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Lois

Avant d’être débattu et voté en séance publique, chaque projet ou proposition de loi est examiné par l’une des sept commissions permanentes du Sénat : lois, finances, affaires économiques, affaires étrangères et Défense, affaires culturelles, affaires sociales, aménagement du territoire et du développement durable. Classées par commissions, retrouvez ici les interventions générales et les explications de vote des sénateurs CRC.

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Référendum local

Par / 4 juin 2003

par Josiane Mathon-Poinat

Monsieur le président,
Monsieur le ministre
Mes cher(e)s collègues,

Ce projet de loi est le premier texte d’application de la réforme constitutionnelle relative à la décentralisation, adoptée en février dernier après le simulacre de vos états généraux déjà disparus de la mémoire collective tant leur huis-clos fut hermétique aux aspirations des Français.
Nous avions proposé que les engagements du Président de la République concernant l’adoption par la voie du référendum de cette réforme de la Constitution soient tenus. En vain.
Vous refusiez le référendum national et aujourd’hui nous légiférons pour un référendum local.

Ainsi intérêt national et intérêt local semblent deux entités opposées.
A l’époque, vous argumentiez en disant que cette réforme constitutionnelle ne concernait pas suffisamment les Français. C’était un texte trop technique, d’après vous.
Mais voilà que sitôt connues les premières mesures, le pays s en émeut.

L’ensemble du monde éducatif décrypte parfaitement les enjeux de cette réforme régressive. Les enseignants, les personnels Atoss organisent des réunions d’information et de débat avec les parents d’élèves dans chaque école. Ils réfléchissent avec les salariés du public mais aussi du privé, à la cohérence de votre projet de société. Et ils vous interpellent chaque jour dans la rue pour pouvoir finalement en discuter sur le fond.

N’est-ce pas là la preuve éclatante que notre peuple peut se saisir de tout ce qui le concerne ? Ce mouvement social qui se développe, ne témoigne-t-il pas de la maturité de nos concitoyens à prendre leurs affaires en mains ?

Pour les membres de notre groupe, cette irruption des citoyens dans le débat public vient conforter leur exigence d approfondissement de la démocratie, et souligne en retour votre frilosité sur ce thème, votre peur d exposer dans la clarté les objectifs de votre politique dictée par le MEDEF. D ailleurs sur un dossier majeur comme celui des retraites, vous ne négociez pas avec les partenaires sociaux, vous appliquez les consignes ultralibérales. Au nom du pacte de stabilité vous sacrifiez la spécificité française.

Le texte qui nous est soumis aujourd’hui, vise à donner un vernis démocratique à votre projet de remodelage en profondeur de notre société.
Quand vous parlez de décentralisation, vous pensez démembrement du service public national.
Quand vous évoquez la libération de l’énergie des territoires et des régions, vous avez en pensée leur mise en concurrence.

Et lorsque vous vous penchez sur la démocratie, vous vous arrêtez aux élus, aux pouvoirs en place et ne laissez qu’à l’exécutif d’une collectivité le loisir d’initier le référendum.
La « France d’en bas » n’existe-t-elle que dans les discours du Premier Ministre ?

Nous étions en attente d’un vrai débat sur les modalités à inventer pour associer plus étroitement et plus constamment les habitants aux choix concernant leur collectivité.
Votre projet de loi, M. le Ministre, ne mentionne aucun droit nouveau pour les citoyens, et votre texte continue à ignorer les ressortissants non communautaires, à les exclure de la vie en société politique.

Le référendum tel que vous nous le présentez s’apparente plus au plébiscite qu’à un véritable élargissement de la démocratie. Pourtant, les élus ont déjà de nombreuses possibilités de consultation des populations sur tel ou tel projet. Les plus avertis ne s’en privent pas. Ils savent qu’il est plus judicieux de rechercher, dès la conception d’un projet, l’avis et les propositions des personnes directement concernées pour y puiser une pertinence complémentaire à celle des experts et techniciens.
Le champ même du référendum local, dans votre vision, est restreint.

Faute d’avoir reconnu une assise constitutionnelle aux établissements de coopération intercommunale, ces structures s’enferment dans une opacité, gèrent dans le silence et l’éloignement, des compétences accrues touchant à la vie quotidienne de tout un chacun, comme à des choix décisifs sur l’aménagement des territoires. Votre texte ignore donc les EPCI, institutions pourtant devenues essentielles à la vie locale.
Les communes elles-mêmes pourraient initier un référendum dont l’objet porte sur une compétence des EPCI.
La démocratie participative n’est décidément pas votre point fort.

Nous dénonçons, dans ce texte, l’absence du droit pour les citoyens eux-mêmes d’interpeller leurs représentants, et de soumettre une question à l’approbation de l’ensemble des habitants. Nous nous souvenons qu’il était inscrit dans la première version de la réforme constitutionnelle le droit de pétition pour les électeurs dune collectivité territoriale leur permettant d’obtenir l’inscription d’une question à l’ordre du jour de l’assemblée délibérante, mais vous êtes bien vite revenu sur cette « audace » lors du débat parlementaire.
Les électeurs n’ont le droit que de demander l’inscription d une question à l ordre du jour du conseil de leur collectivité.

Encore cette disposition constitutionnelle n’est-elle pas mise en œuvre. Le projet de loi organique dont nous débattons aujourd’hui, ne concerne pas cette disposition. Cela est particulièrement regrettable.
Ce texte ne prévoit pas non plus la possibilité pour les électeurs d’obtenir directement l’organisation d’un référendum local. Cela favoriserait pourtant l’essor d’une citoyenneté accrue, vivifiant la démocratie locale, offrant à chacun la possibilité réelle d’intervenir dans le débat local. Nous défendrons un amendement en ce sens, persuadées que la démocratie délégataire doit s’enrichir de la démocratie participative, convaincu-es de la profonde aspiration de nos concitoyens à maîtriser les choix qui les concernent.

Ce texte déjà limité quand à son objet, ne prévoit pas non plus la participation des étrangers non communautaires au référendum que vous nous proposez. L’occasion sera-t-elle à nouveau gâchée de réaliser ce que désormais une constante majorité de Français et de Françaises considère comme juste : les étrangers résidant de manière régulière dans une collectivité doivent pouvoir participer aux décisions locales. A fortiori ils devraient pouvoir participer à répondre aux questions que poseront les élus aux habitants de leur collectivité. Faute de quoi ce serait faire un pas de plus vers l’exclusion intérieure, au lieu de favoriser l’insertion, la cohésion sociale. Réfléchissez-y, M. le Ministre !

Vous aviez avec ce projet de loi le moyen de faire avancer positivement ce débat, d’entrer dans l’étape inéluctable de sa réalisation. Vous ne le faites pas. Nous soumettrons un amendement en ce sens, espérant que les esprits s éclairent au fil de nos travaux.

L’organisation d’un référendum local nécessite avant tout de réunir les conditions d un véritable débat public.
Nous estimons que chaque parti politique devrait pouvoir alimenter la réflexion et bénéficier des moyens prévus pour mener campagne. Dans les régions, dans les départements, le seuil de 5% nécessaire pour accéder aux moyens officiels de la campagne privera les citoyens de la pluralité des expressions politiques. Nous proposerons dans le débat d amender ce point.

De même nous considérons que le champ de la démocratie ne se résume pas aux organisations politiques. Nous proposons que les associations ou syndicats représentatifs puissent participer à la campagne d’information et débats si l’objet de la question les concerne. Il semble naturel que les organisations représentatives de locataires puissent s’exprimer lors d un référendum local concernant le logement social pour ne prendre que cet exemple.

Dans des conditions propices à un débat éclairé et suffisamment long, le seuil de participation à la consultation électorale, donnant une valeur décisionnelle au vote, prend une acuité moindre. L’organisation d’un référendum doit viser le mieux disant démocratique et non se concrétiser par des règles strictes et rigides.
Nos voisins allemands font des referendums locaux des actes décisionnels lorsque la participation est supérieure à 20 ou 30 % en fonction des Länder.

Il nous apparaît que l’enjeu réside avant tout dans la qualité du débat préalable. Nous ne sommes donc pas favorables à l’instauration d’une participation minimale pour rendre décisionnelle une telle consultation.
M. le Ministre, vous le savez, les sénateurs de notre groupe sont disponibles pour toute avancée réelle de la démocratie. Nous proposons le renvoi en commission de votre texte pour le transformer profondément dans cet objectif.

C’est dans le contexte social qui exprime ouvertement l’opposition à votre visée de la décentralisation.
Je viens d’exposer plusieurs propositions d’amendements majeurs. Il vous appartient d’y répondre. Sans quoi notre groupe dénoncera par un vote contre, l’illusion démocratique à laquelle vous tentez de faire croire, pour masquer la nature de votre projet dévastateur sur la décentralisation.

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