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Lois

Avant d’être débattu et voté en séance publique, chaque projet ou proposition de loi est examiné par l’une des sept commissions permanentes du Sénat : lois, finances, affaires économiques, affaires étrangères et Défense, affaires culturelles, affaires sociales, aménagement du territoire et du développement durable. Classées par commissions, retrouvez ici les interventions générales et les explications de vote des sénateurs CRC.

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Modification de la loi relative à

Par / 7 février 2002

par Nicole Borvo

Je dois dire aujourd’hui ma profonde déception à me trouver dans cette enceinte pour discuter de la révision de la loi du 15 juin 2000, à quinze jours de l’interruption de session. Je l’ai dit pendant le budget, je regrette un tel aménagement législatif, discutable tant sur le fond que sur la forme.

Il ne s’agit pas de fétichisme, à l’égard de la loi, ce n’est pas mon genre. Mais pourquoi modifier un texte salué par tous comme un progrès nécessaire, hissant la France au standard européen ? Pourquoi la retoucher quelques mois à peine après son adoption ? Elle est entrée en application il y a à peine un an ­ et même sept mois pour ce qui est de l’application des peines.

Nous n’occultons pas les difficultés que rencontrent, tant l’institution judiciaire que les forces de police et de gendarmerie, dans l’exercice de leur mission. Une part tient certainement au changement de culture qu’entraîne la loi. L’obligation d’information alourdit les tâches des juges d’instructions. Pour difficiles qu’ils soient, ces changements ont été voulus par le Parlement. Il ne saurait donc être question de les remettre en cause, sauf à contester le rôle même du législateur. D’ailleurs, loin du bogue judiciaire annoncé, l’ensemble des acteurs ont montré leur capacité d’adaptation.

La circulaire du 10 janvier 2001 a d’ailleurs utilement allégé les contraintes et simplifié les formulaires. C’est sur cette base qu’ont été proposées les modifications prévues à l’article premier, s’agissant des personnes susceptibles de faire l’objet d’une mesure de garde à vue : la circulaire indiquait déjà que la notion d’indices devait être comprise comme « l’existence d’une raison plausible permettant de soupçonner » que la personne est liée à l’infraction.

La plupart des difficultés recensées n’ont pas grand-chose à voir avec la loi elle-même, ce sont les révélateurs de dysfonctionnements plus profonds. Le rapport Lazerges a su montrer combien la loi a rendu nécessaire une réflexion de fond sur les méthodes de travail des magistrats.

La cristallisation autour de la loi du 15 juin 2000, comme le bouc émissaire du mécontentement policier, aboutit à occulter la question, autrement plus importante, des moyens matériels et humains, l’état des locaux de police et de gendarmerie donne la mesure de l’effort financier nécessaire, et, dans notre pays qui compte pourtant l’un des ratios policier/habitant le plus fort, le déficit en officiers de police judiciaire devient problématique.

Si l’augmentation du budget de la justice n’a pas eu d’équivalent sous les précédentes législatures, le retard est tellement important que l’effort paraît dérisoire. Mais il ne saurait être question, à cause du manque de moyens, de rogner sur les libertés.

Que la délinquance augmente, c’est un fait. Que les comportements violents se multiplient, notamment chez les plus jeunes, il n’est pas question de le nier. Que le sentiment d’insécurité soit exacerbé, c’est évident, même si les statistiques appellent un examen plus attentif.

Mais cette réalité trouve-t-elle un début d’explication dans le vote de la loi du 15 juin 2000 ? Cela reste à démontrer. Pourtant certains manient avec allégresse le syllogisme : l’insécurité augmente ; la loi du 15 juin est mise en accusation par les personnels de police et de gendarmerie chargés de la lutte contre l’insécurité ; donc la loi est responsable de l’insécurité.

Mais j’attends encore qu’on me démontre le lien entre la loi et l’insécurité ! Je donne acte à la commission des Lois d’avoir souligné que la plupart des difficultés rencontrées n’avaient que peu à voir avec la loi du 15 juin 2000.

Ce n’est pas à coup de réformes de la procédure pénale qu’on fait une politique de lutte contre la délinquance et l’insécurité. Celle-ci passe par une réflexion globale sur la délinquance, qui ne peut se résumer à stigmatiser les quartiers difficiles. Les gardiens de la paix le savent bien, l’insécurité est autrement plus complexe, elle tient à un ensemble de facteurs touchant tous les domaines de la vie sociale, politique et économique. Elle appelle donc des réponses qui dépassent largement le champ du pénal et du répressif. Trouver des solutions exige des moyens, des solidarités, le dialogue social. Mais cela prend du temps, exige de la détermination et une réflexion de fond et non du spectaculaire, dangereux, inefficace, et finalement décevant.

J’ai suivi avec attention les débats de l’Assemblée nationale à la fin janvier et j’en suis ressortie avec une impression de malaise : à force de dire que nous sommes en présence d’une bonne loi et qu’il ne faut pas la remettre en cause, on finit par se demander pourquoi il faut la modifier et le citoyen ne comprend plus grand-chose. La commission des Lois n’échappe pas à la contradiction puisqu’elle rappelle la nécessité et l’utilité de cette loi qu’elle souligne la contribution du Sénat, tout en prônant la réforme.

Certes, le gouvernement et les initiateurs de la réforme disent qu’il ne s’agit que d’aménagements mineurs, destinés à « sauver » la loi, pour reprendre les termes de M. Dray, mais ses propos auraient plutôt tendance à nous inquiéter : la loi est-elle en si grand danger ?

Le caractère critique de la situation justifierait l’urgence de la réforme. Mais la précipitation n’est jamais bonne. Elle laisse de côté des points importants comme l’appel des décisions de cour d’assises.

Cette disposition est certainement la moins contestée des deux propositions de loi même si elle se heurte aux objections des avocats qui, mettant en avant le caractère très imparfait de ce « second examen », qui n’est pas fondamentalement un appel, s’étonnent de cette « session de rattrapage » accordée au parquet.

En la matière, les praticiens soulignent certains problèmes qui ne sont guère évoqués, comme l’absence de procès-verbal des débats, lequel pose un double problème : les victimes, seront appelées à comparaître une nouvelle fois lors du procès devant la seconde cour d’assises, le surcroît de souffrance que cela implique. Les jurés, quant à eux, pourront s’étonner des différences de réquisitions du parquet, que la presse, jouant les greffiers, s’empresse de souligner. Or 80 % des appels portent, non sur le verdict de culpabilité, mais sur le quantum de la peine. C’est pourquoi notre commission propose d’enregistrer les débats. Je pense qu’un procès-verbal aurait plus d’intérêt. Bref, il est regrettable qu’on n’ait pas pris le temps d’évaluer les procédures car on risque de multiplier les modifications, ce qui n’est pas satisfait du point de vue de la sécurité juridique.

Nous ne contestons pas le principe d’une évaluation car, comme le souligne M. Schosteck, « il est normal que le législateur, majorité et opposition confondues, soit attentif aux conditions de mise en œuvre des textes qu’il adopte et soit, le cas échéant, prêt à améliorer les lois lorsque les difficultés se font jour ».

Mais pour qu’une évaluation soit incontestable, elle doit avoir le caractère objectif et serein que seul donne le recul du temps. Je déplore que l’on soit parti de faits divers qui posent certes problème mais qui donnent en rapport Dray un caractère éminemment circonstanciel : si ce dernier a le grand mérite de faire le bilan des mécontentements policiers comme des blocages et difficultés pratiques, il semble difficile de parler à son propos d’« évaluation ». De plus, les avocats et les magistrats n’ont pas compris qu’on ne les associe pas au processus.

On comprend dès lors que cette proposition de loi soit décevante et confine, pour certains, à l’affichage.

La commission des Lois propose des modifications à double face. Dans un premier temps, elle respecte scrupuleusement les principes fondamentaux de la procédure pénale. Ainsi propose-t-elle des modifications que nous aurions pu faire nôtres : ainsi en est-il du retour à la notion d’indices comme critère de placement en garde à vue, tant il est vrai que le terme de « raisons plausibles », s’il renvoie à la convention européenne des droits de l’homme, est très étranger à notre droit qui se fonde sur la présence d’éléments matériels. La notion de raisons plausibles nous faisait entrer dans le règne du subjectif qui érige le soupçon en élément d’appréciation. Comme le souligne notre rapporteur, la clarté doit primer.

De même pour la disposition qui rétablit l’information sans délai du procureur. Cette position est fondamentale et tout autre choix nous aurait mis en contradiction avec l’article 64 de la Constitution qui fait de l’autorité judiciaire la gardienne de la liberté individuelle. En application de ce principe, l’activité de la police judiciaire est placée sous le contrôle de l’autorité judiciaire, surtout lorsqu’elle implique la restriction de la liberté d’aller et venir qu’entraîne la garde à vue. Il n’était pas admissible de prévoir, pour des raisons matérielles, une altération de ces principes fondamentaux.

L’ironie veut d’ailleurs que ces deux amendements aboutissent à revenir à la rédaction initiale ! En d’autres termes, pour peu qu’on respecte la convention européenne des droits de l’homme, il devient malaisé de revenir là- dessus.

Sur ces points, une circulaire aurait largement suffit, car elle aurait précisé l’interprétation des dispositions législatives en cas de difficulté.

Je regrette que la commission n’ait pas fait preuve de la même rigueur pour ce qu’on appelle le « droit au silence ». Dire que le prévenu prend la décision de se taire « sous sa responsabilité » implique que le silence peut lui être préjudiciable. On se retrouve donc dans la même situation que la proposition initiale dont les députés communistes avaient démontré qu’il n’était pas conforme à la convention européenne des droits de l’homme.

D’autre part, l’institution d’un délai de trois heures pour l’accomplissement de certaines formalités, s’il a pu apparaître réaliste, n’est pas hors de discussion. Mieux aurait valu ne fixer dans la loi aucun délai précis, car celui-ci sera forcément fonction des circonstances et pourra dépasser trois heures dans certains cas. La mention de ce délai était du ressort de la circulaire.

Quant à la mise en détention des parents d’enfant de moins de dix ans, notre groupe avait souligné les difficultés pratiques d’une telle disposition lors du vote de la loi. Il avait suggéré une rédaction plus souple pour prendre en compte, l’âge mais aussi l’état de santé. Ainsi en est-il pour les enfants handicapés, pour lesquels la référence à l’âge de 10 ans n’est pas pertinent.

Les rédactions tant de l’Assemblée nationale et du Sénat, vident de son sens cette disposition, surtout si l’on se réfère au texte relatif à l’autorité parentale que nous allons examiner et qui va rendre exceptionnel les cas d’autorité parentale exclusive. Nous sommes très hostiles à son extension dans le domaine de la libération conditionnelle dont la logique est toute autre que celle de la mise en détention provisoire. Je regrette que la commission ait souhaité retoucher ce chapitre, qui est le moins contesté.

Je déplore, par ailleurs, que la majorité de la commission des Lois ait réactivé son programme anti- délinquants. Il est vrai qu’elle aurait eu tort de s’en priver !

La question des réitérants a ouvert la boîte de Pandore en permettant de faire l’amalgame entre certains dysfonctionnements pratiques et la lutte contre la délinquance. Souvenons-nous de la parabole de la madeleine du député Tourret à l’Assemblée, selon laquelle qui vole une madeleine et la mange pourrait être puni pour vol et recel !

La commission des Lois ne dit pas autre chose puisqu’elle observe qu’on réprime plus sévèrement le réitérant que le récidiviste. Néanmoins en proposant de porter à trois ans au lieu de deux la peine encourue pour la mise en détention provisoire en cas de délits multiples elle permet aussi d’accroître les détentions provisoires. Comme, de son côté, la chambre de l’instruction peut allonger les délais de la détention provisoire, on revient sur la logique qui avait présidé à la loi en faisant ­ sur le fondement des rapports parlementaires d’enquête sur les prisons ­ de la détention préventive une exception. D’ailleurs, le nombre de détentions provisoires, s’il a chuté dans un premier temps il en est revenu aux seuils antérieurs à la loi du 15 juin 2000.

La majorité de la commission propose même de bouleverser l’état du droit en matière d’enquête préliminaire, de flagrance et de nullité de procédure. Nous ne pouvons l’accepter.

Si certaines modifications vont en revanche dans le bon sens en revenant sur des dispositions à la constitutionnalité douteuse, d’autres confinent l’affichage répressif et nous ne pouvons les accepter. Les sénateurs communistes de mon groupe, ne pouvant accepter la logique qui préside à la révision de la loi du 15 juin 2000, s’abstiendront.

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