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Lois

Avant d’être débattu et voté en séance publique, chaque projet ou proposition de loi est examiné par l’une des sept commissions permanentes du Sénat : lois, finances, affaires économiques, affaires étrangères et Défense, affaires culturelles, affaires sociales, aménagement du territoire et du développement durable. Classées par commissions, retrouvez ici les interventions générales et les explications de vote des sénateurs CRC.

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Reconnaissance du génocide

Par / 7 novembre 2000

Intervention générale de Robert Bret

Monsieur le président, je voudrais tout d’abord vous faire part de ma surprise et de ma désapprobation au sujet de l’organisation de notre débat. Je me demande même si le règlement de notre Haute Assemblée a bien été respecté en la circonstance.

M. le président. Monsieur Bret, pardonnez-moi de vous interrompre, mais je tiens à vous dire que le règlement a été rigoureusement respecté ! En quoi ne l’aurait-il pas été ?

M. Robert Bret. Dans la mesure où l’on ne savait pas si la demande de discussion immédiate du présent texte allait être adoptée, il me semble que l’on aurait dû demander qui souhaitait intervenir dans le débat ! Or nous assistons à un débat organisé. Comment la liste des intervenants a-t-elle été établie ?

M. le président. Votre demande d’intervention, monsieur Bret, a été enregistrée par le service de la séance !

M. Robert Bret. Est-on sûr qu’il n’y aura pas d’autres intervenants ?

M. le président. J’ai noté le nom de ceux qui ont souhaité intervenir sans en référer auparavant au service de la séance ! C’est ainsi que MM. Claude Huriet, Bernard Piras et Gérard Collomb se sont inscrits, et cette liste n’est pas limitative : si M. Fischer veut s’inscrire, il sera inscrit également !

Vous mettez en doute la régularité de la procédure...

M. Robert Bret. Je m’interroge !

M. le président. Oui, mais vous vous interrogez en condamnant ! Nous avons respecté rigoureusement le règlement du Sénat !

M. Robert Bret. Dont acte !

M. le président. Un texte a été déposé, monsieur Bret, et, dès lors, chaque sénateur peut s’inscrire dans le débat : encore une fois, trois intervenants - quatre à l’instant - se sont inscrits au-delà de ceux qu’avait enregistrés le service de la séance. Et je suis prêt à inscrire tous ceux qui ont l’intention d’intervenir, je n’entends décourager aucune bonne volonté. Nous avons le temps !

M. Robert Bret. Monsieur le président, c’est avec solennité, mais aussi avec une grande émotion, que j’interviens aujourd’hui, en pensant aux Arméniens, à tous les Arméniens qui sont venus en France, patrie des droits de l’homme, ainsi qu’à leurs descendants.

Pourquoi ont-ils quitté leur terre natale ? Pourquoi ont-ils abandonné leurs biens ? Pourquoi ont-ils débarqué à Marseille voilà quatre-vingt-cinq ans, délaissant à tout jamais des siècles de souvenirs ? Est-ce là le résultat d’un choix librement consenti ?

La réponse se présente, toute simple : s’ils ont débarqué à Marseille, c’est parce qu’ils avaient pu, contrairement à beaucoup de leurs amis et de leurs proches, échapper au génocide. Contraints, ils quittaient leur terre ancestrale pour échapper aux persécutions et à une mort certaine.

Oui, il faut bien le dire, l’extermination des populations arméniennes constitue, au sens de la Convention de 1948 de l’ONU, un crime imprescriptible de génocide.

Ce génocide, la commission des droits de l’homme de l’ONU l’a reconnu en 1985.

En 1987, ce fut l’adoption par le Parlement européen d’une résolution qui conditionnait l’entrée de la Turquie dans l’Union européenne à la reconnaissance du génocide, reconnaissance qu’elle continue, soit dit en passant, de refuser aujourd’hui.

Les récents courriers que nous avons tous reçus l’attestent clairement, le dernier en date émanant d’ailleurs de l’ambassadeur de Turquie.

Et, le 29 mai 1998, les députés, unanimes, debout dans l’hémicycle, adoptèrent cet article unique : " La France reconnaît publiquement le génocide arménien de 1915. "

Il n’était pas concevable de laisser cette tragédie aux portes du Sénat !

Enfin, le Sénat va se prononcer sur la tragédie du peuple arménien, pour la mémoire des victimes et de leurs proches.

Il aura fallu deux années pour que nous puissions enfin en débattre. Deux ans de discussions et de blocages : le Gouvernement, comme la conférence des présidents de notre Haute Assemblée, se refusait à inscrire à l’ordre du jour cette loi votée par l’Assemblée nationale.

En février 1999, avec Bernard Piras, Gilbert Chabroux, Guy Fischer, Marie-Claude Beaudeau et, bien entendu, Hélène Luc - qui, à maintes reprises, lors de la conférence des présidents, a posé la question de l’inscription à l’ordre du jour de cette proposition de loi - mais aussi avec de nombreux autres collègues socialistes et communistes, nous avons déposé une proposition de loi identique à celle qu’avait adoptée l’Assemblée nationale.

Le 21 mars dernier, lors de la demande de discussion immédiate de cette proposition, dont j’étais le premier signataire, nous n’avions pu débattre du fond, car l’orateur qui était contre, le président de la commission des affaires étrangères et le Gouvernement nous avaient alors affirmé que " la reconnaissance du génocide est un fait étranger au domaine de la loi, qu’il n’appartenait pas à une assemblée parlementaire de qualifier des faits historiques survenus il y a plus de quatre-vingts ans dans un autre pays ".

Les mêmes arguments ont été repris une nouvelle fois aujourd’hui.

Malgré le soutien de plusieurs collègues de la majorité sénatoriale, notre demande de discussion immédiate avait alors été rejetée.

Convaincus que la représentation nationale doit pouvoir, dans des moments forts, adresser des messages à l’opinion publique nationale et internationale, nous ne pouvions en rester là.

Dans la mesure où notre Constitution ne prévoit pas que le Parlement ait le pouvoir de voter des résolutions, le seul moyen de s’exprimer au niveau nécessaire n’est autre que le vote d’une loi. Il n’y a pas d’autre moyen !

Les droits humains ne sont pas une notion théorique, et on ne peut effacer un fait historique.

Le génocide arménien n’est pas un souvenir inscrit dans les annales de l’Histoire et simplement relégué dans les livres ; il est profondément enraciné dans la mémoire collective de la communauté arménienne comme réalité concrète et vivante.

La France, pays des droits de l’homme, son Parlement, n’ont-ils pas pour rôle premier de transmettre la mémoire à l’égard des jeunes générations ?

Contrairement à ce que certains ont prétendu, la reconnaissance du génocide arménien permettra - j’en suis convaincu -, un grand pas vers un dialogue sincère et effectif entre les nouvelles générations arméniennes et turques.

On ne peut pas construire l’avenir si le passé est nié ou falsifié.

Comment nier, en effet, le caractère de génocide au massacre d’un million cinq cents mille Arméniens assassinés de 1894 jusqu’à la nuit tragique de 1915 qui demeure inscrite à jamais dans la mémoire de l’humanité ?

Le peuple turc a la capacité de faire face à cette histoire tragique. Il a les moyens d’analyser et d’assumer ces événements terribles.

Je considère que notre action d’aujourd’hui est non pas un défi à l’égard de ce peuple, mais, au contraire, un appui pour affronter le passé et regarder l’avenir.

Oui, il faut croire au dialogue. La reconnaissance du génocide arménien ouvre la voie à la réconciliation des deux peuples.

Pour toutes ces raisons, avec Jacques Pelletier, Jean-Claude Gaudin, Bernard Piras, Michel Mercier et Jacques Oudin, représentant chacun l’éventail des groupes de la Haute Assemblée, j’ai co-signé cette proposition de loi qui vous est aujourd’hui soumise.

Je remercie Jacques Pelletier d’avoir accepté ma proposition d’en être le premier signataire.

Soucieux d’obtenir l’adoption dès aujourd’hui de cette proposition de loi et dépassant les clivages politiques traditionnels qui nous opposent, nous vous appelons solennellement, mes chers collègues, à la voter et à repousser les amendements qui nous serons présentés lors de la discussion de l’article unique.

Sachez que les familles de ces un million cinq cent mille personnes qui ont été massacrées en 1915 sont à votre écoute aujourd’hui.

En votant cette proposition de loi, nous sommes et nous serons à leur côté pour que jamais le silence ne retombe sur les fosses communes. En votant cette proposition de loi, la Haute Assemblée en ressortira grandie.

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