Groupe Communiste, Républicain, Citoyen, Écologiste - Kanaky

Lois

Avant d’être débattu et voté en séance publique, chaque projet ou proposition de loi est examiné par l’une des sept commissions permanentes du Sénat : lois, finances, affaires économiques, affaires étrangères et Défense, affaires culturelles, affaires sociales, aménagement du territoire et du développement durable. Classées par commissions, retrouvez ici les interventions générales et les explications de vote des sénateurs CRC.

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Les sénateurs communistes ont toujours été attachés à la reconnaissance du pluralisme

Modification du règlement du Sénat -

Par / 19 décembre 2011

Monsieur le président, mes chers collègues, j’aurai l’occasion d’intervenir sur les amendements proposés par le groupe UCR, qui méritent effectivement qu’on en débatte.

En cet instant, ce que je veux souligner, c’est l’importance du règlement d’une assemblée lorsqu’il s’agit de caractériser le fonctionnement des institutions d’un pays. La Constitution, bien entendu, fixe un cadre précis en la matière, et rien ne peut être fait qui n’y soit conforme. Toutefois, son application peut donner lieu à des interprétations diverses et le respect des droits du Parlement dépend aussi du règlement adopté par chaque assemblée.

Ainsi, la révision constitutionnelle de juillet 2008 a donné lieu à une interprétation très différente entre l’Assemblée nationale et le Sénat. Le « crédit temps » rendu possible par la Constitution modifiée, qui permet de remettre en cause le droit d’amendement en limitant le temps global de discussion sur un projet ou une proposition de loi, a été inscrit dans le règlement de l’Assemblée nationale, mais non dans celui du Senat. Ainsi le débat a-t-il davantage lieu dans l’assemblée élue au suffrage universel indirect que dans l’assemblée représentant directement le peuple…

Cette courte digression avait pour objet de rappeler qu’une modification de règlement est toujours un geste très politique, qui ne peut jamais se résumer à l’adaptation technique de dispositions constitutionnelles ou à une gestion administrative des assemblées.

Un règlement peut influer sur la mise en œuvre de dispositions constitutionnelles, mais il ne peut inverser le cours des choses. Il peut ralentir des évolutions, mais il ne peut les stopper. En l’occurrence, la politique de réduction progressive des droits du Parlement amorcée par la Constitution de 1958 et accentuée par le poids de l’« hyperprésidence » mise en place par l’actuel Président de la République ne peut évidemment pas être fondamentalement remise en cause par tel ou tel règlement d’assemblée.

L’inflation législative, la multiplication des lois d’affichage, la précipitation marquée par le recours très fréquent à la procédure accélérée, le mépris affiché à l’encontre du Parlement sur les grands thèmes comme celui de la crise européenne, sont autant de signes d’affaiblissement du pouvoir législatif.

N’est-il pas inadmissible que ni le Président de la République ni le Premier ministre n’envisagent de consulter l’Assemblée nationale et le Sénat sur le tortueux projet de traité européen – ou accord intergouvernemental – qui porte pourtant en son sein une atteinte sans précédent au droit des parlements nationaux, notamment en matière budgétaire ?

Aucun règlement ne peut combattre efficacement la remise en cause du principe même de la démocratie parlementaire, opérée par l’affirmation d’une véritable dictature des marchés, elle-même symbolisée par la toute-puissance des agences de notations, que 81 % de nos concitoyens critiquent mais qui n’en font pas moins la pluie et le beau temps en Europe, si notre pays ne se dote pas d’une Constitution qui restaure pleinement la souveraineté du peuple.

Avant que soit éventuellement approuvée la proposition de résolution modifiant le règlement du Sénat, je souhaite donc rappeler que le groupe CRC rejette catégoriquement les institutions de la Ve République. Cette position n’est pas de circonstance puisque les sénateurs communistes la défendent, avec leur parti, depuis l’origine. Faut-il rappeler que nous nous sommes opposés, en 1962, à la proposition d’instaurer l’élection du chef de l’État au suffrage universel direct ?

Nous constatons aujourd’hui les dégâts de la personnalisation et de la médiatisation de la vie politique, voire de sa « pipolisation », sur les rapports entre représentants et représentés en France.

Je suis, avec mon groupe, partisane de l’instauration d’une VIe République qui restaure le pouvoir citoyen et, dans ce but, replace le Parlement au centre de nos institutions.

La suppression du droit de dissolution de l’Assemblée nationale accordé au Président de la République, la restauration du pouvoir budgétaire, qui suppose l’abrogation de l’article 40 de la Constitution, le droit d’initiative législative conféré au peuple, l’établissement du scrutin proportionnel pour l’ensemble des élections et la suppression du cumul des mandats exécutifs sont des exemples de mesures institutionnelles fortes qui nous permettraient de passer d’une République oligarchique à une République citoyenne.

Le Sénat ne pourra rester à l’abri de changements importants. Le gain de la majorité par la gauche, en même temps que la soudaine utilité politique et sociale de la Haute Assemblée face aux coups de boutoir portés contre les intérêts de l’immense majorité du peuple par une droite qui détient tous les pouvoirs nationaux depuis dix ans, ne signifie pas notre renoncement à une profonde réforme du Sénat.

Et cette réforme ne peut ni ne doit se limiter à une modification du mode de scrutin, quelle que soit l’importance de cet enjeu. Pendant longtemps, le mode de scrutin sénatorial avait réussi à empêcher toute alternance au sein de la Haute Assemblée alors que les élections locales avaient abouti à des victoires de la gauche dans la grande majorité des territoires. Certes, le renouvellement de 2011 a envoyé une nouvelle majorité au Sénat, mais celle-ci ne reflète pas le réel rapport des forces dans les territoires, qui est beaucoup plus favorable à la gauche.

Le débat sur le mode de scrutin sénatorial est donc nécessaire, mais nous sommes convaincus que le Sénat aura de l’avenir s’il devient l’assemblée de l’initiative des citoyens et de leurs élus locaux, c’est-à-dire s’il développe sa spécificité dans les liens du Parlement avec les populations des territoires.

J’estime qu’il est de la responsabilité de la nouvelle majorité sénatoriale de lancer enfin un débat sur l’utilité démocratique et le devenir de notre assemblée.

Le règlement du Sénat est empreint du déséquilibre qui s’est peu à peu instauré, en plus de deux décennies, entre législatif et exécutif et de la dérive présidentialiste du régime, au détriment des prérogatives parlementaires.

Même si, comme je l’ai déjà indiqué, les effets de la dernière réforme ont été atténués au Sénat, pour mieux justifier l’amputation du débat démocratique à l’Assemblée nationale, il n’en demeure pas moins que le parlementarisme rationalisé a gagné du terrain dans notre hémicycle.

La réduction du temps de parole sur les projets et propositions de loi, la mise en application de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances, la LOLF, qui réduit le débat budgétaire à la portion congrue, et l’instauration d’un seuil « plancher » de trente sénateurs pour exercer un certain nombre de droits sont des illustrations parmi beaucoup d’autres des limites apportées à un fonctionnement réellement démocratique.

Certes, des possibilités nouvelles ont été ouvertes en 2008 dans la répartition des pouvoirs entre majorité et opposition. Je pense en particulier au partage de l’ordre du jour ou au droit de tirage pour les commissions d’enquête. Mais il s’agit essentiellement de pouvoirs de contrôle ; dans les faits, l’initiative législative reste aux mains de l’exécutif.

Pour être honnête, je constate une différence sensible depuis le changement de majorité dans notre assemblée. Autant les nouveaux pouvoirs d’initiative ne revêtaient que peu d’intérêt quand les deux assemblées étaient de la même majorité, autant la configuration actuelle apporte un regain d’intérêt aux débats sénatoriaux.

Mais cela ne renforce pas pour autant les prérogatives parlementaires, du fait non seulement de la prééminence de l’Assemblée nationale, qui ne saurait être remise en cause puisque les députés sont élus au suffrage universel direct, mais surtout des mécanismes qui organisent la soumission du Parlement à l’exécutif : lois de finances, article 40, etc.

En ce qui nous concerne, nous ne voulons plus d’un Parlement qui bavarde. Nous voulons un Parlement qui propose, qui décide et qui anime le débat citoyen.

Vous l’aurez compris, nous sommes attachés à l’engagement rapide de changements profonds, répondant à l’exaspération de nos concitoyens à l’égard du politique, qui est de plus en plus synonyme pour eux d’austérité, de mal-vie ou d’affaires et de conflits d’intérêts.

La proposition de résolution dont nous sommes aujourd’hui saisis a une portée limitée. Elle découle du résultat des dernières élections sénatoriales. Nous considérons qu’elle doit garder un caractère limité. D’éventuelles autres modifications du règlement du Sénat ne sauraient intervenir qu’après une préparation avec l’ensemble des groupes. De ce point de vue, je vous rejoins, monsieur Zocchetto. D’ailleurs, comme je l’ai dit en introduction de mon intervention, vos propositions donnent matière à discussion, même si la présentation que vous en faites me semble quelque peu partiale. Je souhaite donc que le débat continue, et pas seulement à l’occasion de l’examen de la présente proposition de résolution.

L’article 1er de celle-ci vise à améliorer la représentation pluraliste au sein de notre assemblée. Il s’agit d’abaisser le seuil de constitution d’un groupe politique à dix sénateurs.

Comme cela est indiqué dans le rapport de la commission, les prérogatives d’un groupe sont importantes : temps de parole, participation à la conférence des présidents et obtention de moyens constituent des droits qui assurent aux principales sensibilités politiques représentées dans l’hémicycle la possibilité de participer effectivement et de manière indépendante à la vie démocratique de l’assemblée.

Les sénateurs communistes et leurs partenaires ont toujours été attachés à la reconnaissance du pluralisme. C’est cela, et non des calculs politiciens, qui motive nos positions. (M. André Gattolin applaudit.)

Dans l’immédiat, nul ne l’ignore, cette résolution permettra la constitution d’un groupe Europe Écologie-Les Verts au Sénat : cela figure même dans l’exposé des motifs.

Mme Françoise Laborde. Nous l’avions remarqué !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Aussi, je souhaite rappeler que la prise en compte du pluralisme et de la spécificité au sein d’une majorité va de pair avec le respect de ses composantes. Voilà un principe qui est quelque peu bafoué lorsque des candidats Verts sont investis au terme d’un accord avec le parti socialiste dans des circonscriptions législatives dont les sortants sont des élus du Front de gauche ! (Marques d’approbation sur les travées du groupe CRC. – Exclamations ironiques sur les travées de l’UMP.)

Je profite de ce débat pour rappeler la nécessité de porter une attention particulière aux groupes politiques les moins importants en nombre, qui ont eu beaucoup de difficultés à faire face au surcroît de travail parlementaire. En clair, il serait souhaitable que la constitution d’une nouvelle commission ne se fasse pas au détriment des groupes les moins nombreux, dont le travail législatif est tout aussi important que celui des groupes plus nombreux.

M. Ronan Dantec. Nous sommes d’accord !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. L’article 2 de la proposition de résolution de M. le président du Sénat concerne donc la création d’une nouvelle commission permanente, consacrée au développement durable, qui doit résulter de la division en deux de l’actuelle commission de l’économie.

Par le passé, nous avons déjà eu l’occasion d’exprimer nos doutes sur la création de nouvelles commissions, qui rend les interventions des petits groupes plus difficiles, ainsi que je viens de le rappeler. En l’occurrence, certains ne disposeront plus que d’un ou deux membres dans les deux commissions issues de la scission de l’ancienne commission de l’économie.

Cependant, après un examen des avantages et inconvénients de la nouvelle disposition, nous avons considéré qu’il était judicieux de placer le développement durable au centre des préoccupations du Sénat, étant entendu que cette commission devait être dotée d’un contenu réel, en particulier en matière d’investissements dans les transports et l’énergie.

Encore une fois, les évolutions proposées ne sauraient avoir pour conséquence de restreindre les moyens des groupes, a fortiori de ceux dont l’effectif est peu important.

Sous le bénéfice de ces quelques réflexions, qui montrent bien l’utilité de cette proposition de résolution, mais aussi son caractère très limité au regard de l’ampleur du chantier institutionnel nécessaire pour une refondation citoyenne de la République, notre groupe votera ce texte.

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