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Lois

Avant d’être débattu et voté en séance publique, chaque projet ou proposition de loi est examiné par l’une des sept commissions permanentes du Sénat : lois, finances, affaires économiques, affaires étrangères et Défense, affaires culturelles, affaires sociales, aménagement du territoire et du développement durable. Classées par commissions, retrouvez ici les interventions générales et les explications de vote des sénateurs CRC.

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Pour le gouvernement, la modernité naît du recul de la démocratie

Réforme des collectivités territoriales -

Par / 19 janvier 2010

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, le Gouvernement est face à une question délicate : comment faire la promotion d’une réforme quand on ne peut dire les réelles intentions qui la motivent ?

Le Gouvernement a choisi une solution « publicitaire », au sens où, pour promouvoir la création des conseillers territoriaux, il fait valoir que cette réforme sera « moderne », « économique » ou encore « simplificatrice »... Autant d’arguments qu’un conseil en marketing aurait pu tout à fait suggérer !

Reste que l’habillage est grossier, et le sujet trop grave et trop inquiétant pour que nous puissions nous en satisfaire.

Une telle réforme de notre système démocratique, qui entraîne des transformations institutionnelles et pulvérise l’actuelle gestion des territoires, ne peut être abordée par ce biais fallacieux.

Qu’y a-t-il donc de « moderne » dans l’instauration des conseillers territoriaux ? Voilà une réforme qui va donner pouvoir à des conseillers généraux, apparemment au détriment des conseillers régionaux. De surcroît, même si le débat n’a pas été tranché, l’élection pourrait être organisée au scrutin uninominal à un tour, un mode de scrutin archaïque, un curieux parangon de démocratie qui permettrait la victoire de représentants minoritaires…

Qu’est-ce que cela a de « moderne » ?

Or l’installation de ces nouveaux élus, rebaptisés conseillers territoriaux, en lieu et place des conseillers régionaux, repose sur un paradoxe, puisque la disparition très probable des départements apparaît en filigrane dans ce texte. Il est en effet clairement précisé dans l’exposé des motifs, « sur l’opportunité de la suppression des départements et de leur fusion avec les régions », que « cette perspective divise profondément. ». Aussi la démarche du Gouvernement, pour lequel il s’agit de « rapprocher ces deux collectivités territoriales à travers un élu commun », se veut-elle différente.

Est-ce ainsi que la majorité actuelle espère reprendre en main la gestion des régions à l’horizon de 2014 ?

M. Michel Mercier, ministre de l’espace rural et de l’aménagement du territoire. En 2010 !

Mme Marie-France Beaufils. Selon le texte du Gouvernement, c’est bien 2014 !

La modernité semble, selon le Gouvernement, naître du recul de la démocratie.

Par ailleurs, en quoi cette réforme sera-t-elle « économique » ? En diminuant le nombre de représentants par deux, le Gouvernement prétend vouloir diminuer la dépense publique, mais y a-t-il un réel besoin de réaliser des économies sur les indemnités des élus locaux ? Ne faut-il pas, au contraire, renforcer leurs moyens et instaurer un véritable statut de l’élu ?

Par ailleurs, nous aimerions bien savoir quel serait le montant de ces économies. Le projet de loi précise que les départements et les régions continueraient d’être administrés par deux assemblées séparées, dont l’appellation et le fonctionnement ne seraient pas modifiés.

Les élus territoriaux auraient donc à gérer les actuelles compétences départementales, plus les compétences régionales, et cumuleraient les indemnités. Cela serait logique dans le principe, puisque cela représenterait une activité plus grande. Mais les nouveaux élus territoriaux devraient s’entourer d’un secrétariat à même de gérer les deux niveaux de compétence, donc plus important.

En somme, cette réforme ne permettrait aucune économie ; en revanche, elle contribuerait à une plus grande professionnalisation de ces élus et donc à un plus grand éloignement du terrain, du monde « réel ». Le statut de l’élu, tant attendu pour lutter, entre autres, contre ce risque, passerait aux oubliettes.

Enfin, en quoi cette réforme est-elle « simplificatrice » ?

Les deux niveaux départemental et régional, avant de fusionner dans un avenir proche, seraient administrés par une seule et même personne dont on ne sait quel échelon elle serait censée représenter. Agirait-t-elle pour le canton, qu’il faudrait délimiter à nouveau, ou pour la région ? Et cette personne serait désignée de façon arbitraire, selon un mode de scrutin ubuesque permettant l’élection de candidats minoritaires, donc non représentatifs de la volonté populaire.

En termes de simplicité, on a vu mieux !

Finalement, les motivations de cette réforme, c’est le chef de la majorité à l’Assemblée nationale, M. Copé, qui en parle le mieux. Face à la fronde d’une partie des élus UMP, ce dernier a expliqué, lors de ses vœux à la presse, que « différents scénarii » étaient encore à l’étude quant au mode de désignation des conseillers territoriaux et que l’idée d’un scrutin majoritaire à deux tours n’était pas totalement écartée tant qu’il n’y aurait pas de « possibilité de triangulaire ».

Voici donc la réelle feuille de route du Gouvernement, la question qu’il lui faut régler : comment faire pour que ces futurs élus gagnent les élections en étant minoritaires, sachant qu’une alliance de fait avec le Front national au second tour serait impopulaire ?

Autrement dit, réformons le système pour gagner dès le premier tour !

La « modernité », les « économies » et la « simplification » paraissent désormais bien loin, et le prix à payer de cette soif de pouvoir est très lourd pour la démocratie. En effet, le mode de scrutin pressenti conduit à une véritable régression en termes de représentativité.

Avec un scrutin uninominal à un tour pour 80 % des sièges, l’assemblée territoriale serait très majoritairement composée d’élus qui auraient rassemblé contre eux plus de la moitié des suffrages.

De plus, l’assemblée régionale serait constituée non plus d’élus émanant des vastes circonscriptions que sont les départements, mais d’élus représentants « leur » canton, renforçant ainsi le clientélisme, en dépit de l’intérêt général des régions et départements.

Quant à la parité, l’instauration des conseillers territoriaux signerait l’arrêt de mort de la seule assemblée qui était presque paritaire, puisque, avec la suppression du scrutin de liste, disparaîtrait du même coup l’alternance homme/femme, sans aucune autre disposition pour la remplacer.

Enfin, cette réforme consacrerait un véritable recul en matière de lutte contre le cumul des mandats. Avec le système actuel, les parlementaires ne peuvent être à la fois conseiller général et conseiller régional. Or la réforme instaure la fusion de ces mandats. Elle enfermerait donc un peu plus le pouvoir politique entre les mains de quelques-uns. Apparaîtrait ainsi le potentat local, siégeant dans tous les exécutifs locaux (Approbations sur les travées du groupe CRC-SPG), commune et EPCI, département et région, un élu omnipotent, certes, omniscient, peut-être, mais omniprésent… difficilement ! (Sourires sur les travées du groupe CRC-SPG.)

Vous l’aurez compris, nous dénonçons avec vigueur le recul démocratique engagé par la création des conseillers territoriaux. Une plus grande concentration des pouvoirs dans les mains de quelques-uns, le recul de la représentativité et l’exclusion des femmes du champ politique local ne sont pas des concepts qui relèvent de la « modernité », contrairement à ce que vous prétendez !

Les habitants de nos communes, de nos départements et de nos régions n’ont rien à attendre de positif de vos projets.

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