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Lois

Avant d’être débattu et voté en séance publique, chaque projet ou proposition de loi est examiné par l’une des sept commissions permanentes du Sénat : lois, finances, affaires économiques, affaires étrangères et Défense, affaires culturelles, affaires sociales, aménagement du territoire et du développement durable. Classées par commissions, retrouvez ici les interventions générales et les explications de vote des sénateurs CRC.

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Nous défendons deux visions opposées de la politique pénitentiaire

Exécution des peines : nouvelle lecture -

Par / 27 février 2012

Rapporteure de la commission des Lois.

Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, le Sénat est appelé à se prononcer, en nouvelle lecture, sur le projet de loi de programmation relatif à l’exécution des peines, adopté par l’Assemblée nationale le 20 février dernier, après que la commission mixte paritaire, réunie le 14 février, a échoué à élaborer un texte commun sur les dispositions restant en discussion.

En nouvelle lecture, les députés ont supprimé les nouveaux articles introduits par le Sénat, à l’exception de l’article 7 ter, relatif à la réalisation des expertises psychiatriques par les praticiens hospitaliers. Sans doute faut-il vous remercier, monsieur le garde des sceaux : je suppose que vous leur avez donné votre accord. Si le décret d’application sur les conditions d’organisation de ces expertises va dans le bon sens, tant mieux pour les psychiatres. Pour le reste, les députés ont rétabli le projet de loi de programmation, à peu de chose près, dans le texte du Gouvernement.

L’Assemblée nationale et le Gouvernement, d’une part, la majorité sénatoriale, d’autre part, défendent deux visions opposées, voire contradictoires, de la politique pénitentiaire. Le Gouvernement, soutenu par la majorité des députés, s’inscrit dans la perspective d’une augmentation continue du nombre de personnes détenues et entend accroître les capacités du parc pénitentiaire. La majorité sénatoriale souhaite, quant à elle, dans le prolongement de la loi pénitentiaire, encourager une politique dynamique d’aménagements de peine et, de ce fait, la réduction du nombre des incarcérations, afin de favoriser la réinsertion des personnes condamnées et, ainsi, de mieux lutter contre la récidive, puisqu’il est établi que les aménagements de peines permettent d’éviter nombre de récidives.

La commission des lois a vivement regretté que plusieurs des dispositions adoptées par le Sénat, pourtant susceptibles de faire l’objet d’un compromis entre les deux assemblées, aient été rejetées à l’issue d’un examen souvent expéditif de la part de la majorité de l’Assemblée nationale.

Il en est ainsi des modalités d’information du chef d’établissement sur les antécédents judiciaires d’un élève. Le dispositif adopté par le Sénat permettait de préserver la présomption d’innocence et de définir, de manière plus précise, le nombre de personnes destinataires de l’information. L’Assemblée nationale a préféré s’en tenir au texte du Gouvernement, dont le champ d’application, très large, ne manquera pas de soulever des difficultés juridiques et pratiques.

Il en va de même des dispositions relatives à l’atténuation de la responsabilité pénale des personnes atteintes d’un trouble mental ayant altéré leur faculté au moment des faits. Pourtant, nous avions repris ces mesures d’une proposition de loi de notre collègue Jean-René Lecerf, adoptée à la quasi-unanimité du Sénat. Le rapporteur de l’Assemblée nationale, M. Jean-Paul Garraud, s’est borné à observer, contre les témoignages concordants des différents acteurs de la chaîne pénale, sur lesquels s’appuyait le texte de Jean-René Lecerf, qu’il manquait d’« éléments d’information sur la prétendue aggravation des peines prononcées à l’encontre des personnes atteintes d’un trouble mental ». Il est pourtant indispensable d’élaborer de nouvelles réponses face à l’accroissement du nombre de personnes atteintes de troubles mentaux en prison.

La commission des lois déplore également que les positions du Sénat aient été souvent déformées lors de l’examen du texte en nouvelle lecture à l’Assemblée nationale et que l’esprit de polémique ait prévalu sur les arguments. Le rapporteur de l’Assemblée nationale a par exemple affirmé que la majorité sénatoriale avait fait preuve d’une véritable indifférence à l’égard des personnes incarcérées dans les établissements surpeuplés. Je tiens à rappeler que nous avons toujours plaidé, souvent en vain, pour l’augmentation du nombre de cellules individuelles, conformément aux prescriptions de la loi pénitentiaire.

Nous avons aussi indiqué que la cible de 80 000 places dépasse de loin cet objectif, puisque le nombre de personnes détenues au 1er février dernier s’élève à 65 699 – il a aujourd’hui dépassé les 66 000 –, niveau qui n’avait pourtant jamais été atteint jusqu’à présent. Le projet du Gouvernement se fonde donc non pas principalement sur l’amélioration des conditions de détention, mais bien sûr la volonté de mettre en œuvre une politique de détention plus systématique qui augmentera inexorablement le nombre de détenus.

Compte tenu du rétablissement du texte adopté par l’Assemblée nationale en première lecture, la commission des lois ne peut que réitérer les principales objections que soulève ce projet de loi de programmation.

Tout d’abord, nous contestons le postulat sur lequel repose ce texte, à savoir l’augmentation des nécessités d’incarcération. Aucune réponse ne nous a été apportée sur ce point, tant sur la réalité du stock que sur les raisons de la non-exécution des peines ou du délai tardif de leur exécution. Nous en concluons de nouveau que la réalisation d’un parc pénitentiaire de 80 000 places traduit une priorité donnée sur l’incarcération par rapport aux aménagements de peine.

Cette mesure n’est pas conforme à la volonté affirmée par le législateur en 2009. Elle préjuge indiscutablement, à l’orée d’échéances électorales à l’occasion desquelles nos concitoyens se prononceront, des législations et politiques pénales qui seront menées d’ici à 2017. Elle n’aura, au surplus, aucun effet sur le délai d’exécution des peines, dont l’accélération dépend de bien d’autres facteurs, notamment des possibilités d’aménager rapidement un certain nombre de peines, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui, souvent faute de moyens.

Ce projet de loi de programmation sert avant tout d’habillage législatif aux déclarations du Président de la République, qui, contre toute attente, le 13 septembre 2011, annonçait la nécessité pour notre pays de disposer de 80 000 places de prison en 2017. Nous lui en laissons la responsabilité.

Ensuite, la mise en place de structures spécifiques pour les courtes peines n’est à notre avis pas compatible avec le principe de l’aménagement des peines inférieures ou égales à deux ans d’emprisonnement posé par la loi pénitentiaire. Même si toutes les peines de moins de deux ans ne font pas l’objet d’un aménagement, le fait de créer des établissements de courtes peines en grand nombre signifie que le choix du Gouvernement est plutôt celui de l’incarcération.

En outre, la décision de mener le programme de construction en partenariat public-privé, dont l’intérêt n’est pas démontré par rapport au recours à la maîtrise d’ouvrage publique et sur lequel les critiques sont de plus en plus vives, reporte le poids de la dépense sur le moyen terme. Il conduit au paiement obligé de loyers sur de longues périodes – par exemple trente ans – et rigidifie de manière structurelle le budget du ministère de la justice, notamment au détriment des dépenses de fonctionnement, sauf à vouloir forcer les gouvernements futurs à doubler, tripler, voire quadrupler le budget de ce ministère,...

M. Michel Mercier, garde des sceaux. Oh oui, il en a bien besoin !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, rapporteur.

... ce qui ne paraît pas réaliste dans un contexte de contrainte budgétaire.
Par ailleurs, la lutte contre la récidive risque de demeurer sans effet, faute d’une politique de réinsertion active, dont les acteurs sont les conseillers d’insertion et de probation, les CIP.

Vous avez fait état d’une augmentation des effectifs. Mais tel n’est pas le cas pour les agents des services pénitentiaires d’insertion et de probation, les SPIP, aujourd’hui en nombre insuffisant compte tenu des nouvelles charges qui leur incombent. Il ne faudrait pas les détourner de leurs tâches principales de suivi des personnes en détention et de suivi post-détention.

Mais encore, nous regrettons que l’accroissement du nombre de centres éducatifs fermés, les CEF, se fasse au détriment des autres structures d’hébergement, puisque, à l’heure actuelle, on ferme des foyers classiques, au risque de diminuer significativement l’éventail de solutions dont disposent les juges des enfants pour adapter la réponse pénale à la personnalité de chaque mineur délinquant.
Enfin, la volonté gouvernementale d’imposer au Parlement l’examen de ce texte en procédure accélérée, à la veille d’échéances électorales majeures, ne laisse guère de place à un débat approfondi sur des orientations pourtant susceptibles d’engager durablement notre pays.

Faut-il ajouter que, contrairement au principe habituellement retenu pour les lois de programmation, le présent projet de loi ne comporte pas de rapport spécifique consacré aux conditions de financement des différents objectifs énoncés dans le rapport annexé, ce qui fragilise encore davantage le débat parlementaire ?
D’ailleurs, la commission des lois du Sénat a pu constater, pour le déplorer, que la majorité des députés, en rejetant systématiquement, à l’exception d’un article, le texte voté par le Sénat, n’a pas souhaité s’engager dans la logique d’un débat avec notre assemblée, même si la mise en œuvre de la procédure accélérée empêche, en tout état de cause, que les échanges aillent bien loin. Il y avait pourtant matière à débattre !

Dans ces conditions, bien que nous n’ayons pas choisi de voter une question préalable en première lecture, nous considérons aujourd’hui que le débat ne peut pas se poursuivre, faute de combattants, si je puis dire. La commission des lois vous propose donc, mes chers collègues, d’adopter une motion tendant à opposer la question préalable au projet de loi adopté par l’Assemblée nationale.

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