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Lois

Avant d’être débattu et voté en séance publique, chaque projet ou proposition de loi est examiné par l’une des sept commissions permanentes du Sénat : lois, finances, affaires économiques, affaires étrangères et Défense, affaires culturelles, affaires sociales, aménagement du territoire et du développement durable. Classées par commissions, retrouvez ici les interventions générales et les explications de vote des sénateurs CRC.

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Référendum sur l’organisation institutionnelle de la Corse : motion

Par / 13 mai 2003

par Robert Bret

Monsieur le Président,
Monsieur le Ministre,
Mes chers Collègues,

Permettez-moi de commencer par une citation. « En déplaçant le débat sur le plan institutionnel, en jouant une partition à quatre mains avec les nationalistes, le gouvernement a cru pouvoir se dispenser d’apporter les réponses réelles qu’attendent l’immense majorité silencieuse des Corses.

Les questions qu’il se posent sont bien plus simples : « comment trouver du travail ? Quel avenir donner à leurs enfants ? Et certainement pas « quelle délégation de pouvoir d’adaptation législative à la collectivité territoriale de Corse. En déplaçant le débat sur le plan institutionnel le gouvernement s’est donc fourvoyé ».
L’auteur de cette critique cinglante n’est autre que vous Monsieur le Rapporteur et, c’est le processus de Matignon qui était dans votre ligne de mire.

Comment ne pas noter que vos propos aurait été très bien pu s’appliquer au texte préparé par le Ministre de l’Intérieur qui, il est vrai, est toujours favorable, lui, à une évolution institutionnelle de l’île, en préalable à toute politique de développement économique et social de l’île.
Cette évolution rapide, très rapide, des positionnements de certains membres de la majorité parlementaire accentue le sentiment de flou, de malaise face à un coup politique qui apparaît dicté plus par les circonstances que par un projet de développement de l’île.
La motion de renvoi en commission tend à dénoncer cette manœuvre à laquelle nous assistons et à permettre au Sénat, à sa commission des lois, de reprendre plus sereinement le débat.

Il faut rappeler que la commission spéciale sur la Corse, dont Monsieur Garrec était président et, Monsieur Courtois, Rapporteur ainsi que le travail de Monsieur Paul Girod, au nom de la commission des lois sur le projet de loi présenté par Monsieur Lionel Jospin, relevait d’une toute autre idée du travail parlementaire, que le semblant de discussion auquel nous assistons aujourd’hui.

Pourquoi semblant de discussion ? Une fois de plus, Monsieur Raffarin et ses Ministres ont opté pour la précipitation pour tenter de forcer la main au Parlement.
C’est par exemple seulement quelques minutes après la clôture du Conseil des Ministres qui venait d’adopter le projet de loi dont nous entamons la discussion que vous vous êtes présenté, Monsieur le Ministre, avec une rare célérité, devant la commission des lois.

L’urgence bien entendu est déclarée, ce qui va permettre de réduire le débat parlementaire à son strict minimum.
Cette précipitation, Monsieur le Ministre, ne vise-t-elle pas à masquer la manœuvre qui consiste à croiser le débat sur le projet de loi autorisant le référendum et celui concernant la première loi organique relative à la décentralisation, concernant les expérimentations législatives ?

J’ai noté l’insistance de Monsieur Larché, ancien Président de la commission des lois, qui a interrogé, en commission, le rapporteur à plusieurs reprises, sur l’absence de référence du présent texte au futur pouvoir normatif de la collectivité unique.

Monsieur le Rapporteur a dévié le tir, en répondant qu’aucun projet de loi organique n’avait été déposé. Il est donc proposé aux Corses d’approuver la création d’une collectivité dont ils ignorent les futurs pouvoirs.
Pour ces raisons, nous demandons que la commission soit saisie de l’avant projet de loi organique qui doit déterminer le pouvoir normatif futur des collectivités territoriales.
Il est évidence que ne pas satisfaire cette exigence nuirait gravement au sérieux de notre travail. Ce simple fait retire beaucoup de crédibilité à la future consultation.

Cette précipitation ne vise-t-elle pas à masquer que l’annexe, qui accompagne le projet de loi censée éclairer les électeurs sur les intentions du gouvernement, est « précise et floue » comme le souhaitait Monsieur le Rapporteur à l’occasion de son déplacement en Corse ?
La vérité doit être dite : les électeurs ne se prononceront pas sur l’avenir de la Corse lors du référendum, dont la date, le 6 juillet, a été rendue publique bien longtemps avant notre débat mais, donneront, sur de nombreux points, carte blanche au gouvernement qui élaborera par la suite, dans l’hypothèse d’un votre favorable, un projet de nouveau statut qui lui, sera ratifié au Parlement par la majorité UMP et certainement pas par le peuple corse.
Les incertitudes concernant le mode de scrutin, ou bien la répartition des compétences sont telles, que deux groupes de travail ont été mis en place sur ces thèmes par le Ministre de l’Intérieur.

Cela a déjà été dit lors de la discussion générale, les sénateurs communistes sont sans ambiguïté pour la consultation du peuple. Depuis l’année 2000, ils demandent d’ailleurs son organisation en Corse. Mais la consultation ne doit pas devenir un blanc seing qui permettra demain à un gouvernement, très attentif aux sirènes libérales, d’aller plus loin dans la rupture entre la Corse et la République.

Oui, Monsieur le Ministre, il y a un monde entre la démocratie de proximité, l’association des habitants aux décisions essentielles pour leur destin et, la manipulation à laquelle nous assistons aujourd’hui.

Je souhaite, avec mes amis du groupe communiste républicain et citoyen, que la commission des lois se prononce sur la signification exacte de ce référendum. S’agit il simplement de faire valider la suppression des départements, aujourd’hui en Corse et demain dans l’ensemble du pays ? Les électeurs seront ils informés avant le référendum de la mise en cause des services publics et des menaces sur l’emploi qui découle des projets gouvernementaux ? Seront ils également informés de l’inéluctable augmentation d’impôts territoriaux qui découleront de transferts de compétences massifs ?
L’attitude de l’UMP, le revirement ou le silence des ses membres peut inquiéter sur la portée de la manœuvre en cours.

Rappelez-vous, il y a deux ans et demi, c’est le Président de la République lui-même qui, fait sans précédent, demandait le report du projet de loi présenté par le gouvernement de la gauche.
« Dans notre République, dans notre pacte républicain, c’est le Parlement qui fait la loi et qui peut l’adopter et, c’est le gouvernement qui fait les décrets et qui peut les adopter ».

Sur le fond de la démarche, la droite était profondément divisée, entre adversaires de rupture de l’unité de l’état et partisans, alors minoritaires, d’un évolution très largement décentralisée, voire fédérale, dont vous étiez, Monsieur le Ministre de l’Intérieur, puisque c’est sur cette base que vous aviez choisi l’abstention sur le projet de Monsieur Jospin.
N’est-ce pas Monsieur Fillon, alors principal orateur du groupe RPR à l’Assemblée nationale, qui avait déclaré : « En un mot qu’avons-nous fait d’autre, Monsieur le Ministre, qu’alimenter la différence corse ? »
Messieurs de la majorité sénatoriale, Monsieur le Ministre, que faites-vous d’autre aujourd’hui ?

Autre retournement : celui concernant la domination de la future assemblée unique. Monsieur Girod, alors Rapporteur, déclarait le 6 novembre 2001 : « Ainsi le texte établit de manière extraordinairement insidieuse, une tutelle de la collectivité territoriale de Corse, sur les cent collectivités territoriales de l’île, ici par l’absence de mention des départements et des communes, là par l’affirmation d’une compétence générale pour les affaires de Corse. Cela me semble tout à fait contraire à l’esprit de la Constitution, laquelle pose le principe de libre administration des collectivités territoriales ».

Comment ne pas noter la contradiction avec le Président Poncelet qui, en campagne en Corse la semaine dernière, vantait les mérites du projet : « cette réforme semble seule capable de mettre un terme à la fragmentation des pouvoirs, à la parcellisation des politiques, à la multiplication des chevauchements et à l’inflation des dépenses de fonctionnement ». Quelle est la droite qui parle vrai ? Celle d’hier ou celle d’aujourd’hui ?
La démarche aujourd’hui n’est plus insidieuse, elle est claire. Malgré le refus par le Parlement d’inscrire dans la Constitution, le gouvernement propose, ni plus ni moins, d’instaurer une tutelle de l’assemblée unique sur les communes et groupements, les départements eux passant définitivement à la trappe.

A propos des départements, Monsieur le Ministre, pouvez vous vous engagez aujourd’hui à consulter les départements sur le processus référendaire, alors que seule l’assemblée territoriale l’a été à ce jour ?
Dernier revirement et non le moindre, l’attitude à l’égard des nationalistes et de la violence.

Aujourd’hui, des partisans déclarés du oui, qui vont des nationalistes à certains radicaux de gauche en passant par des éléments de la droite traditionnelle, la seule force politique qui soutient fortement, sans division apparente, c’est Corsica nazione, le mouvement de Monsieur Talamoni.
Qu’en pense Monsieur de Rohan, qui taxait ici même en 2001 le leader nationaliste de « raciste », de « xénophobe et d’antidémocratique » et qui dénonçait « la société du fusil ». Le Président du groupe UMP, expliquant même, page 4677 du journal officiel du 6 novembre 2001, que le mouvement nationaliste était « aux antipodes de nos conceptions et de nos valeurs », tout en demandant avec force l’arrêt préalable de la violence.

Chacun sait ici que cette violence continue encore en Corse. Les morts tombent, les bombes explosent toujours, Monsieur le Ministre, comme le rappelle les éléments statistiques fournis par le Rapporteur lui-même.
Monsieur de Rohan très en verve, citait même Messieurs Santoni et Rossi, dont les assassins courent toujours, Monsieur le Ministre de l’Intérieur : « La révolution culturelle et politique que nous voulions accomplir, nous ne l’avons pas accomplie. Le goût des armes, la délinquance, le culte du voyou, toutes ces tares de la société corse que nous voulions gommer, la clandestinité n’a fait que les renforcer. L’ancienne caste politicienne et féodale du clan se porte bien et, peut tranquillement se transformer en une nouvelle classe affairiste mieux adaptée au monde moderne ».

Ce sentiment apparaissait très nettement partagé au sein de la droite parlementaire et, tout particulièrement du RPR.
Pourquoi ce changement de pied ? Qui peut contester que des contacts et des ententes avec les milieux nationalistes ait lieu. Monsieur le Ministre de l’Intérieur, n’avez-vous pas vous-même reçu, comme l’a rapporté la presse, Monsieur Talamoni dans votre mairie de Neuilly et dialogué durant quatre heures avec lui.

N’avez-vous pas fait les éloges du Président de l’Université de Corte qui vient de signer une lettre très controversée, qui tente d’amoindrir la responsabilité des auteur de violence en Corse et, notamment des assassins du Préfet Erignac.

Ce texte, Monsieur le Ministre, vous l’avez trouvé vous-même « extrêmement choquant ». Et ce n’est pas les rapiéçages de dernière minute qui retirent son caractère. Irez-vous toujours parler à Corte dans quelques jours ?
Comment ne pas mettre cette attitude en rapport avec cet extrait du discours du Président de la République, le 9 février 1998, prononcé à l’occasion des obsèques du Préfet Erignac et, cité en épigraphe du rapport de la commission d’enquête sénatoriale sur la sécurité en Corse : « Nous ne laisserons pas le crime et le non-droit s’installer en Corse. Nous ne laisserons pas attaquer l’Etat et ses serviteurs. Nous ne laisserons pas défaire l’unité du pays ».

Les opinions sont-elles mûres dans cet hémicycle pour se prononcer aujourd’hui sur le projet qui nous est soumis ?
De toute évidence non. Trop de non dit, trop de revirements, trop d’intrigues et de manque de franchise, montrent bien que le débat doit être approfondi, que les conditions d’élaboration des projet gouvernementaux pour la Corse doivent être mis sur la table et, que chacun ici, doit pouvoir s’expliquer sereinement et ne pas être obligé de se déjuger de manière par trop indigne.

Peut-on passer vite sur le fait que la Corse est aujourd’hui confirmée dans son rôle de laboratoire institutionnel. Ne faut-il pas alerter les électeurs, qui sont des citoyens français comme les autres, sur le rôle qu’on entend leur faire jouer de précurseurs de la République des particularismes et non pas d’une République démocratisée, dont une décentralisation solidaire, soucieuse de l’égalité sur le territoire, serait l’un des moteurs.

Comme vous nous l’indiquiez, Monsieur le Ministre, je vous cite : « le statut proposé pour la Corse constituerait un modèle susceptible d’intéresser d’autres collectivités ».
L’enjeu de ce référendum dépasse donc la question de la spécificité corse dont chacun reconnaît ici la réalité.
Ce référendum constitue un moyen pour le Président de la République et le gouvernement, de pousser les feux de leur décentralisation libérale, pour ne pas dire de leur révolution libérale, en contradiction totale avec l’idée d’une République généreuse, munie de puissants services publics pour garantir la protection de l’intérêt général.
C’est bien un choix de société qui nous est proposé aujourd’hui et ce n’est pas le Ministre de l’Intérieur qui me démentira.

Un vote positif le 6 juillet autoriserait l’émiettement de la République. Demain, d’autres régions comme l’Alsace, que l’on évoque déjà, demanderait la mise en place d’un statut particulier, avec à terme, la disparition des départements et un transfert de compétences massif au détriment de l’unicité du service public. C’est bien là la raison de l’accélération du processus corse.

Certes, il y a les appétits financiers à satisfaire et nombreux sont ceux qui s’aiguisent en contemplant la Corse et le marché, touristique notamment, qu’elle représente.
Mais c’est surtout l’accélération d’une modification profonde de l’architecture institutionnelle française qui est engagée.

Le gouvernement de Monsieur Raffarin accélère les réformes. Mais ces réformes s’apparentent à une véritable restauration libérale qui vise à faire sauter la structure républicaine de notre pays, qui bridait l’individualisme au profit du collectif.

Le peuple corse, ce peuple qui attend depuis si longtemps qu’un plan d’envergure soit mis en place pour assurer le développement de l’île, n’a pas beaucoup à espérer de ces péripéties institutionnelles qui masquent de bien mauvaises intentions.

En 2001, j’avais exposé mes craintes devant les retards accumulés par la Corse sur le plan économique et sur la précarité qui y règne. J’avais préconisé un certain nombre de pistes de réflexions pour le développement, en me félicitant d’ailleurs de l’instauration du PIE pour une somme de deux milliards d’euros. Ce qu’attendent les Corses qui, pour l’immense majorité sont fidèles à leur attachement à la République et à ses valeurs, c’est l’élaboration d’un véritable projet pour l’île.

Les élus communistes ce Corse, sauront avec d’autres, préconiser le non à un référendum qui vise plus à utiliser les Corses pour imposer un choix de société à l’ensemble du pays, qu’à assurer l’épanouissement et la reconnaissance d’hommes et de femmes qui font la force de la République.
Pour l’heure, je vous propose de renvoyer devant la commission un projet de loi et surtout son annexe qui ne répond pas à l’exigence constitutionnelle de clarté de dispositions soumises à référendum.

C’est le sens de la motion que je vous suggère à présent d’adopter.

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