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Lois

Avant d’être débattu et voté en séance publique, chaque projet ou proposition de loi est examiné par l’une des sept commissions permanentes du Sénat : lois, finances, affaires économiques, affaires étrangères et Défense, affaires culturelles, affaires sociales, aménagement du territoire et du développement durable. Classées par commissions, retrouvez ici les interventions générales et les explications de vote des sénateurs CRC.

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Modes de scrutin : deuxième délibération, motion

Par / 9 avril 2003

par Robert Bret

Monsieur le Président,
Monsieur le Ministre,
Mes cher(e)s collègues,

Comme l’a indiqué lors de la discussion générale mon amie Nicole BORVO, c’est avec intérêt que nous avons pris connaissance de la décision du Conseil Constitutionnel sur le projet de loi dont nous discutons à nouveau aujourd’hui.
Nous estimons, contrairement à M. le Ministre de l’Intérieur, que le sujet n’est pas aujourd’hui secondaire et que nous ne perdons pas de temps quand nous discutons de la démocratie, quand nous débattons sur les moyens à mettre en œuvre pour associer réellement les citoyens aux prises de décisions.

Si, M. le Ministre, vous considérez que ce texte mérite plus de s’y arrêter, pourquoi avoir pressé les choses à ce point et pris tant de risques avec l’utilisation intempestive du 49-3 sur une loi touchant à la vie démocratique du pays ?

De toute évidence, ce texte que vous semblez chercher à oublier, je vous cite « nous pourrons désormais sortir de ce débat qui intéresse fort peu les Français », tenait beaucoup à cœur au Président de la République au gouvernement et à l’UMP.

Il est clair que depuis hier, ces derniers tentent de minimiser le désaveu prononcé par le Conseil Constitutionnel et de passer rapidement à autre chose pour éviter de mettre à jour des discordances internes, pourtant évidentes.
La tentative de faire passer en force la bipolarisation de la vie politique a donc, en partie, échoué.
En partie seulement, car cet article 4, mais aussi le projet de loi dans son ensemble, menace toujours gravement le pluralisme.

Le Conseil Constitutionnel, rappelons-le, ne s’est pas prononcé sur l’incidence de la fixation du seuil de 10% des inscrits ou des exprimés, mais sur la vie politique du pays.
Il s’agit, pour mémoire, en l’occurrence, du seuil pour permettre d’accéder au second tour de l’élection régionale.
Je vous cite le considérant n°11 de la décision : « Considérant en premier lieu que du fait de la déclaration d’inconstitutionnalité des dispositions précitées de l’article 4 de la loi déférée relative au seuil nécessaire à une liste pour se maintenir de façon autonome au second tour, il n’y a pas lieu d’examiner les autres griefs dirigés contre ces dispositions et notamment celui de tirer de l’atteinte au principe de pluralisme des courants d’idées et d’opinions. »

Le Conseil Constitutionnel rend donc une décision de pure forme, mais en refusant expressément de se prononcer sur le fond, il incite à la réouverture du débat sur les conséquences de la loi sur le fonctionnement démocratique de nos institutions.
Et le fait de substituer la notion d’exprimés à celle d’inscrits, comme l’a fait le gouvernement ne permet pas, à notre sens, d’éluder un tel débat.

Nous assistons depuis plusieurs années, à un recul du caractère démocratique du mode de scrutin régional. D’un système proportionnel à un tour qui permettrait une photographie proche de la réalité du corps électoral, nous sommes passés, sous la pression de la poussée du Front national, à un mode de scrutin à deux tours qui, même si des garanties avaient été obtenues, affaiblissait déjà l’impact démocratique de la proportionnelle.
Aujourd’hui, en établissant ce seuil de 10% des exprimés, qui avait été écarté par l’Assemblée Nationale, en 1998, c’est l’idée même de proportionnelle qui se trouve dénaturée.

Ainsi, les partisans de la bipolarisation, de ce mode d’organisation politique qui écarte une part croissante des citoyens de la représentation et par là même de l’action politique, mettent-ils à bas, un à un, les obstacles à cette captation de l’immense majorité des rouages institutionnels, de la quasi-totalité des pouvoirs par une minorité de plus en plus restreinte des formations politiques.

Comment ne pas faire le lien, j’avais développé ce point de vue en défendant la motion référendaire, que j’avais déposé avec Michel DREYFFUS-SCHMIDT, lors de la première et unique lecture de ce texte ; avec la volonté d’imposer un modèle libéral à notre société et dessaisir dans ce but la grande masse des habitants de notre pays, de l’Europe, des leviers décisionnels afin de les confier aux cercles du pouvoir financier.

Les dispositions concernant le mode de scrutin européen vient également dans ce sens. Nous avons souligné la démagogie, pour ne pas dire l’hypocrisie, sous-jacente à la création de super régions comme nouvelles circonscriptions au détriment de la circonscription unique au plan national.
Là encore, on évoque le rapprochement des élus et des citoyens. La principale conséquence sera le brouillage d’un débat national, sur la place de la France dans l’Europe, sur le devenir de la construction européenne.

Cette proposition est profondément fédéraliste, comme le précisait d’ailleurs F. BAYROU lui-même et se marie parfaitement avec l’offensive libérale que nous connaissons aujourd’hui, offensive qui trouve sur son chemin la spécificité française empreinte d’idéaux de solidarité, de justice et d’égalité dans les services publics, continuent à être les symboles malgré bien des incertitudes.
La nouvelle organisation du mode scrutin européen pousse à la bipolarisation et menace le pluralisme. Sur ce point aussi, nous considérons que la Commission, aux vues des remarques du Conseil Constitutionnel sur le pluralisme, se doit d’approfondir sa réflexion en auditionnant, et si nécessaire, en procédant à des simulations.

Il est un autre point important qui motive notre renvoi en commission et je reviens à l’article 4 du projet de loi.
Dans ses considérants 18 et 19, le Conseil Constitutionnel émet des réserves que je qualifierai d’appuyées sur la complexité du mode de scrutin régional instauré et notamment de la mise en œuvre des sections départementales.
Face au caractère incompréhensible pour beaucoup des nouvelles dispositions, le Conseil Constitutionnel a tenté, par sa décision, de se livrer à une véritable explication de texte pour le rendre intelligible.

Le conseil juge, par exemple, nécessaire de préciser les obligations des autorités compétentes pour éclairer les électeurs. Comment ne pas citer ce passage « il leur appartiendra] à ces autorités [en particulier d’expliquer que le caractère régional du scrutin et l’existence d’une .. majoritaire pouvant conduire à ce que dans une section départementale donnée, une formation se voit attribuer plus de sièges qu’une autre, alors qu’elle a obtenu moins de voix dans le département correspondant. »

M. le Ministre, M. le Rapporteur, qui peut croire un seul instant, que la complexité aide la démocratie ?
Lors du non débat qui s’est déroulé devant cette assemblée, nous n’avons pu examiner sérieusement cette question du manque de clarté de ce projet de loi qui est facteur d’éloignement des citoyens de la vie politique, contrairement à l’objectif annoncé.

Menace persistante sur le pluralisme, complexité dissuasive du mode de scrutin, les motifs ne manquent pas pour une remise en cause du projet de loi sur le plan de travail.
Ces deux aspects fondent, bien entendu, notre opposition à ce projet de loi, même remanié.
N’oublions pas que le Ministre lui-même ne cachait pas ses réserves à l’égard de l’offensive du président de l’UMP.
La voie démocratique est ailleurs. Elle est dans une démocratisation en profondeur de notre institution, une réappropriation des lieux de débats et de décisions pour le peuple lui-même.

La proportionnelle, je l’ai déjà indiqué, joue un rôle essentiel dans cette démarche.
C’est ce système qui permet l’adéquation la plus proche de la réalité entre représentant et représenté.
C’est ce système qui permet la mise en œuvre de la parité et du renouvellement en politique.
Certains, sur les bancs de la majorité ou du gouvernement, à commencer par vous, M. le Ministre, brandissent le spectre du Front national.

Les partisans de la proportionnelle feraient ainsi le lit du Front national.
Cette polémique doit cesser. Le Front national se combat politiquement par des choix de société clairs, progressistes, qui ne flattent pas les bas instincts, par le rejet et sans ambiguïté de la xénophobie, du racisme et de l’antisémitisme. Le Front national croît sur le terreau de la misère, de la précarité. Discutons de cela sérieusement et nous ferons reculer les idées de haine.
Ce n’est pas par des petits arrangements que l’on combat un phénomène qui trouve sa source dans une politique économique et sociale donnée.

Le projet gouvernemental ne vise aucunement à combattre le Front national, la loi de 1999 prenait déjà les mesures nécessaires.
Ils visent à assurer la domination d’un parti à droite et à bipolariser la vie politique.
Reconquérir la proportionnelle constitue un enjeu crucial pour la démocratie dans les années à venir. Le projet de loi dont nous débattons à nouveau aujourd’hui prend à contresens une telle démarche.

Il fait l’impasse sur le désir de pluralisme exprimé par les électeurs le 21 avril dernier et leur rejet des deux partis dominants.

Ces remarques et notre souhait de proposer au parlement de s’atteler réellement à la démocratisation de nos institutions motivent cette motion de renvoi e commission que nous vous soumettons au vote.

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