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Lois

Avant d’être débattu et voté en séance publique, chaque projet ou proposition de loi est examiné par l’une des sept commissions permanentes du Sénat : lois, finances, affaires économiques, affaires étrangères et Défense, affaires culturelles, affaires sociales, aménagement du territoire et du développement durable. Classées par commissions, retrouvez ici les interventions générales et les explications de vote des sénateurs CRC.

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Parité en Corse

Par / 13 novembre 2003

par Odette Terrade

Monsieur Le Président,
Monsieur Le Ministre,
Mes chers collègues,

Que de temps perdu inutilement ! Voilà la première phrase qui vient à l’esprit à la lecture du présent projet de loi.

Au début de l’année 2003, souvenons-nous en, le gouvernement avait choisi de réserver le cas de l’Assemblée territoriale de Corse pour l’application du principe de l’alternance stricte entre les candidats des deux sexes aux élections régionales. Les femmes corses devenaient ainsi moins égales que les autres puisque, en application de la loi du 6 juin 2000 ; l’exigence de parité n’implique qu’un écart maximum de un entre le nombre de candidats des deux sexes pour chaque groupe de six candidats, sans contrainte liée à la position sur la liste.

Autant dire, que plus encore que sur le continent, les femmes corses apparaissaient largement exclues de la vie politique : à l’heure actuelle ne siègent à l’Assemblée territoriale de Corse que 7 femmes sur les 51 élus (soit moins de 14%) !

C’est pourquoi nous avions été plusieurs à dénoncer cette inégalité de traitement injustifiée lors du vote de la loi de 2003 sur les scrutins : notre collègue Alfonsi avait donné une lecture particulièrement pertinente de son inconstitutionnalité puisqu’elle a été exactement reprise par le Conseil constitutionnel, saisi par les sénateurs des groupes socialiste et CRC : aucune particularité locale ni aucune raison d’intérêt général n’autorisait le législateur à réserver un traitement différent au regard du principe constitutionnel de parité entre les élections en Corse et sur le continent.
En effet, comme l’explicite parfaitement notre excellent rapporteur, depuis la loi de 1999, le scrutin électoral de l’Assemblée territoriale et Corse et celui des conseils régionaux tendent à l’alignement, à telle enseigne d’ailleurs que de nombreuses dispositions sur l’élection des conseillers régionaux s’appliquent aux élections en Corse par simple renvoi d’article.

Encore heureux que le Conseil constitutionnel, dans une très grande sagesse qui ne lui est pas toujours coutumière, n’ait pas opté pour une annulation pure et simple de l’article L.346 du code électoral - paralysant ainsi la règle de l’alternance pour l’ensemble des élections régionales : la Haute instance a maintenu cet article et invité le législateur à mettre fin à l’inégalité dans une prochaine loi relative à la Corse.

On sait ce qu’il en a été par la suite puisque, comme l’avait pronostiqué à l’époque ma collègue et amie Nicole Borvo, - qui avait mis en garde contre le fait d’"attendre un hypothétique statut - un statut qui ne sera peut-être pas accepté par la population - pour régler la question de la parité " - ce statut a été rejeté par référendum cet été.

Echec qu’on sait résulter de l’ambiguïté de la consultation référendaire : le statut de la Corse, tel que vous l’avez proposé et tel qu’il a été rejeté par les corses, monsieur le ministre, était largement un laboratoire de la décentralisation, dans la version catastrophique pour l’unité et la solidarité nationale que vous nous présentez ici même avec le projet de loi sur les responsabilités locales. Les Corses ne s’y sont pas trompés … les français pourront en faire le malheureux constat dans quelques mois mais surtout dans quelques années quand l’ensemble des services publics se trouveront de facto paralysés.

S’agissant de la Corse et au-delà des nombreuses interrogations concernant la politique menée par le Gouvernement, il est clair que les sénateurs communistes ne peuvent qu’approuver le projet de la loi instituant une parité. Ce projet apparait d’autant plus indispensable eu égard au rôle fondamental que jouent et que joueront les femmes corses dans le devenir politique de l’île : c’est sur elles que repose largement l’émergence d’une solution pacifiée, dans un contexte où échouent successivement et inlassablement tous les projets de statut. Le Gouvernement en convient lui-même qui tente de faire oublier ce cafouillage en recevant en grande pompe une délégation de femmes corses.

Que n’en a-t-il tiré les conclusions plus tôt !
Que n’accepte-t-il pas d’étendre l’exigence de parité à l’ensemble des scrutins locaux ! Lorsqu’on connaît l’émiettement de la Corse composée en très grande majorité de toute petites communes, on mesure bien l’enjeu pour l’avenir des femmes, comme pour celui de l’île. Par exemple, en Haute-Corse, sur 236 communes, ce sont seulement 7 qui, selon le recensement de 1999, ont plus de 3500 habitants : Bastia, Biguglia, Borgo, Calvi, Corte, Furiani et Lucciana ; un abaissement à 2000 du seuil d’application de la parité, comme nous l’avons plusieurs fois proposé, permettrait très modestement de porter ce chiffre à 15 : ce serait déjà un plus, un signe d’encouragement pour toutes ces femmes qui refusent le fatalisme et l’immobilisme.
Comment ne pas évoquer à nouveau ici la question des seuils en deça desquels ne peuvent être admises à concourir les listes constituées : la loi du 11 avril 2003 a, on se le rappelle, relevé ces seuils pour faire échec au pluralisme, qui pourtant est essentiel à la vie politique française - en Corse, comme sur le continent.

Pour conclure cette intervention, vous me permettrez de m’attarder un instant sur une égalité homme/femme qui reste largement à conquérir ?
Comme le souligne le chercheur Roland Pfefferkorn, s’agissant du bilan de la loi sur la parité, "l’hégémonie masculine sur la vie publique et plus particulièrement sur la vie politique reste patente" : les femmes restent largement absentes des exécutifs locaux (il n’y a encore que 10,9% de femmes maires), des instances intercommunales mais aussi de l’Assemblée (rappelons-nous que la droite si prompte à s’indigner aujourd’hui sur la place réservée aux femmes, a investi moins de 20% de femmes pour les dernières législatives ! ). Ce qui pose à nouveau la question des sanctions.

Quant à l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes, les négociations engagées entre les partenaires sociaux nous inspirent la plus grande prudence, alors qu’on connaît le refus du MEDEF de s’engager dans toute démarche contraignante - on sait ce qu’il en est de la reconnaissance de la pénibilité du travail ! Des dispositions législatives existent déjà qui ne sont guère appliquées - je pense à la loi Génisson. A l’heure actuelle, 80% des salariés au SMIC sont des femmes ; on sait également que c’est elles qui occupent le plus fréquemment les emplois précaires et flexibles. L’inégalité en matière de droits à la retraite sera également plus flagrante compte tenu de la réforme de l’été dernier.

Enfin, l’égalité est également à dans bien d’autres domaines : dans celui de la protection sociale, de l’éducation ou de la fiscalité.

Sur tous ces aspects de la vie des femmes, les sénatrices et sénateurs de mon groupe ne peuvent que vous interpeller, monsieur le ministre, tant la politique que vous menez au quotidien apparaît en décalage avec la priorité que vous affichez en la matière : que répondez-vous, que proposez-vous à ces femmes élevant seules des enfants, dont la très récente étude menée par le secours catholique a révèle la situation d’extrême pauvreté des femmes ?

C’est sur cette interpellation que je conclurais mon intervention parce que, monsieur le ministre, mes chers collègues, c’est au quotidien que se mène le combat des femmes pour une réelle égalité !

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