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Lois

Avant d’être débattu et voté en séance publique, chaque projet ou proposition de loi est examiné par l’une des sept commissions permanentes du Sénat : lois, finances, affaires économiques, affaires étrangères et Défense, affaires culturelles, affaires sociales, aménagement du territoire et du développement durable. Classées par commissions, retrouvez ici les interventions générales et les explications de vote des sénateurs CRC.

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Le président de la République jouit d’un statut semblable à celui des anciens monarques

Application de l’article 68 de la Constitution -

Par / 21 octobre 2014

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, sept ans et demi après le vote par le Parlement réuni en congrès d’un nouveau statut juridictionnel du chef de l’État, le chemin tortueux de la loi organique nécessaire à son applicabilité reprend son cours. J’oserais dire que sept ans de réflexion, c’est long… Les citoyens pourraient légitimement s’interroger sur les raisons qui ont retardé sans cesse l’adoption des règles pratiques de mise en œuvre de cette procédure nouvelle de destitution du Président de la République inscrite à l’article 68 de la Constitution.

En son temps, soit en janvier 2012, Nicolas Sarkozy avait permis l’adoption d’un texte à l’Assemblée nationale, et ce, faut-il le rappeler, sous la pression du Sénat de gauche.

Aujourd’hui, ironie de l’histoire, c’est la nouvelle majorité de droite du Sénat qui donne l’impression de forcer la main à François Hollande, qui n’a pas jugé bon, durant les deux premières années de son mandat, de conclure ce débat. Ainsi, le groupe UMP de notre assemblée a décidé de nous soumettre le texte voté par l’Assemblée nationale.

Soyons honnêtes, il n’a que très peu de différences avec le texte adopté au Sénat, après moult péripéties, le 15 novembre 2011. Le principal intérêt réside, de toute évidence, pour les partisans de cette procédure, dans la possibilité d’un vote conforme permettant l’adoption définitive de ce projet de loi organique, déposé à l’Assemblée nationale le 22 décembre 2010, et adopté par les députés le 24 janvier 2012.

Ce texte concerne le statut juridictionnel du chef de l’État. Depuis la loi constitutionnelle du 23 février 2007, l’article 68 de la Constitution permet au Parlement constitué en Haute Cour de destituer le chef de l’État en cas de manquement à ses devoirs manifestement incompatible avec l’exercice de son mandat.

Le projet de loi organique a donc deux objets : les conditions de présentation des propositions de résolution tendant à la réunion de la Haute Cour et la nature de l’examen de ces propositions par les commissions permanentes compétentes des deux assemblées.

Avant de faire une remarque plus générale, critique, sur le fond et sur le contexte de ce débat, je tiens à porter à votre connaissance quelques réflexions.

Tout d’abord, cette procédure de destitution est bien timide. Elle l’est même excessivement, comparée à la procédure d’impeachment en vigueur aux États-Unis : la Chambre des représentants américaine vote à la majorité simple la procédure de mise en accusation ; le Sénat, dans un second temps, se saisit de l’instruction en devenant, de fait, la Haute Cour, et statue finalement à la majorité des deux tiers. Le texte qui nous est soumis tend d’emblée à limiter la mise en œuvre même de la procédure en posant la règle des deux tiers à chaque étape de la procédure.

Ensuite, force est de s’interroger sur le pouvoir donné au Sénat, assemblée qui est, ne vous en déplaise, élue au suffrage indirect par un corps électoral de moins de 200 000 grands électeurs : elle est pourtant placée sur le même plan que l’Assemblée nationale, élue, elle, au suffrage universel direct. Un tel dispositif peut poser question au regard des principes démocratiques.

En outre, pourquoi la commission des lois intervient-elle ? En effet, il ne s’agit pas d’un texte législatif. Pour les propositions de résolution discutées dans le cadre de l’article 34-1 de la Constitution, cette intervention de la commission, a priori compétente, n’est pas prévue.

Enfin, la composition de la commission ad hoc chargée d’éclairer le Parlement constitué en Haute Cour mérite attention. À notre sens, elle porte atteinte au pluralisme, à l’instar de la composition actuelle de la Cour de justice de la République. En effet, prévoir six membres par chambre exclut de fait un certain nombre, non seulement de sensibilités, mais aussi de groupes parlementaires de la participation à un organisme qui détiendra les clefs de l’instruction. Il s’agit d’une atteinte grave au pluralisme et d’un encouragement à une répartition bipartite.

Le 15 novembre 2011, le Sénat, à notre demande, avait porté ce chiffre à dix représentants par assemblée. Nous regrettons fortement que ce choix n’ait pas été retenu. Nous défendrons d’ailleurs un amendement pour rectifier ce qui s’apparente à une faute démocratique.

Plus généralement, nous nous interrogeons sur la faiblesse de la portée de ce projet de loi organique au regard de la grave crise des institutions et du politique que traverse notre pays. L’UMP, en ravivant cette procédure de destitution, désuète avant même d’avoir existé, espère mettre un peu plus en lumière la fragilité politique de l’actuel chef de l’État. Ce faisant, la droite sénatoriale met surtout en lumière, peut-être involontairement, les excès du présidentialisme à la française.

Ce projet de loi organique, je l’ai déjà indiqué, souligne le caractère quasi impossible de la mise en œuvre de la procédure de destitution. C’est donc la force du statut présidentiel qui est en fait mise en exergue.

Le Constitution de 1958, rédigée par Michel Debré, renforcée par l’instauration en 1962 de l’élection au suffrage universel direct du Président de la République, a rompu avec les IIIe et IVe République en plaçant au centre de nos institutions le Président de la République.

M. Philippe Bas, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale. C’est vrai !

Mme Éliane Assassi. Dès 1995, avec l’élargissement du champ référendaire, puis en 2000, avec l’instauration du quinquennat, et, enfin, en 2001, avec l’inversion du calendrier, qui soumet l’élection législative à l’élection présidentielle, la présidentialisation du régime s’est encore accentuée.

Nous sommes donc arrivés aujourd’hui à un point de blocage institutionnel. Le Président de la République est une forme de monarque au mandat limité.

M. Jacques Mézard. C’est vrai !

Mme Éliane Assassi. Pendant cinq ans, il est « irresponsable » : il n’est responsable ni devant le peuple ni devant le Parlement. Cet homme, ou peut-être un jour, du moins l’espérons-nous, cette femme, est exonéré de tout contrôle démocratique. C’est une question essentielle. Nous savons tous que l’exaspération populaire, la perte de crédibilité du politique provient en grande partie des désillusions successives, nées pour beaucoup de promesses de campagne non tenues.

Le président monarque, une fois élu, peut s’affranchir des promesses ; il n’est plus contesté. À la différence du Gouvernement, il ne peut être remis en cause par le Parlement.

Le temps est trop court aujourd’hui pour revenir sur les conséquences dévastatrices sur le plan démocratique de ce déséquilibre institutionnel.

Présidentialisation rime avec médiatisation et « pipolisation ». Croyez bien que nous le regrettons. Elle s’oppose à la réflexion, à la critique ; elle sclérose le débat en plaçant le pays en état de campagne électorale permanente. Il est temps de s’interroger sur l’existence même d’un Président de la République élu au suffrage universel direct doté de tant de pouvoirs. (M. Jacques Mézard applaudit.)

M. Philippe Bas, président de la commission des lois. Votre proposition dépasse l’ambition de ce texte !

Mme Éliane Assassi. Les limites de cette procédure de l’article 68, la quasi-impossibilité de la mise en œuvre de la procédure de destitution mettent en évidence un statut présidentiel proche, durant le mandat, de celui du monarque d’Ancien Régime : « La personne du roi est inviolable et sacrée », écrivaient les constituants de 1791.

Pour conclure, je rappellerai que l’article 68 de la Constitution est le corollaire de l’article 67, qui fixe le statut pénal du chef de l’État. Ce dernier est irresponsable pénalement durant son mandat ; il l’est définitivement pour les faits relatifs à sa fonction et, pour les autres, les poursuites sont renvoyées à plus tard au péril, en particulier, de la préservation des preuves.

La destitution à la française constitue une sorte de garde-fou pour éventuellement sanctionner des actes particulièrement graves du Président. En l’occurrence, une responsabilité politique se substitue à la responsabilité juridique.

Les sénateurs du groupe CRC – c’est une constante – sont pour un traitement de droit commun des actes du Président de la République, à l’exception de ceux liés à l’exercice de sa fonction. Ils ont d’ailleurs déposé une proposition de loi constitutionnelle en ce sens en 2011. Nous regrettons que le texte voté en 2001 par l’Assemblée nationale instaurant la compétence de droit commun pour les actes privés n’ait pas inspiré le constituant de 2007.

La Constitution de la Ve République n’est plus à la hauteur des enjeux. Elle prive fondamentalement le citoyen des moyens d’action face à ceux qui détiennent aujourd’hui le véritable pouvoir, à savoir les marchés financiers.

Rendre le pouvoir au peuple et assurer un contrôle citoyen permanent constituent des objectifs prioritaires d’une nouvelle République, la VIe République.

Nous érigeons en priorité démocratique la mise en place d’une assemblée constituante, démocratique, pluraliste pour remettre la République sur les rails, pour redonner un sens à notre démocratie.

Le projet de loi organique dont nous débattons aujourd’hui relève, et ce n’est pas un jeu de mots, d’une fin de règne ; il vise à masquer la réalité de la toute-puissance du Président de la République dans nos institutions. C’est pour ces raisons que les élus du groupe CRC ne l’approuveront pas.

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