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Lois

Avant d’être débattu et voté en séance publique, chaque projet ou proposition de loi est examiné par l’une des sept commissions permanentes du Sénat : lois, finances, affaires économiques, affaires étrangères et Défense, affaires culturelles, affaires sociales, aménagement du territoire et du développement durable. Classées par commissions, retrouvez ici les interventions générales et les explications de vote des sénateurs CRC.

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Lutte contre les violences au sein du couple

Par / 24 janvier 2006

Monsieur le Président,
Monsieur le Ministre / Madame la Ministre,
Mes chers collègues,

En préambule, je tenais à vous faire part de mon étonnement en prenant connaissance de l’avant projet de loi de Mr Sarkozy, relatif au plan de prévention de la délinquance et qui contient des mesures concernant les violences conjugales.
Or nous examinons ce sujet, aujourd’hui, en seconde lecture. Le gouvernement renierait-il à ce point le travail des parlementaires ? Monsieur le ministre de l’intérieur placerait-il les violences conjugales au même degré que la délinquance juvénile ? Ma collègue et présidente de mon groupe Nicole Borvo-Seat vous a adressé, Mr Hyest, un courrier afin d’obtenir quelques éclaircissements et d’appuyer cette demande.
La violence au sein du couple n’est pas un phénomène de délinquance ordinaire, et par conséquent se doit d’être traitée sous tous les aspects directement ou indirectement perceptibles.

Tout d’abord parce que la violence conjugale touche principalement les femmes, dans 95 % des cas. L’ampleur de ce phénomène a été révélée bien tardivement grâce à l’Enquête nationale sur les violences envers les femmes en France, l’ENVEFF, réalisée en 2000. Cette enquête nous a permis à tous de ne plus pouvoir occulter ou même relativiser le problème de la violence au sein du couple. C’est donc clairement une violence de genre, sexiste, et il conviendrait d’aborder également le problème de la violence conjugale dans le cadre plus global de la promotion des valeurs d’égalité entre les femmes et les hommes.

Par ailleurs, un acte de violence commis par un conjoint intervient dans un contexte bien particulier, dans la sphère privée, l’espace de l’intime

La violence exercée par le partenaire au sein de la famille se présente sous la forme d’un ensemble de comportements qui tendent à établir et à entretenir le contrôle sur la femme et parfois sur les enfants.

Il s’agit de véritables stratégies visant à exercer un pouvoir sur l’autre en utilisant différents types de comportements, dévaloriser dénigrer, imposer des contrôles ou des limites, brutaliser, la liste des comportements violents est malheureusement longue.

Généralement, la violence s’installe progressivement, voire de façon insidieuse. Elle débute par des remarques vexantes, des insultes jusqu’à aboutir parfois à la mort par homicide ou suicide. Violences physiques et violences psychologiques apparaissent simultanément.

C’est ce caractère très particulier qui rend le phénomène des violences conjugales difficile à repérer -la femme elle-même ne se reconnaissant pas comme victime et dans ce drame conjugal se mêlent et s’entremêlent les sentiments d’amour et de désamour d’autant plus difficile à traiter.

D’où l’importance de la prévention et des campagnes de sensibilisation afin que la victime puisse s’identifier comme telle et trouver les appuis et les aides nécessaires

Nous voulons être efficaces La prévention, grâce notamment à une meilleure formation des professionnels, la sensibilisation des femmes et l’information auprès des jeunes sont pour nous des priorités dans une lutte agissante contre les violences. C’est d’ailleurs ce sur quoi reposait notre proposition de loi initiale : la formation, la prévention, l’éloignement du conjoint violent et aide financière accordée à la victime.

Nous examinons en deuxième lecture un texte remodelé qui me navre quelque peu.Nous pensions mettre en oeuvre tous les moyens pour éradiquer ce fléau avec des mesures complètes vis à vis des victimes avec tous les acteurs intervenant et confrontés à ces drames humains, avec une approche éducative en direction des jeunes en misant ainsi sur le futur et nous voici avec un texte qui a opéré un véritable glissement vers les mariages forcés et les cas de nullité. Son intitulé, lui même est révélateur

C’est pourquoi nous avons jugé nécessaire de redéposer des amendements qui -je l’espère- vous convaincront notamment de l’utilité d’apporter une meilleure formation aux professionnels de soins et de sécurité en termes d’accueil, d’écoute, et de conseils à prodiguer aux femmes victimes de violences conjugales.

La violence conjugale est un véritable problème de santé publique dont l’ampleur est considérable puisqu’elle touche 1 femme sur 10. La seule pénalisation du comportement violent du conjoint ne peut être la réponse à apporter à une violence qui découle plus ou moins directement d’une conception machiste de la société.

C’est aussi ce qui explique qu’il n’y a pas de profil type de victime, toutes les femmes sont potentiellement susceptibles d’être un jour victime de violence de la part de leur conjoint. L’ENVEFF a ainsi permis de révéler que pour toutes les formes de violences conjugales, les femmes les plus jeunes (20-24 ans) ont déclaré nettement plus de violences que leurs aînées.. Les violences physiques sont perpétrées dans tous les milieux sociaux. La pression psychologique occasionnelle est plus fréquemment dénoncée par les étudiantes et les femmes les plus diplômées.

Dans l’ensemble, les violences conjugales sont toutes aussi fréquentes (environ 9 %), qu’elles exercent ou non une activité professionnelle. En revanche, les- plus jeunes et quelquefois dans des situations de relative instabilité ou de précarité économique - déclarent plus souvent des relations de couple violentes.

La catégorie socioprofessionnelle n’est donc pas forcément un facteur aggravant ou au contraire protecteur face à une éventuelle situation de violence au sein du couple.

Un autre aspect est également à prendre en compte. Les violences psychologiques et verbales répétées seraient aussi destructrices que les agressions physiques.
Une femme sur dix vit cette situation et trois femmes sur dix la vivaient, parmi celles qui se sont séparées récemment.

Ces divers constats m’incitent donc à la plus grande prudence lorsqu’il s’agit d’appréhender les violences conjugales d’un point de vue strictement pénal.

D’autant plus que notre droit pénal et notre procédure pénale ne sont pas exempts de sanctions et de mesures permettant de lutter contre les violences au sein du couple.

Je prendrai l’exemple de l’article 138 du code de procédure pénale, relatif au contrôle judiciaire, qui prévoit notamment que le juge d’instruction peut interdire au mis en examen de ne pas se rendre sur certains lieux ou de ne pas entrer en relation avec la victime. Notre souhait serait d’inciter les magistrats à utiliser plus souvent les possibilités offertes par notre législation pénale, et plus particulièrement par l’article 138 afin de protéger la victime du conjoint violent, et c’est pourquoi dans notre proposition de loi, nous avions rajouté la mention « en cas de violences au sein du couple » dans les interdictions prononcées par le juge, comme nous souhaitions également qu’il puisse prononcer une injonction de soins, toujours dans le cadre du contrôle judiciaire.

Nous regrettons bien évidemment que ces deux propositions n’aient pas été retenues, au profit d’une pénalisation accrue. Nous regrettons également que la question du soutien financier à la victime de violences conjugales ait été écartée par le gouvernement. C’est pourtant un point essentiel dans la lutte contre cette forme de violence. La solidarité nationale doit pouvoir être sollicitée dans ces cas de figure, où bien souvent les femmes se retrouvent dans l’obligation de quitter le domicile conjugal tout en étant privées de ressources. Je ne pense d’ailleurs pas que la solution avancée il y a quelques temps des familles d’accueil susceptibles de recueillir ces femmes, éventuellement accompagnées de leurs enfants, soit la solution.

Je le disais, c’est à la solidarité nationale, à l’Etat, de pourvoir aux besoins de ces femmes en détresse, en développant les centres d’accueil d’urgence ou encore en leur accordant une indemnité spécifique, comme nous le proposons dans un amendement. L’Etat ne peut se désengager de ce problème.

De même, je pense qu’il serait intéressant de prévoir que les offices HLM réservent, ou du moins attribuent en priorité, des logements en faveur des femmes obligées de quitter leur domicile. Malheureusement, nous connaissons tous la situation de pénurie en logements sociaux, et cela d’autant plus que de nombreuses communes refusent délibérément d’appliquer la loi SRU. La question du logement d’urgence des femmes victimes de violences se pose donc dans le cadre plus global de l’offre de logements sociaux, qui est bien en deçà des besoins.

Je voudrais maintenant revenir sur les dispositions relatives à la lutte contre les mariages forcés. Si nous nous réjouissons de l’adoption par les deux assemblées du relèvement de l’âge au mariage à 18 ans pour les filles, nous nous interrogeons néanmoins sur l’opportunité d’introduire dans un texte sur les violences conjugales des dispositions diverses destinées à lutter contre les mariages forcés. De surcroît, je pense que ces articles vont renforcer la suspicion -déjà grande- à l’encontre des mariages mixtes, ce qui n’est évidemment pas notre volonté.

De même, je pourrais exprimer les mêmes réserves en ce qui concerne les dispositions relatives à la lutte contre les mutilations sexuelles. Bien qu’il soit positif que le Parlement engage la discussion sur ce sujet et se décide à légiférer en la matière, je pense que la place de ces dispositions n’est pas dans un texte sur les violences au sein du couple.

Alors que l’objectif initial, tant attendu d’ailleurs des associations, était de lutter contre ce fléau que représentent les violences conjugales, nous voici tenus d’examiner une proposition de loi dans laquelle la lutte contre les violences au sein du couple se retrouvent cernées par des dispositions relatives au mariage et à la lutte contre les atteintes et mutilations sexuelles envers les mineurs et au tourisme sexuel.

Loin de moi l’idée de minimiser ces pratiques inhumaines et non respectueuses de l’intégrité des enfants. Mais notre message envers les femmes victimes de violences conjugales est-il toujours aussi clair ? Je n’en suis pas si sûre.

Néanmoins, le rapporteur nous propose des amendements qui ont retenu toute notre attention. Nous en prenons note et nous demandons en retour au gouvernement de prendre en compte nos propositions.

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