Groupe Communiste, Républicain, Citoyen, Écologiste - Kanaky

Lois

Avant d’être débattu et voté en séance publique, chaque projet ou proposition de loi est examiné par l’une des sept commissions permanentes du Sénat : lois, finances, affaires économiques, affaires étrangères et Défense, affaires culturelles, affaires sociales, aménagement du territoire et du développement durable. Classées par commissions, retrouvez ici les interventions générales et les explications de vote des sénateurs CRC.

Lire la suite

Loi d’orientation pour l’Outre Mer

Par / 13 juin 2000

Intervention générale de Robert Bret

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’Etat, mes chers collègues, prévu depuis plusieurs années, le débat sur le projet de loi d’orientation examiné aujourd’hui au Sénat est le premier grand débat sur l’outre-mer depuis le débat sur la loi de départementalisation du 19 mars 1946, qui a érigé en départements français les " quatre vieilles colonies ". C’est dire combien il est attendu par les populations des départements d’outre-mer.

Si, depuis cinquante ans, la départementalisation conçue comme un modèle unique a permis des avancées incontestables, elle apparaît aujourd’hui à bout de souffle.

La situation appelle des réponses neuves et novatrices.

Les sociétés domiennes subissent, comme vous l’avez indiqué, monsieur le secrétaire d’Etat, un " mal-développement " de plus en plus criant, avec des taux de chômage évalués entre 30 % et 40 % selon les régions, et une misère qui conduit à toutes formes de déviances sociales. L’économie artificielle et dépendante se fonde essentiellement sur le recyclage des fonds publics nationaux ou européens.

La loi d’orientation proposée aujourd’hui est-elle à même de réparer ces maux et de satisfaire aux aspirations de responsabilisation et d’autodétermination des populations concernées ? Répond-elle à la question que posent les peuples d’outre-mer depuis des années, celle du respect de leur diversité et de leur participation aux choix de développement ?

On peut en douter au regard du manque d’ambition du texte qui nous est proposé, notamment en ce qui concerne le volet institutionnel. Il n’est pas à la hauteur des enjeux et des attentes exprimées.

Convaincu comme vous, monsieur le secrétaire d’Etat, que " le moule unique " a vécu, je considère comme très regrettable que soit si peu prises en compte la diversité des situations et la nécessité d’avoir des approches et des réponses différenciées de ces départements. J’aurai l’occasion de revenir sur ce point durant le débat.

Parmi les avancées attendues de ce projet de loi, on peut se féliciter de l’affirmation des compétences en matière internationale des départements d’outre-mer. C’est un premier pas pour une ouverture et une intégration régionale réelle renforçant leurs atouts géographiques.

Cette intégration régionale est indispensable pour un développement autonome, notamment pour l’établissement de coopérations mutuellement avantageuses, pour la possibilité de transferts de technologie avec les pays voisins.

Ces départements peuvent d’ailleurs permettre des solidarités porteuses pour le développement de la francophonie, que ce soit dans les Caraïbes, dans l’océan Indien ou en Amérique du Sud. Il faut donc donner aux départements d’outre-mer les moyens d’un plus grand rayonnement au niveau régional, véritable atout pour la France comme pour les pays concernés.

Dans le domaine du contrôle des flux migratoires, il est également nécessaire pour les départements d’outre-mer de pouvoir coopérer avec les pays voisins pour trouver des solutions à long terme. Tel est notamment le cas en Guyane. Sans doute faudrait-il aller plus loin encore dans le sens de l’affirmation de leurs compétences en ce domaine.

Le volet socio-économique du projet de loi prévoit une augmentation notable des moyens de l’Etat pour une relance des départements d’outre-mer et des mesures qui s’inscrivent dans la volonté de créer des emplois et de dynamiser une croissance économique valorisant les potentiels régionaux. Nous les soutenons.

Mais comment ce projet de loi pourrait-il prétendre à l’instauration de l’égalité sociale alors qu’il laisse encore trois ans avant l’alignement du RMI sur celui de la métropole, et que l’alignement de l’allocation de parent isolé sur le niveau métropolitain est prévu sur sept ans ? Ces délais ne sont pas admissibles, alors même qu’existent dans ces régions des surrémunérations qui rendent encore plus intolérable un RMI " au rabais ". Comme vous nous l’avez dit, monsieur le secrétaire d’Etat, cela représente un coût : 1 milliard de francs.

Parallèlement, nous pensons, comme vous l’avez précisé par anticipation, que les aides, exonérations fiscales et autres mesures tendant à la création d’entreprises et d’emplois doivent faire l’objet de contrôles afin de garantir leur contribution effective au développement d’emplois stables et à une croissance durable. Nous déposerons des amendements en ce sens.

La reconnaissance des identités culturelles de ces territoires est à privilégier, dans un contexte de globalisation où l’uniformisation culturelle devient la règle.

Or, si des avancées ont été obtenues, notamment en ce qui concerne la valorisation des langues régionales, le projet de loi paraît limité sur ce point au regard de l’enjeu en termes de moyens financiers mis à disposition pour la promotion des cultures ultramarines. Les efforts en ce sens doivent être poursuivis et intensifiés.

Enfin, le volet institutionnel, particulièrement complexe, constitue une question fondamentale pour l’avenir des départements d’outre-mer. Les propositions en la matière sont très insuffisantes et sont loin de celles qui sont formulées par les différents rapports, que ce soit le rapport de MM. Lise et Tamaya ou celui de la commission des lois, qui s’est rendue sur place récemment.

La déception est grande aujourd’hui, après l’examen du texte par l’Assemblée nationale et l’absence de réponses adéquates à la profonde crise structurelle frappant l’ensemble des sociétés domiennes.

Si les aspirations à l’affirmation des identités et à la responsabilisation se développent partout dans les départements d’outre-mer, elles se déclinent différemment.

Pour la Réunion, la proposition de bidépartementalisation votée par l’Assemblée nationale n’a pas été retenue par la commission des lois du Sénat. C’est mon collègue Paul Vergès qui évoquera cette question.

En ce qui concerne les départements de la Martinique, de la Guadeloupe et de la Guyane, les exigences en matière d’émancipation et d’autodétermination sont particulièrement fortes. La déclaration de Basse-Terre de décembre 1999 proposant un " statut de région d’outre-mer nouveau dans le cadre de la République française et de l’Union européenne " et signée, dans la diversité de leurs appartenances politiques, par les trois présidents de région de la Guyane, de la Guadeloupe et de la Martinique manifeste l’urgence d’une véritable réforme pour faire face à la crise structurelle grave que connaît la société de ces régions et pour amorcer un nouveau type de développement autocentré.

Les nombreuses critiques émises sur le projet de loi à l’issue de son passage à l’Assemblée nationale témoignent de la déception éprouvée au regard du manque d’ambition sur cette question. Les prérogatives du congrès ont ainsi été sensiblement réduites par rapport à ce que prévoyait l’avant-projet et les propositions du rapport de MM. Lise et Tamaya.

Cette instance, telle qu’elle se présente à la suite de l’étude du texte par l’Assemblée nationale, est qualifiée par de nombreux élus domiens de simple " chambre d’enregistrement " sans pouvoirs.

On est très loin des besoins, comme des attentes de ceux qui voyaient dans cet organe un premier outil - insuffisant, mais à développer - visant à la mise en place d’un réel pouvoir de décision et de participation des population locales.

Or, la commission des lois du Sénat a même rejeté cette disposition, ne faisant aucune proposition de rechange.

Le risque est grand, aujourd’hui, de voir cette déception se transformer en colère et en explosion sociale au sein de populations qui sont dans l’attente d’un projet ambitieux et de véritables réformes pour le développement de leurs territoires.

Alors que la départementalisation montre ses limites, ne fallait-il pas, pour trouver des solutions adéquates, aller vers des modifications statutaires et non pas s’inscrire simplement dans l’optique de l’article 73 de la Constitution et dans le cadre rigide de la seule départementalisation ?

N’est-ce pas aux populations elles-mêmes qu’il convient de décider des voies à suivre ? Elles revendiquent pour cela l’application du principe de base de l’autodétermination. Et nous défendons ce droit imprescriptible.

Ayant participé à la mission de la commission des lois en septembre dernier en Guyane et aux Antilles, je suis revenu convaincu de l’urgence de travailler à la mise en place de réformes qui permettront une plus large autonomie de chacune de ces régions dans le cadre républicain, avec l’objectif d’un développement endogène de leurs territoires. Comment ces populations pourront-elles accepter une telle frilosité à l’égard d’éventuelles évolutions institutionnelles à l’heure où le Gouvernement débat avec l’assemblée territoriale corse sur ce sujet et alors que la Polynésie et la Nouvelle-Calédonie ont obtenu des avancées statutaires importantes ?

Parallèlement, prenons l’article 299-2 du traité d’Amsterdam, qui conforte la spécificité du régime applicable aux départements d’outre-mer. Cet article est à considérer, et je vous ai bien entendu, monsieur le secrétaire d’Etat ; mais pour l’instant, tel qu’il est proposé, il est imprécis. N’est-il pas nécessaire de lui donner du contenu, un contenu allant dans le sens d’une augmentation des possibilités d’adaptation et de dérogations pour les départements d’outre-mer et d’une affirmation de compétences, de règles et de débouchés spécifiques pour ces régions, dans un souci d’efficacité ?

La France, pendant sa présidence de l’Union européenne, pourrait faire des propositions auprès de ses partenaires en ce sens.

Mes chers collègues, ce projet de loi devait être un rendez-vous important, pour ne pas dire historique, avec les populations domiennes ; il devait leur permettre de sortir d’un immobilisme conduisant à l’impasse, d’un enfoncement périlleux.

Certains voient en lui un premier pas, une étape. Mais peut-on même le considérer comme une étape, si on lui enlève, comme le propose la commission de lois du Sénat, le peu de substance de son volet institutionnel, déjà très insuffisant ?

Le manque d’ambition de ce projet de loi, le manque de réponses adaptées au regard des urgences sociales et politiques et des attentes exprimées ne risquent-ils pas d’amener les populations domiennes à revendiquer dans la rue ces changements ?

Or, attendre d’en arriver là pour devoir ensuite légiférer dans l’urgence n’est sûrement pas la solution la meilleure !

Nous avons une grande responsabilité vis-à-vis des populations domiennes, populations qui souhaitent rester françaises. Il serait dangereux pour l’avenir de laisser se développer dans les départements d’outre-mer une colère et un mécontentement déjà très perceptibles.

Monsieur le secrétaire d’Etat, nous appelons le Gouvernement à bien considérer la mesure de cet enjeu et à prendre date pour qu’un nouveau débat, inévitable, permette prochainement d’aller beaucoup plus loin que ce qui nous est proposé aujourd’hui.

Les dernieres interventions

Lois Qui va payer les quotas gratuits sur le marché du carbone ?

Adaptation du droit de l’Union européenne - Par / 9 avril 2024

Lois Le nucléaire, quoi qu’il en coûte ?

Fusion de l’Autorité de sûreté du nucléaire avec l’institut chargé de l’expertise sur le nucléaire - Par / 8 avril 2024

Lois Nouvelle-Calédonie : le dégel du corps électoral ne passe pas

projet de loi constitutionnelle portant modification du corps électoral pour les élections au Congrès et aux assemblées de province de la Nouvelle-Calédonie. - Par / 3 avril 2024

Lois Confisquons les biens criminels

PPL améliorant l’efficacité des dispositifs de saisie et de confiscation des avoirs criminels - Par / 26 mars 2024

Lois L’autorité parentale n’est pas automatique

Proposition de loi visant à mieux protéger et accompagner les enfants victimes et covictimes de violences intrafamiliales - Par / 13 mars 2024

Lois Un statut pour que chacun puisse devenir élu

Proposition de loi portant création d’un statut de l’élu local - Par / 7 mars 2024

Lois Un vote historique pour inscrire l’IVG dans la Constitution

Liberté de recourir à l’interruption volontaire de grossesse - Par / 29 février 2024

Lois Alerte sur l’habitat dégradé

Projet de loi sur la rénovation de l’habitat dégradé - Par / 27 février 2024

Lois Une colonisation de peuplement en Nouvelle-Calédonie

Projet de loi organique pour reporter les élections en Nouvelle-Calédonie - Par / 27 février 2024

Lois Une boîte noire pour les entreprises ?

Garantir la confidentialité des consultations juridiques - Par / 15 février 2024

Lois Coup de pouce pour les communes rurales

Dérogation à la participation minimale pour la maîtrise d’ouvrage pour les communes rurales - Par / 13 février 2024

Lois Protéger les enfants, même des parents

Proposition de loi sur les violences intrafamiliales - Par / 6 février 2024

Lois Action de groupe : la conquête entravée du collectif

Proposition de loi sur le régime juridique des actions de groupe - Par / 5 février 2024

Lois Un maire sans argent est un maire sans pouvoir

Vote sur la proposition de loi tendant à améliorer la lisibilité du droit applicable aux collectivités locales - Par / 25 janvier 2024

Lois Ne pas tomber dans le piège des terroristes

Proposition de loi instituant des mesures judiciaires renforçant la lutte antiterroriste - Par / 23 janvier 2024

Lois Outre-mer : une question de continuité intérieure

Débat sur les mesures du Comité Interministériel des Outre‑mer - Par / 10 décembre 2023

Administration