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Lois

Avant d’être débattu et voté en séance publique, chaque projet ou proposition de loi est examiné par l’une des sept commissions permanentes du Sénat : lois, finances, affaires économiques, affaires étrangères et Défense, affaires culturelles, affaires sociales, aménagement du territoire et du développement durable. Classées par commissions, retrouvez ici les interventions générales et les explications de vote des sénateurs CRC.

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Le voile du silence et de l’oubli s’est enfin déchiré

Reconnaissance de la répression de la manifestation du 17 octobre 1961 -

Par / 23 octobre 2012

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je ne reprendrai pas l’argumentation de Pierre Laurent, disant simplement qu’elle démontre, s’il en était besoin, la nécessité de reconnaître, même cinquante et un an après, la responsabilité de l’État français dans l’une des plus terribles tragédies engendrées par le fait colonial.

Je me permettrai d’abord de faire part d’un témoignage personnel : trop jeune pour partir en Algérie – j’avais dix-huit ans en 1962 – je n’en ai pas moins, à l’époque, milité pour la fin de cette guerre, de toutes les guerres coloniales, et pour la paix en Algérie.

Si, comme je le pense, nous adoptons jeudi prochain la proposition de loi tendant à faire du 19 mars la journée nationale du souvenir et du recueillement à la mémoire des victimes civiles et militaires de la guerre d’Algérie et des combats en Tunisie et au Maroc, j’aurai vécu, dans la même semaine, un double point d’orgue à un combat que j’ai toujours mené en tant que militant, puis en tant que parlementaire.

Cela me ramène à la source de mon engagement : ma prise de conscience d’adolescent à partir de la guerre d’Algérie, qui a marqué mon histoire personnelle et fait pour moi du combat anticolonialiste un repère ineffaçable.

À partir de là, j’ai toujours été déterminé à combattre non seulement le déni du passé colonial de notre pays, mais aussi les prolongements de celui-ci que sont, par exemple, la poursuite du pillage des richesses naturelles des anciennes colonies ou la recrudescence des agissements des tenants de l’Algérie française et des nostalgiques de l’OAS.

J’ai vécu très concrètement, au cours de mes mandats de sénateur, le négationnisme d’État en quelques circonstances symboliques qui m’ont particulièrement marqué.

Je pense au temps et à l’énergie qu’il aura fallu, aux nombreuses propositions de loi déposées par mon groupe, pour obtenir enfin, un soir d’octobre 1999, l’adoption d’une proposition de loi substituant au vocable d « opérations » l’expression « guerre d’Algérie » !

Je pense aussi à la tristement célèbre loi du 23 février 2005, dont le groupe communiste du Sénat a été bien seul à dénoncer l’article 4 – heureusement « retoqué » par le Conseil constitutionnel –, qui gravait dans le marbre de la loi les « bienfaits » de la colonisation !

Comment ne pas citer Henri Alleg, qui écrivait récemment : « L’anticolonialisme aujourd’hui, c’est le refus de toute réécriture officielle du passé colonial. C’est le combat contre la soumission des peuples. »

Ce combat, c’est aussi celui du peuple palestinien martyr, des Français des Antilles, toujours sous la domination économique sans partage des descendants des colons esclavagistes…

M. Roger Karoutchi. Oh là là !

M. Guy Fischer. J’y suis allé, monsieur Karoutchi, j’ai vu et je pourrais vous citer le nom des familles qui, de génération en génération, depuis plus d’un siècle, se transmettent le pouvoir économique et politique.

Ce combat, disais-je, c’est aussi celui de tant d’autres, hommes et femmes, auxquels le néocolonialisme dénie encore aujourd’hui le droit élémentaire à disposer d’eux-mêmes.

Si je refuse que l’on oublie les milliers d’Algériens qui furent arrêtés, battus, torturés, assassinés par la police française sous les ordres de Maurice Papon, préfet de police lui-même couvert par le gouvernement, de même, je refuse que l’on abandonne tous ceux qui se débattent encore sous d’implacables jougs hérités d’un autre temps. (M. Roger Karoutchi s’exclame.)

Un demi-siècle après ce que je ne suis pas seul à qualifier de crime d’État, je me félicite de constater que nos combats de plusieurs décennies ont porté leurs fruits : le voile du silence et de l’oubli s’est enfin déchiré.

Il reste à présent à obtenir de notre nouveau gouvernement la reconnaissance plus globale de la responsabilité de la France dans les guerres coloniales qu’elle a menées, particulièrement en Algérie, avec son cortège d’horreurs.

Car un travail historique et un travail de mémoire s’imposent sur cette période, y compris et surtout sur ses zones d’ombre. C’est en effet à ce prix que pourraient disparaître les séquelles les plus graves de la guerre d’Algérie, le racisme et les discriminations dont sont victimes encore aujourd’hui les ressortissants d’origine algérienne, du Maghreb ou d’anciennes colonies. Et celui qui vous parle a été pendant vingt-six ans conseiller général des Minguettes, où la communauté française d’origine algérienne est largement majoritaire.

C’est pourquoi notre proposition de résolution évoque non seulement la reconnaissance officielle du crime commis par l’État français le 17 octobre 1961, mais également la création d’un lieu de souvenir à la mémoire de ces victimes du colonialisme.

Sur ces questions, j’étais confiant. J’avais en effet, avec Nicole Borvo Cohen-Seat, adressé un courrier au président François Hollande, en juillet dernier, à propos de la reconnaissance du passé colonial de la France et de ses tragiques conséquences. Sa réponse, évoquant l’opportunité d’un grand traité d’amitié, m’autorisait à penser que nous étions en voie de mettre, enfin, un terme aux conséquences d’un très lourd passé qui empoisonne les relations entre les deux rives de la Méditerranée.

Quelle ne fut toutefois pas ma surprise de constater qu’était toujours d’actualité une initiative pour le moins en contradiction avec la volonté présidentielle affichée : je veux parler du transfert des cendres du général Bigeard au mémorial de Fréjus !

M. Jean-François Husson. Excellente initiative !

Mme Éliane Assassi. C’est honteux !

M. Guy Fischer. Il semblerait que le ministre de la défense, M. Jean-Yves Le Drian, n’ait pas renoncé à commettre cet acte inconsidéré, et je suis mesuré dans les termes que j’emploie : honorer la mémoire de l’un de ces tortionnaires zélés qui se sont illustrés au cours des pages les plus noires des guerres d’Indochine et d’Algérie !

M. Jean-François Husson. Ce propos est indécent !

M. Guy Fischer. À mon sens, cela mérite réflexion.

Je voudrais ici témoigner de l’incompréhension de mes amis, membres de comités luttant depuis des années pour la reconnaissance de la tragédie du 17 octobre 1961 : « Notre joie a été gâchée, disent-ils. Nous ne comprenons pas que l’on avance d’un pas et que l’on recule de deux dans le même temps ! » Comme je les comprends ! Car la mémoire assumée ne peut se concevoir que comme un tout.

On ne peut prétendre reconsidérer sur des bases saines les relations d’amitié entre deux peuples sans considérer les événements dans leur globalité. Reconnaître, d’un côté, la responsabilité de l’État français le 17 octobre 1961 et, de l’autre, oublier les massacres de Sétif en 1945, les morts du métro Charonne, la disparition du mathématicien communiste Maurice Audin, le tragique abandon des Harkis, la misère des rapatriés, l’OAS et ses exactions... Non, cela ne se peut !

J’ose donc espérer que la raison l’emportera et je suis signataire, avec plusieurs personnalités d’horizons très divers, d’un manifeste contre le transfert des cendres du général Bigeard.

Je conclurai en vous appelant, mes chers collègues, à œuvrer ensemble pour une réponse cohérente et globale aux attentes des populations qui, des deux côtés de la Méditerranée, aspirent depuis si longtemps à la construction d’une solide et saine amitié, qui nous acquitte d’un passé dont les conséquences n’ont que trop perverti les chances d’un futur apaisé.

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