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Lois

Avant d’être débattu et voté en séance publique, chaque projet ou proposition de loi est examiné par l’une des sept commissions permanentes du Sénat : lois, finances, affaires économiques, affaires étrangères et Défense, affaires culturelles, affaires sociales, aménagement du territoire et du développement durable. Classées par commissions, retrouvez ici les interventions générales et les explications de vote des sénateurs CRC.

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Le gouvernement instaure des régimes d’exception permanents à l’encontre des étrangers, renonçant au principe d’égalité des êtres humains inscrit dans notre Constitution

Immigration, intégration et nationalité (deuxième lecture) : question préalable -

Par / 12 avril 2011

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, ai-je besoin de le rappeler ? les normes que contiennent le « bloc constitutionnel » et les traités auxquels la France a souscrit tels la Déclaration universelle des droits de l’homme, la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, le Pacte international relatif aux droits civils et politiques, la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, sont autant de textes qui font partie intégrante du droit positif applicable.

L’application de ces textes donne aux étrangers un socle de garanties minimum et essentiel qu’il est de notre devoir de préserver au nom même de la République.

Certes, nous dira-t-on, un droit des étrangers est possible et permet de prévoir des mesures spécifiques à l’égard de ceux qui ne sont pas nationaux. Mais, mes chers collègues, ne perdons pas de vue que ce droit doit impérativement être concilié avec l’application aux étrangers des droits fondamentaux qu’ils doivent se voir reconnaître !

Pour parler de façon quelque peu abrupte, les étrangers n’en sont pas moins des hommes et doivent donc bénéficier de la reconnaissance et de la garantie des droits inhérents à la nature humaine sans lesquels la dignité de la personne ne saurait être sauvegardée.

Ainsi, ces possibles mesures spécifiques propres aux étrangers ne sauraient fonder n’importe quelle spécificité du statut de ces personnes. Plus précisément, selon le droit communautaire qui vous est si cher, elles doivent être « nécessaires, proportionnées et compatibles avec le respect des droits fondamentaux de la personne humaine ».

Des mesures nécessaires ? Assurément, non ! Le texte que le Gouvernement veut faire adopter est bien autre chose que la « loi de transposition » de textes européens qu’il prétend être.

D’une part, il rassemble des mesures qui vont bien au-delà de ce que commandent les trois directives à transposer, tout en évitant d’intégrer les quelques dispositions un peu favorables aux étrangers que ces directives comportent.

D’autre part, le texte comprend des dispositions modifiant la réglementation dans des champs qui n’ont rien à voir avec ces directives. Il touche aux procédures contentieuses, aux rôles respectifs des juges administratif et judiciaire, à la définition des zones d’attente.

Le Gouvernement a tenté de se placer sur le terrain des chiffres pour faire accepter ses opinions en matière de politique migratoire. Eh bien, ses arguments financiers sont faux !

Premier constat qui balaie vos arguments, aux termes d’une étude très récente de Pôle emploi et du CREDOC, le Centre de recherche pour l’étude et l’observation des conditions de vie, 1,5 million de postes seraient disponibles - il s’agirait, pour l’essentiel, de pourvoir des besoins en main-d’œuvre peu qualifiée -, mais on manquerait de candidats. Un chiffre qui vient contredire la politique gouvernementale élitiste de l’immigration choisie !

Deuxième constat, si la France est bien en tête pour les demandes d’asile, elle est, en revanche, bien en queue de peloton, pour ne pas dire la dernière, s’agissant du taux d’admission des demandeurs, une donnée qui vient contredire l’argument selon lequel la France est plus généreuse que ses voisins européens en termes de droit d’asile, ce qui autoriserait que l’on restreigne ce droit essentiel.

Troisième constat, le rapport sur le coût de l’immigration en 2009 fait apparaître un solde positif pour les caisses de l’État de 12 milliards d’euros, une somme qui vient contredire l’argument selon lequel les étrangers sont une charge lourde pour le budget national.

Des mesures proportionnées et compatibles avec le respect des droits fondamentaux de la personne humaine ? Indéniablement, non !

Je l’ai rappelé, la liberté de circulation, le droit au recours, le droit au respect de la vie privée et familiale, le droit d’asile, bénéficient à tous les étrangers sans distinction et sont malheureusement autant de droits bafoués dans ce texte, une fois de trop, par des atteintes répétées au principe d’égalité et à l’interdiction de toute discrimination fondée sur les origines.

Concernant la liberté de circulation, nous avons été condamnés par les plus hautes instances internationales pour cette honteuse politique mise en œuvre par le Gouvernement consistant en une « traque aux Roms ». La réponse à cette condamnation est aujourd’hui inscrite dans le projet de loi, avec les notions de « charges déraisonnables pour le système d’assistance sociale » et d’« abus de droit au court séjour » pour empêcher les Roms de faire des allers et retours, partant du postulat que ces personnes ne sont sur le territoire national que pour profiter des prestations sociales.

La directive de 2004 relative aux droits des citoyens de l’Union et des membres de leurs familles leur donne le droit de circuler et de séjourner librement. Et si, selon cette même directive, il est possible de restreindre la liberté de circulation et de séjour, ce ne peut être que pour des raisons d’ordre public, de sécurité publique ou de santé publique. En aucun cas ne peuvent donc être invoquées des raisons économiques.

Concernant le droit au recours en matière de rétention des personnes sans papier, dans le projet de loi initial comme à l’issue des deux lectures à l’Assemblée nationale, il avait été décidé que l’intervention du juge judiciaire serait repoussée à cinq jours. La commission a décidé de retarder l’intervention de ce magistrat à quatre jours. C’est loin d’être suffisant.

Valider l’extension du délai de saisine de quarante-huit heures à quatre ou cinq jours, c’est permettre au juge administratif de statuer sur la légalité de la mesure d’expulsion avant que le juge des libertés et de la détention ne se prononce sur le maintien en rétention.

L’étranger pourra donc être expulsé dans ce délai sans aucun contrôle de la régularité de la procédure, ce qui est contraire à l’article 66 de la Constitution relatif à la détention arbitraire, contraire au droit européen et contraire aux directives que vous prétendez vouloir appliquer.

Cette mesure répond à une sournoise stratégie qui consiste à éloigner le plus rapidement possible. Mais elle est dangereuse, car elle ôtera toute possibilité de contrôle et de sanction sur les pratiques administratives et conduira, de fait, à une forme de déni de justice.

Le juge judiciaire, parce qu’il a le pouvoir de remettre en liberté en cas de vice de procédure, dérange à l’évidence l’exécutif. Ne lui en déplaise, le principe de séparation des pouvoirs demeure encore dans ce pays ! Le Parlement ne peut pas accepter que l’on régresse à ce point sur les libertés fondamentales.

Dans le même registre, nous apprenons que le Conseil constitutionnel, saisi par la Cour de cassation d’une question prioritaire de constitutionnalité, s’est prononcé la semaine dernière sur la question de l’absence de recours suspensif de la procédure d’asile dite « prioritaire ».

Au terme de considérants qui ne nous semblent absolument pas convaincants, il a pourtant déclaré cette procédure conforme à la Constitution. Au considérant 9, en particulier, le Conseil motive sa décision en se fondant sur « l’absence de changement de circonstances de nature à remettre en cause la constitutionnalité de cette procédure ». Il fait fi des mises en garde européennes exhortant pourtant la France à introduire, dans sa procédure d’asile prioritaire, un recours suspensif que pourrait exercer tout demandeur d’asile.

Ainsi le Conseil constitutionnel a-t-il validé une loi qui permet de renvoyer de force des demandeurs d’asile dans leur pays, avant même l’examen définitif de leur demande. Cette décision est en contradiction avec le principe d’un droit au recours effectif, en contradiction avec nos propres valeurs.

Seule la Cour européenne des droits de l’homme pourra désormais juger de la compatibilité de l’absence de recours suspensif avec les normes européennes. Elle devrait trancher cette question le 17 mai prochain, à l’occasion de l’examen du cas d’un demandeur d’asile soudanais. Avec les organisations internationales œuvrant pour les droits de l’homme, telles que Amnesty International, nous continuerons à plaider en faveur d’un changement de notre législation sur ce point.

En ce qui concerne le droit au respect de la vie privée, l’article 21 ter introduit une disposition pénalisant les « mariages gris » fondés sur « une tromperie volontaire sur les sentiments ».

Ce gouvernement n’hésite pas à encadrer pénalement les sentiments, l’intimité des Français et de leurs conjoints. Cela confine au grotesque ! Comment juger les sentiments, l’impalpable ?

Ce faisant, le Gouvernement introduit une exception hallucinante dans le régime juridique du mariage. En effet, la définition de la « tromperie volontaire » équivaut ni plus ni moins à celle du dol, un vice du consentement servant de fondement aux demandes d’annulation de contrats, que l’on a toujours refusé d’appliquer jusqu’à présent à l’institution du mariage et qui trouverait ici une application pénale visant les seuls étrangers.

D’autres dispositions tout aussi inutiles, disproportionnées et intolérables sont prévues dans ce projet de loi.

Je citerai notamment l’augmentation de la durée d’enfermement en centre de rétention, qui peut atteindre quarante-quatre jours, la banalisation du bannissement, les zones d’attente « sac à dos », et ce que je nommerai les tricheries manifestes avec les obligations internationales en matière d’asile.

Mes chers collègues, lors des débats de première lecture, je vous avais demandé, à l’occasion de la présentation d’une motion tendant à opposer la question préalable, de ne pas poursuivre la discussion de ce texte. Philippe Richert m’avait alors rétorqué : « Madame Mathon-Poinat, en demandant que ce projet ne soit pas discuté, vous êtes, je le comprends, dans votre rôle d’opposante ».

Il avait bien tort de restreindre de la sorte notre mission de parlementaires, car il ne s’agit nullement d’une posture, mais de convictions qui dépassent les clivages politiques et sont conformes aux valeurs humanistes que nous portons chacun en nous. Mais peut-être n’est-ce pas le cas de l’autre côté de l’hémicycle ? (Protestations sur les travées de l’UMP.)

M. Dominique Braye. Nous n’avons pas de leçons à recevoir des communistes ! Vous avez 100 millions de morts sur la conscience, pas nous ! Nous sommes plus humanistes que vous...

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Cela suffit ! Taisez-vous !

Mme Catherine Tasca. Cessez de vous en prendre aux communistes !

M. David Assouline. Il faut le faire taire !

M. Dominique Braye. Les communistes ont 100 millions de morts sur la conscience !

Mme Josiane Mathon-Poinat. Vous aussi, vous avez soutenu des régimes totalitaires, et vous en soutenez encore aujourd’hui ! Combien de morts avez-vous sur la conscience ? Taisez-vous donc !

M. Dominique Braye. Pas de leçons !

Mme Josiane Mathon-Poinat. Ce sont des constats, non des leçons...

M. le président. Veuillez poursuivre, ma chère collègue.

Mme Josiane Mathon-Poinat. Depuis que ce projet de loi a été présenté, trois ministres se sont succédé devant nous. Chacun a fait assaut de zèle et de surenchère dans les déclarations trompeuses, les discours sécuritaires, anti-immigrés, et les propos xénophobes, le plus zélé en la matière étant M. Guéant, ici présent.

Monsieur le ministre, je ne répéterai pas les propos inadmissibles, idéologiquement et politiquement détestables, que nous avons tous pu lire ou entendre.

M. Dominique Braye. Surtout quand vous les déformez !

Mme Josiane Mathon-Poinat. « Le Front national ne nous sert pas de boussole », dites-vous. Il me semble tout de même que vous cheminez sur les mêmes sentiers et que vous allez dans le même sens ! De tels propos jettent le discrédit sur la classe politique tout entière, et surtout sur le parti politique que vous tentez de représenter.

M. Dominique Braye. Les communistes donnent des leçons de droits de l’homme, maintenant ?

Mme Josiane Mathon-Poinat. Oui, monsieur Braye, je suis fière de défendre ici les droits de l’homme ! Heureusement que nous sommes là...

M. Dominique Braye. On aura tout entendu !

Mme Josiane Mathon-Poinat. Depuis le début de cette discussion, nos ministres n’ont pas lésiné sur les amalgames, contribuant ainsi à inoculer des idées de peur et de division dans l’opinion publique.

On a pu ainsi relever des amalgames entre étrangers en situation irrégulière et demandeurs d’asile, entre assimilation et intégration, entre immigration et insécurité, entre gens du voyage et Roms. Tous ces amalgames relèvent de la provocation, voire du brouillage politique et sociologique !

Mes chers collègues, il s’agit ici non d’une réforme banale de la réglementation relative aux étrangers, mais d’un tournant à la faveur duquel le Gouvernement instaure des régimes d’exception permanents à l’encontre des étrangers, renonçant au principe d’égalité des êtres humains inscrit dans notre Constitution et dans tous les textes internationaux dont les auteurs n’avaient d’autre but, au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, que d’interdire le racisme d’État.

Ce sont les fondements même de notre République et de sa Constitution qui sont remis en cause.

En tant que parlementaires libres de nos choix – d’après la Constitution, aucun mandat impératif ne peut nous lier ... –, demandons-nous si cette énième réforme est utile ! Je pense, pour ma part, que nous avons besoin non de ces lois qui renforcent les peurs et les haines xénophobes, mais de politiques ouvertes sur l’avenir.

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