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Lois

Avant d’être débattu et voté en séance publique, chaque projet ou proposition de loi est examiné par l’une des sept commissions permanentes du Sénat : lois, finances, affaires économiques, affaires étrangères et Défense, affaires culturelles, affaires sociales, aménagement du territoire et du développement durable. Classées par commissions, retrouvez ici les interventions générales et les explications de vote des sénateurs CRC.

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Professions judiciaires et juridiques

Par / 2 avril 2003

par Josiane Mathon

Ce texte constitue un bel exemple de la pratique peu satisfaisante des « dispositions diverses ». Cette mauvaise habitude qui consiste à fournir un texte à partir de données éparses, outre qu’elle contribue à l’affaiblissement de la loi, dissimule mal l’absence de vision prospective d’un gouvernement qui privilégie l’affichage sur les réformes de fond.

Non que les mesures proposées soient sans intérêt, en particulier lorsqu’elles consacrent des mesures consensuelles au sein des professions, comme les experts judiciaires, les experts en propriété individuelle, les notaires qui renforcent la déontologie.

Quant aux huissiers de justice, c’est la seconde fois en deux ans qu’ils bénéficiaient d’un renforcement des procédures civiles d’exécution, nous sommes réticents sur les modifications proposées par la majorité de la commission en ce qui concerne l’interrogation du fichier des comptes bancaires : hier, nous votions une loi destinée à renforcer la protection des personnes à l’égard des traitements de données ; je crois utile de maintenir le caractère dérogatoire de cette consultation.

J’en viens à la formation des avocats. Le projet substitue au système de la formation théorique d’un an suivie par le stage de deux ans en cabinet, la mise en place d’une formation en alternance de dix-huit mois organisée par les C.R.F.P.A., effectuée dans le cadre d’un contrat d’apprentissage et sous le contrôle du Conseil national des barreaux (C.N.B.). À l’issue de l’examen du C.A.P.A., l’avocat de plein exercice bénéficierait d’un tutorat de dix-huit mois.

Le système proposé répond au souci de la profession d’avoir une formation adaptée à la fusion des professions d’avocat et de conseil. Néanmoins, on peut regretter que le principe de la formation en alternance n’ait pas été suffisamment précisé en particulier pour la rémunération. Il aurait été également utile de revoir le contenu même de la formation et de reconnaître le rôle fédérateur des centres de formation.

On doit se féliciter de l’institution d’une formation continue obligatoire, proposée par la commission.

Quant au régime disciplinaire, le projet de loi reprend l’essentiel des propositions du C.N.B. formulées en avril 2001, avec l’institution d’un conseil de discipline répondant aux exigences d’impartialité de l’article 6 de la convention européenne des droits de l’homme, de même que la séparation des autorités de poursuite et de jugement : le rapport de la commission donne une vraie consistance à ce principe en faisant du conseil de l’Ordre le détenteur exclusif du droit d’instruction et en posant des règles d’incompatibilité entre instruction et jugement.

Le groupe C.R.C. est nettement moins favorable à la transposition de la directive de 1998 sur le libre établissement des avocats ressortissants des États membres. La directive ne peut plus être contestée, mais la présenter comme une garantie de bonne justice via la coopération entre États est trompeur du fait de la non- équivalence des règles françaises et étrangères. La France est beaucoup moins contraignante : il est nécessaire que les avocats français soient mis à égalité avec leurs homologues en ce qui concerne les conditions d’accès, de formation et d’exercice. D’autre part, le libre établissement des avocats communautaires ne pourra que renforcer l’emprise du droit anglo-saxon sur nos procédures, par les succursales françaises des cabinets géants d’outre- Manche.

Nous allons devoir nous « adapter » à l’Europe, au mépris de nos traditions et de notre éthique, très différentes de la common law - plus pour très longtemps, je vous l’accorde. Ces différences tiennent à des valeurs qui imprègnent l’éthique professionnelle : le profit est au cœur de la culture anglo- saxonne qui favorise une justice inégalitaire faisant de la rentabilité le critère du choix de sa clientèle, et qui transforme la scène judiciaire en grand marché. C’est pourquoi, en fait de « coopération judiciaire », il s’agira de « concurrence judiciaire », qui aggravera la précarisation des jeunes avocats déjà touchés par le chômage. Vous-même, monsieur le Rapporteur, avez rappelé la pénurie de stages. Connaît-on réellement, lorsqu’on parle de s’adapter à la concurrence des cabinets anglo-saxons par la voie des regroupements, la situation des avocats dans ces cabinets de plusieurs centaines de salariés ? Sait-on combien leur situation est précaire, leurs conditions de travail difficiles ? Permettez- moi de ne pas voir dans cette ouverture une panacée pour la justice de demain.

Mais c’est ce qui n’est pas dans le texte qui fait vraiment problème : chacune des têtes de chapitre pourrait s’intégrer dans une réflexion plus large sur le métier d’auxiliaire de justice. Alors qu’à la fin de la dernière session parlementaire, notre Assemblée conduisait une réflexion de fond sur les métiers de la justice, il est dommage de n’en avoir conservé qu’un aspect ultra- résiduel. De la même manière, le silence autour de l’aide juridictionnelle et de l’accès au droit est assourdissant alors qu’il y a un an et demi, les avocats réclamaient, dans la rue, une vraie réforme.

On passe ainsi à côté du véritable enjeu de la profession d’avocat. Le gouvernement précédent avait demandé à M. Bouchet un rapport sur cette question cruciale, qui fut publié le 10 mai 2001. Il a fallu presque un an pour qu’un projet de loi soit déposé au Parlement. Le texte n’a pas été discuté et semble bel et bien enterré. Or, la question est loin d’être résolue et les revalorisations indiciaires n’ont apaisé que pour un temps les esprits : il est grand temps que notre pays se dote d’une loi sociale garantissant l’accès au droit et à la justice. Comme le dit M. Bouchet, « la construction d’un État de droit nécessite une réforme profonde de l’accès au droit et de l’aide juridictionnelle ». C’est un enjeu d’autant plus important dans le contexte de libéralisation que consacre le présent projet de loi.

Rappelons les pistes retenus par le rapport, en partie reprises par le projet de loi de Mme Lebranchu : création d’un organisme indépendant, à composition tripartite - pouvoirs publics, professions juridiques et société civile - régionalisation de la gestion de l’aide juridictionnelle par le regroupement des Carpa, aide juridictionnelle totale pour les revenus inférieurs ou égaux au S.M.I.C. et possibilité de prêt sans intérêt pour les revenus supérieurs, l’aide partielle étant supprimée ; enfin, rémunération de l’avocat sur une base horaire. De cette réforme décisive, on ne parle plus. Alors, monsieur le Ministre, qu’est-ce que le gouvernement compte faire pour la justice des plus démunis ?

Les sénateurs communistes ne voteront pas cette réforme qui, quel que soit son intérêt, n’est en aucun cas à même de répondre aux défis de la justice de demain.

Explication de vote

Le groupe C.R.C. s’abstiendra. Cette abstention n’est pas dirigée contre le texte lui- même, qui répond aux souhaits des professions et améliore leurs règles de discipline et de déontologie. Quant au travail de la commission, il a été également utile.

Néanmoins, il est indispensable de pousser plus loin la réflexion sur la réforme des professions judiciaires. Notre rapporteur nous a invités - vous a invité monsieur le Ministre - à chausser les bottes de sept lieues ; il faut relever le défi !

« Quels métiers pour quelle justice ? », demandait la mission d’information sur les métiers de la justice, en juillet dernier, affirmant la nécessité d’« une justice plus simple, plus rapide et plus proche des citoyens ». La balle est maintenant dans votre camp.

Les réponses qui nous ont été faites dans la discussion générale, ne sont pas pour nous rassurer : je pense notamment à la question de l’aide juridictionnelle, qui ne peut être résolue par la voie de l’assurance.

Toutes ces insuffisances justifient notre abstention.

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