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Lois

Avant d’être débattu et voté en séance publique, chaque projet ou proposition de loi est examiné par l’une des sept commissions permanentes du Sénat : lois, finances, affaires économiques, affaires étrangères et Défense, affaires culturelles, affaires sociales, aménagement du territoire et du développement durable. Classées par commissions, retrouvez ici les interventions générales et les explications de vote des sénateurs CRC.

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Qui va maintenant financer les projets culturels ?

Réforme des collectivités territoriales : compétences -

Par / 4 février 2010

L’article 35 de ce projet de loi nous oblige à poser cette question simple, mais dramatique : qui financera les projets culturels ?

En effet, même s’il n’y paraît peut-être pas, ce soir, en l’absence du ministre de la culture, si le vote intervient dans le sens souhaité par la commission et le Gouvernement, le budget de la culture de l’année prochaine dans sa structure et ses montants actuels n’existera plus !

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Mais non !

M. Jack Ralite. L’État diminue ses financements. Les collectivités territoriales sont empêchées de se substituer à lui, et même contraintes de réduire leur propre engagement. Ce soir, mes chers collègues, nous discutons de la totalité du budget national de la culture ! Et ceux qui voteront l’article 35 se prononceront pour la diminution de ces crédits. C’est la première fois depuis 1959 ; je pourrais remonter plus haut, mais je me limiterai à la Ve République !

Il s’agit ce soir d’un vote capital, masqué par une discussion technocratique qui fragmente sans cesse les enjeux. Telle est d’ailleurs la technique habituelle du Gouvernement, qui occulte ainsi la limpidité de ses mauvais coups !

Ce ne seront plus ni les régions ni les départements qui financeront les projets culturels, puisque l’article 35 vise à supprimer la clause générale de compétence. Or, c’est cette dernière, et elle seule, qui permet aux collectivités territoriales de consacrer une partie de leur budget à l’action culturelle.

En effet – je ne vous apprends rien, mes chers collègues, mais il faut tout de même le signaler –, la culture ne fait partie des compétences obligatoires d’aucune collectivité territoriale !

Cet article précise également qu’une compétence attribuée à une collectivité ne peut être exercée par une autre. Or, compartimenter de façon trop précise les compétences en matière de culture pourrait conduire à un assèchement de la vie culturelle dans les territoires, alors que celle-ci s’est d’abord construite grâce au volontariat des collectivités et à un consensus entre celles-ci, État compris, qui ne reposait pas sur l’interdiction de faire, mais sur la liberté d’entreprendre, ensemble !

Je tiens ici le livre de 526 pages édité par le comité d’histoire du ministère de la culture à l’occasion des cinquante ans de cette institution (M. Jack Ralite brandit un ouvrage), qui a été présenté ici même, au Sénat, en présence d’une foule nombreuse et d’opinions variées. C’est là une gloire, certes modeste, mais bien réelle, d’une histoire à laquelle vous portez un grand coup si l’article 35 est voté !

Je le répète, il ne s’agit pas ce soir d’un petit vote technique, mais d’un grand vote politique, contre la culture et la création !

Un délai de douze mois est fixé pour que soient réparties les compétences entre les collectivités. Je m’interroge : pourquoi attendre aussi longtemps ? Le présent projet de loi n’était-il pas finalement le plus à même de définir ces compétences ?

Enfin, comme si cela ne suffisait pas, les financements croisés entre les collectivités se trouvent limités. C’est ignorer, ou alors, ce qui est bien plus grave encore, négliger que les projets culturels sont en majorité financés à la fois par les départements, les régions et les communes, et que l’État y participe souvent !

Réduire le financement culturel à une seule collectivité constitue une véritable aberration, qui mènera à la disparition de projets culturels locaux d’importance et de qualité. Dans le domaine artistique et culturel, de très nombreuses structures, festivals et compagnies, dont l’économie générale demeure plutôt fragile, bénéficient de financements croisés.

Qui peut apprécier l’intérêt de leur démarche, sinon les collectivités qui les soutiennent ? Le champ culturel est par nature divers, en termes de domaines et de disciplines, mais aussi du point de vue de sa structuration économique et territoriale. Une partie de son économie repose sur les efforts constants et conjugués des collectivités et sur l’approfondissement de stratégies de mutualisation et de solidarité entre organismes artistiques et culturels.

Ainsi, face aux inquiétudes réelles et fondées du monde de la culture, le ministre en charge de ce domaine, qui est absent ce soir – c’est scandaleux, je n’hésite pas à le dire ! – se déclare « attentif » à cette question et affirme « ne pas souhaiter renoncer à la participation de tous les échelons locaux au financement de la culture ».

Et le Président de la République de nous rassurer, ou du moins de tenter de le faire, lors de ses vœux au monde de la culture, le 7 janvier 2010, en déclarant qu’il ne toucherait pas aux compétences culturelles des collectivités. Lors d’une réunion récente au Sénat, son directeur de cabinet a affirmé de même vouloir nous « rassurer » au motif qu’il serait « attentif » à ce problème. Toutefois, le vote de ce soir ne sera ni attentif ni rassurant : il sera meurtrier !

On nous laisse entendre que la culture pourrait faire partie de ces exceptions prévues par l’article 35 et demeurer une compétence partagée. Ces déclarations ne parviennent pourtant pas à dissiper nos inquiétudes. Le Gouvernement nous a trop souvent montré que ses promesses ne le liaient guère ; nous n’aurons donc de cesse de nous battre tant que celles-ci n’auront pas été suivies d’effet, car cet article du projet de loi fragilise la tenue et le développement de la culture française.

M. le président. Veuillez conclure, monsieur le sénateur.

M. Jack Ralite. Je rappellerai tout de même quelques éléments, car ils sont importants : derrière ce projet de loi, y a la RGPP, dont on ne parle pas, ainsi que l’article 52 du projet de loi de finances pour 2010 relatif à la dévolution du patrimoine, un frère siamois du présent article 35. Avec ces deux dispositions, hypocritement, sans en avoir l’air, on casse les projets culturels ! (Marques de lassitude sur les travées de l’UMP.)

Tout à l’heure, j’ai entendu le Gouvernement et la commission affirmer qu’il était tout à fait normal que les préfets exercent un pouvoir de nomination. (M. le président de la commission des lois se récrie.) Après tout, le Président de la République désigne bien le président de France Télévisions ! (Sourires sur les travées du groupe CRC-SPG.) Ma parole, ils veulent nommer tous les responsables !

M. le président. Il faut absolument conclure, mon cher collègue.

M. Jack Ralite. C’est que je parle du Président de la République sur ce ton qui vous gêne, monsieur le président ?

M. le président. Votre temps de parole est dépassé, monsieur Ralite !

M. Jack Ralite. Je regrette que nous consacrions si peu de temps à la culture lors de l’examen d’un projet de loi où, certes, elle ne devrait pas figurer, et à propos duquel on nous empêche d’en discuter !

Pour conclure, je n’évoquerai ni Jean Vilar ni les autres hommes de gauche qui ont tant fait pour la culture, et pour la nation tout entière, mais Jacques Duhamel. Celui-ci, lors d’une intervention à l’Assemblée nationale, le 28 mai 1971, affirmait : « Il s’agit maintenant pour l’État et les collectivités locales d’agir de manière harmonieuse et complémentaire, sans esprit de concurrence ou de méfiance. »

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. C’est ce que nous voulons faire !

M. Jack Ralite. En culture, l’État se désengage et oblige les communes à agir de même. Je lui souhaite bien du bonheur !

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