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Lois

Avant d’être débattu et voté en séance publique, chaque projet ou proposition de loi est examiné par l’une des sept commissions permanentes du Sénat : lois, finances, affaires économiques, affaires étrangères et Défense, affaires culturelles, affaires sociales, aménagement du territoire et du développement durable. Classées par commissions, retrouvez ici les interventions générales et les explications de vote des sénateurs CRC.

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Le droit de résistance reconnu aux salariés leur permet de faire face à l’autoritarisme patronal

Amnistie sociale -

Par / 27 février 2013

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, droit inhérent à toute démocratie, reconnue par notre Constitution puisqu’elle est mentionnée aux alinéas 6 et 8 du Préambule de 1946, l’action collective est aujourd’hui attaquée de toutes parts.

L’intimidation est générale, qu’elle se déploie via le patronat dans les entreprises, via les gouvernements précédents ou encore à droite de cet hémicycle. Je ne vous apprends rien, mes chers collègues : sous la forme du chantage à l’emploi, l’intimidation, voire la peur, sont présentes au quotidien dans les entreprises. Quand la colère gronde et qu’une convergence des luttes se fait sentir, le patronat, parfois appuyé par le Gouvernement, manie le bâton et la répression.

Pour masquer les vraies responsabilités et s’en dédouaner, les bourreaux érigent alors les victimes en coupables. C’est ainsi que, au cours des dernières décennies, trop de femmes et d’hommes en lutte, en résistance collective face à une casse toujours plus grande de leurs droits, se sont vu infliger des condamnations du fait de leurs actions revendicatives.

Qu’il s’agisse de défendre leur droit au travail, leur droit au logement, leur droit à l’accès aux soins ou encore leur droit à vivre dans un environnement sain, ces femmes et ces hommes qui s’opposent avec leurs moyens à la casse de notre société sont considérés comme des délinquants, des criminels ! Mais qu’ont-ils fait, mes chers collègues, si ce n’est manifester leur exaspération en usant de leurs droits à la parole et la résistance ? Ces droits sont pourtant inscrits dans la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, à laquelle le Préambule de notre Constitution réaffirme notre attachement.

Le droit de résistance reconnu aux salariés leur permet de faire face à l’autoritarisme patronal. Aussi est-il de notre devoir, comme de celui du Gouvernement et du Président de la République, qui est le gardien de la Constitution, de le préserver. C’est ce que nous vous proposons aujourd’hui, en vous demandant de voter une proposition de loi portant amnistie des faits commis dans le cadre de conflits du travail, d’activités syndicales ou revendicatives dans l’entreprise, ou encore de manifestations sur la voie publique ou dans des lieux publics pour préserver ce droit de résistance.

M. Alain Fouché. C’est extravagant !

Mme Annie David, présidente de la commission des affaires sociales. Loin de préserver ce droit de résistance, les gouvernements précédents ont usé et abusé de méthodes visant à soumettre celles et ceux qui résistent. La parole s’est associée aux actes, puisqu’ils n’ont pas hésité à accuser en toute occasion les salariés, actifs, retraités ou demandeurs d’emploi d’être responsables de leur situation : les salariés coûtent trop cher, les demandeurs d’emploi sont fainéants et profiteurs, les retraités vivent trop longtemps…

Cette stigmatisation est insupportable et même criminelle ! Les odieuses comparaisons entre grévistes et preneurs d’otage et l’habitude de repeindre les mal-logés en squatteurs, les lycéens en casseurs et les ouvriers ou faucheurs d’OGM en saccageurs participent d’un conditionnement idéologique qui traverse aujourd’hui une partie de notre société.

Ces femmes et ces hommes en lutte sont ainsi considérés comme des fauteurs de troubles à l’ordre public. Mais qui sont les fauteurs de troubles ? Les patrons voyous, ceux qui disent aimer tellement la France qu’ils n’y paient pas leurs impôts et qui n’hésitent pas à sacrifier sur l’autel du profit immédiat les salariés qui produisent chaque jour une richesse à laquelle n’ont pas droit ?

M. Alain Fouché. Quel est le rapport ?

Mme Annie David, présidente de la commission des affaires sociales. Ces patrons qui menacent de délocaliser l’emploi ? Ou ces femmes et ces hommes qui luttent pour défendre leurs droits, pour garder leur dignité, pour préserver leur environnement ?

Pour ma part, je pencherais plutôt pour la première hypothèse : les fauteurs de troubles, ce sont celles et ceux qui annoncent à grand renfort médiatique leur stratégie libérale pour construire une tout autre société, non plus assise sur la solidarité et la fraternité entre les peuples, mais sur la compétitivité et la concurrence non faussée des différents outils de production, sans se soucier de la violence de leurs actes.

M. Alain Fouché. Moi, je punirais les deux : les patrons voyous et les salariés fauteurs de troubles !

Mme Annie David, présidente de la commission des affaires sociales. Monsieur Fouché, la vraie violence sociale, c’est la fermeture de plusieurs centaines d’entreprises l’an dernier, d’autant que beaucoup de ces entreprises ont été fermées pour préserver les intérêts boursiers des actionnaires des maisons mères.

Oui, mes chers collègues, trop de sanctions injustes ont été infligées. Ces sanctions n’avaient d’autre objectif que d’éteindre toute velléité de contestation chez les citoyennes et les citoyens. Certains ont par exemple été condamnés à de lourdes amendes pour avoir refusé un prélèvement ADN, procédure habituellement réservée aux criminels.

Ce fichage, rendu possible par la loi du 18 mars 2003 pour la sécurité intérieure, adoptée sur l’initiative de Nicolas Sarkozy, qui était alors ministre de l’intérieur, a élargi à de très nombreuses infractions, dont la dégradation de biens, ce qui est bien pratique dans les circonstances qui nous occupent, le champ d’application du fichier national automatisé des empreintes génétiques, qui avait été créé par la loi du 17 juin 1998 pour les seuls délinquants sexuels. On assimile donc les syndicalistes, celles et ceux qui résistent, à des criminels ! En outre, le refus de se soumettre à un tel fichage constitue une infraction autonome punissable d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende. La machine à harceler celles et ceux qui s’engagent dans un mouvement social ou même qui font acte de solidarité militante à l’égard des migrants atteint alors son paroxysme.

Demandons-nous où est réellement la violence ? Il est facile de discerner d’où elle vient quand un homme désespéré, demandeur d’emploi en fin de droits et à bout de forces, s’immole devant une agence de Pôle emploi. Oui, là il y a violence…

Quand ils le jugent nécessaire, les salariés utilisent leur droit de se regrouper en mouvements collectifs pour se défendre. Certains – dont vous êtes peut-être, monsieur Fouché – considèrent qu’il s’agit d’une entrave à la liberté d’entreprendre, mais, au-delà de cette liberté, il y a celle de vivre égaux en droits, et cette liberté est bafouée lorsque des familles entières sont privées de logement, d’accès aux soins, ou de ce travail qui donne droit à d’autres droits : le droit au savoir, le droit à la culture et aux loisirs, le droit tout simplement d’être un citoyen engagé dans la construction de son pays.

Avec les sénatrices et sénateurs du groupe CRC, je m’insurge, comme nous devrions tous le faire, contre ces procédures qui criminalisent l’action revendicative et attaquent en plein cœur le droit de résister. Je me range aux côtés de celles et ceux qui refusent de basculer dans une société qui ne reconnaîtrait plus les valeurs qui sont les nôtres, celles qui font la renommée et la beauté de notre pays.

Ces valeurs viennent de loin, de la Révolution française, où l’on était même allé jusqu’à parler du « devoir d’insurrection ». Elles nous ont été transmises pour traverser le temps et continuent d’animer d’autres femmes et d’autres hommes, elles et eux aussi engagés pour l’amélioration des conditions de vie au quotidien.

Comment, à cet instant, ne pas penser à Jaurès refusant de se laisser « toucher par l’éternel sophisme qui, au nom de la liberté, consacre la perpétuité de la misère et destitue de tout droit les travailleurs épuisés par une vie de labeur » ?

M. Alain Fouché. On peut soutenir les travailleurs sans en passer par là !

Mme Annie David, présidente de la commission des affaires sociales. Nos collègues de l’UMP ont déposé des amendements de suppression sur tous les articles, mais empêcher ainsi l’adoption de ce texte ne serait pas acceptable alors que les nombreux travailleurs visés par cette amnistie ont été et sont encore frappés par des procédures consécutives à la criminalisation de leur action revendicative sous l’ère Sarkozy.

Avez-vous oublié, chers collègues de l’opposition, qu’en 2002, quand vous étiez au pouvoir, vous aviez vous-mêmes proposé une loi d’amnistie largement ouverte aux infractions commises dans le cadre de conflits du travail et de mouvements revendicatifs ? Je tiens à votre disposition ce texte que vous prenez aujourd’hui à contre-pied.

Vous nous reprochez une atteinte au principe de séparation des pouvoirs, mais le groupe CRC respecte bien évidemment ce principe essentiel, car nous croyons en la force de la justice.

C’est pourquoi nous proposons qu’une loi d’amnistie soit votée par le Parlement, comme la Constitution nous en donne le droit et sans qu’il soit question de passer outre les prérogatives de la justice.

Par cette proposition de loi, nous ne remettons pas en cause les jugements passés, et donc l’action de la justice, puisque nous ne revenons pas sur les peines ou les amendes prononcées ; nous demandons seulement que les femmes et les hommes ainsi condamnés voient leur sanction amnistiée afin que celle-ci ne les poursuive pas au-delà de l’action collective et revendicative pour laquelle ils et elles ont comparu devant la justice.

Que doit donc faire la gauche aujourd’hui ? À mon sens, elle doit affirmer, unie, son soutien au monde du travail,…

M. Jean-Claude Lenoir. Vous avez la majorité !

Mme Annie David, présidente de la commission des affaires sociales. … confronté à une véritable agression de la part du patronat, qui utilise la crise pour enfoncer les digues du droit du travail et du droit au travail, reconnus tous deux par la Constitution.

La gauche doit s’indigner, comme l’aurait si bien dit Stéphane Hessel. Au travers des nombreux communiqués des différents groupes parlementaires qui la composent, elle s’était d’ailleurs élevée contre toute forme de criminalisation des combats syndicaux lors des nombreuses luttes qui ont émaillé le quinquennat précédent.

Aussi, aujourd’hui, elle doit réparer ce qui est réparable et faire en sorte que ces hommes et ses femmes, qui ont dit non, à leur manière, à la ruine de leur vie professionnelle, de leur vie personnelle, bref, à la société dans laquelle la droite libérale voudrait nous enfermer, soient amnistiés.

Elle doit s’enorgueillir d’être aux côtés de celles et ceux qui luttent pour faire respecter leur droit, pour une société plus juste, plus solidaire ! Elle doit montrer au peuple de gauche, qui lui a fait confiance, qu’elle est bien au pouvoir !

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