : depuis 1997, environ deux cents médecins – pédopsychiatres, médecins généralistes, pédiatres – ayant signalé au procureur de possibles maltraitances sur des enfants ont fait l’objet de poursuites. Ce chiffre est important, mais il n’est pas énorme ; il faut malgré tout s’en préoccuper.

Pour protéger la victime, le repérage précoce est décisif. Les professionnels de santé, parce qu’ils sont en contact régulier avec les enfants dès leur plus jeune âge, sont en première ligne pour détecter un cas de maltraitance et le signaler aux autorités compétentes.

Cette proposition de loi tend à favoriser le signalement par les médecins, en instaurant, dans sa version initiale, une obligation de signalement dans tous les cas de présomption de maltraitance. Elle vise également à écarter la mise en cause de la responsabilité civile, pénale ou disciplinaire du praticien, à moins que sa mauvaise foi n’ait été judiciairement établie. L’objectif est louable, puisqu’il s’agit de renforcer et d’encourager les signalements des médecins.

Cette proposition de loi va dans le bon sens, même si, nous l’avons vu, les freins au signalement sont beaucoup plus complexes et dépassent le seul risque de poursuite judiciaire, plutôt réduit.

La commission a modifié et enrichi ce texte dans un sens qui nous convient.

Tout d’abord, l’obligation de signalement a été supprimée par la commission. Elle partait d’un bon sentiment, mais elle aurait pu aboutir à des résultats contraires à l’objectif.

En outre, la commission a ajouté la mention dans la loi d’un signalement à la cellule de recueil, de traitement et d’évaluation des informations préoccupantes. Ce point est extrêmement important, parce que le recours à la CRIP est beaucoup plus souple, mesuré et équilibré, et donc beaucoup plus efficace.

La commission a également élargi le dispositif aux situations de violences au sein des couples, avec les conséquences qu’elles peuvent avoir pour les enfants.

Enfin, elle a ajouté un article prévoyant une formation aux modalités de signalement des situations de violences aux autorités administratives et judiciaires.

Le texte qui résulte des travaux de la commission est ainsi plus complet, même si la question de la formation des médecins et des auxiliaires médicaux reste posée, bien qu’elle soit évoquée à l’article 2 ajouté par la commission. Il ne faudra pas négliger cet aspect et y consacrer des moyens.

Nous ne pouvons que saluer l’initiative de notre collègue auteur de cette proposition de loi, de même que nous ne pouvons que nous féliciter du travail réalisé par le rapporteur et par la commission. Le consensus observé sur l’ensemble de nos travées est bien la moindre des contributions que pourra apporter notre assemblée à ce texte qui, s’il ne change pas complètement la donne, aura au moins le mérite de contribuer à améliorer la situation de la petite enfance.

Vous l’aurez compris, notre groupe votera cette proposition de loi.

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